Un autre regard sur la SeineMots clés : Juvisy-sur-Orge, Paris, Conflans-Sainte-Honorine, péniche Bali, projet Alternat pour la paix et la Seine en partage |
Un autre regard sur la SeineDimanche 21 mai, les associations militant à divers titres pour un autre regard sur la Seine se sont retrouvées sur la péniche Bali de l'association Alternat pour une croisière entre Juvisy-sur-Orge et Conflans-Sainte-Honorine.
Martine LE BEC
La péniche a quitté Juvisy au matin dans la grisaille et le froid et s'amarre quai de Bercy à l'heure du déjeuner. C'est là que H2O embarque à destination de Conflans-Saint-Honorine. L'objet de cette croisière est de faire se rencontrer des associations engagées dans la valorisation et le partage de ce bien exceptionnel que constitue la Seine, et de profiter pleinement de cette journée de mai (drôle de mois de mai d'ailleurs après un hiver si doux et si sec) pour nous laisser porter au fil de l'eau, admirer les monuments parisiens d'en-dessous, découvrir la toute jeune Seine Musicale de l'île Seguin (Boulogne-Billancourt), s'enorgueillir du quartier d'affaires de La Défense, découvrir le village olympique de l'Île-Saint-Denis avec sa passerelle montée l'automne dernier et s'impressionner des généralement-invisibles ou seulement-entr'aperçus-de-loin docks des ports de Paris (70 ports en Île-de-France formant ensemble le premier port fluvial en France et le deuxième en Europe), tout cela jusqu'à ce lieu myhique pour tous les mariniers : Conflans. Depuis la sortie de la capitale cela fait quatre grandes boucles, soit un peu plus de 60 kilomètres seulement interrompus par deux écluses : le barrage-écluse de Suresnes, un édifice de trois écluses et de deux barrages séparés par l'île de Puteaux, et l'écluse de Bougival, sur bras de Marly (oui, là même où Arnold de Ville y avait installé sa Machine).
Le bateau sur lequel nous avons embarqué est une péniche Freycinet (comprendre au gabarit Freycinet), assurée de par ses dimensions (38,5 mètres de long sur 5,05 mètres de large) de pouvoir naviguer sur les 4 000 kilomètres de canaux du même nom. Elle s'appelle Bali. Construite en 1957, la péniche était évidemment à l'origine une embarcation de commerce destinée au transport de marchandises. Plus de trois décennies durant, des bateliers arpentèrent à son bord les fleuves et canaux pour charger et décharger des matériaux ou denrées alimentaires destinés à construire et nourrir nos villes. En fin de "carrière", en 1990, cette besogneuse était sauvée du déchirage par un instituteur, Didier Albouy, qui lui donna une seconde vie en la métamorphosant en un espace de découverte et d’apprentissage pour les scolaires. Le projet pédagogique s’articulait autour de quatre thématiques : les sciences et l’industrie, le patrimoine, la découverte de l’environnement naturel, la batellerie. En 2008, l’association Alternat reprenait la gestion du bateau, lui assurant quatre années de grosse rénovation. Depuis lors son port d'attache est Juvisy-sur-Orge, où la péniche se retrouve à coupe avec une consœur, Alternat, construite en 1932 et sous le pavillon de l'association depuis 1992.
Le projet Alternat de "Péniche pour la Paix" est l'héritier du Service civil international (SCI) né sur les ruines de Verdun, au lendemain de la Première Guerre mondiale. L'idée était alors de proposer aux jeunes d'agir en équipes internationales à dimension humaine pour vivre des moments de partage, de joie et de créativité au-delà des barrières nationales, culturelles et linguistiques. Aujourd'hui, le projet poursuit son œuvre en mettant ses deux embarcations au service de multiples activités et évènements dont les dénominateurs communs restent la solidarité et le partage. À leur programme figurent l'accueil social, l'insertion et la formation, des ateliers de recherche-action, des universités populaires et des croisières de découverte et de fête.
Le Bali entame sa dernière boucle et apparaissent illumées par le soleil rasant une petite dizaine de grues. Cormeilles-en-Parisis n'était pas très gâtée par ses bords de Seine : une courte bande d'à peine plus de 800 mètres, laissée en friche à la fermeture d'une cimenterie du groupe Lafarge. Impulsé par le maire et porté par le promoteur UrbanEra dans un esprit très Disneyland, le complexe immobilier de Seine Parisii offrira au moins au fleuve un nouveau port de plaisance – il y en a si peu. La péniche poursuit sa route. À hauteur d'eau, nous nous croirions déjà dans la campagne. Au sortir de la boucle, c'est Conflans-Saint-Honorine, nous y arrivons en même temps que le Jane Austen, un bateau de croisière de luxe. Déjà présents sur le Rhône, ces gabarits sont progressivement en train de s'approprier la Seine. Les étiages anormalement bas du Rhin et du Danube ont déporté sur la France une partie de l'activité de grandes compagnies allemandes ou anglaises. .
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