À quelque sept mille kilomètres de la France Hexagonale, perdue entre
un océan Atlantique immense et une mer des Caraïbes turquoise,
l'archipel guadeloupéen ressemble à s'y méprendre à une carte postale :
plages de sable fin bordées de lagons enchanteurs, hauts cocotiers à
l'ombre fournie, pluies abondantes, soleil généreux, végétation
luxuriante... Mais il y a des ombres au tableau.
Mariane AIMAR-DEBIERREH2o – janvier 2000
Si la Guadeloupe ne souffre pas de pollution atmosphérique – ou si peu et d'une manière très localisée, dans l'agglomération de Pointe à Pitre – il en est autrement dans le domaine des eaux.
Des réseaux de distribution désuets
D'après une confidence d'un cadre de la Générale des Eaux Guadeloupe, les réseaux existants auraient "20 ans de retard sur ceux de la métropole" et outre les problèmes de fuites et de ruptures de canalisations occasionnés – 40 % de l"eau serait ainsi perdue -, d'autres difficultés se font jour ces derniers temps. En effet, les industries bananière et cannière, très présentes sur l'île, rejettent au bas mot 2 000 tonnes de pesticides chaque année dans les sols, une large part de ces engrais étant entraînée par les eaux de ruissellement dans les eaux côtières qui se chargent ainsi de nitrates. Première conséquence : les algues prolifèrent et les coraux disparaissent. Mais ces pesticides passent aussi pour une part dans le réseau de distribution d'eau potable augmentant ainsi les risques pour la population. Mais surtout, ce qui est le plus effrayant, c'est que l'eau en Guadeloupe est considérablement gaspillée. La pluie est abondante mais peu de bassins de rétention existent et les réserves sont régulièrement au plus bas. Ainsi, durant la saison des pluies, des quantités massives d'eau se perdent dans la nature alors que durant le carême, saison sèche, les robinets sont parfois eux aussi à sec, les agriculteurs tirant la langue tout comme les animaux d'élevage assoiffés et condamnés à manger une herbe rase de couleur jaune paille.
De l'eau gaspillée, mal gérée
La gestion de l'eau ici n'existe pas, ou si peu, et les responsables locaux ont tant de pain sur la planche que leurs maigres actions paraissent dérisoires. En fait, tout le monde vit ici dans une insouciance réelle et les rares voix qui s'élèvent ne trouvent que peu d"auditeurs. Quelques preuves d'insouciance ou de retard ? La centrale thermique d'EDF située en plein coeur d'un écosystème fragile s'il en est, la mangrove, est à l'origine d"une pollution chronique aux hydrocarbures. Fort heureusement, cette unité de production devrait fermer à la fin de cette année.
Autre exemple, celui des distilleries, ces usines qui produisent le légendaire rhum de la Guadeloupe ainsi que le sucre de canne. Toutes rejettent une "vinasse" très acide directement en mer par des canaux à ciel ouvert ou en rivière. Actuellement, ces rejets ne subissent aucun traitement or, leur oxydation entraîne la destruction pure et simple des espèces marines touchées.
La Guadeloupe, l'île des Petites Antilles qui possède la plus longue barrière de récifs coralliens, pourrait donc se réveiller en ce début de 21ème siècle avec une immense impression de temps perdu et gâché. Les solutions existent, saura-t-elle les mettre en place suffisamment rapidement pour qu"elle conserve son surnom "d'île aux belles eaux".
Cacoucaira, nom Caraïbe de la Guadeloupe signifie "l'île aux belles eaux". .