Quand la mer monteMots clés : Basse Saâne 2050, relocalisation du camping communal, remise en état naturel du site, construction d'une STEP et reconnexion du cours d'eau à la mer |
QUAND LA MER MONTE |
Les tracés actuel et futur de la Saâne – doc. Conservatoire du littoral, photo Frédéric Larrey |
20 ans, cela paraît long. Mais le délai est à mettre en rapport avec l’ampleur et le coût du projet. Y figurent : la relocalisation du camping de Quiberville pour un peu plus de 8,6 millions d’euros (pour une commune disposant d’un budget annuel de 600 000 euros) ; la connexion de la Saâne à la mer pour un peu plus de 2,1 millions d’euros ; la station d’épuration et les réseaux de Longueil (puisque la commune n’en disposait pas, faisant que les plages de Quiberville et de Sainte-Marguerite se retrouvaient fréquemment impropres à la baignade), ceci donc pour un peu plus de 11,1 millions d’euros. Au total, tous les un-peu-plus-de mis bout à bout, le projet s’élève à un-peu-plus-de 22,8 millions d’euros. En face, viennent les financements (en arrondis) de : PACCo Interreg France-Angleterre (9,3 millions d’euros), Agence de l’eau Seine-Normandie (7,1 millions d’euros), Région Normandie (707 000 euros) Département de Seine-Maritime (1,5 million d’euros), Communauté de communes Terroir de Caux (2,5 millions d’euros), Commune de Quiberville-sur-Mer (1,3 million d’euros), Syndicat mixte des bassins versants Saâne Vienne Scie (145 000 euros) et Conservatoire du littoral (228 000 euros).
Au passage, précisons que les financements Interreg PACCo ont permis à la Communauté de communes Terroir de Caux de porter un programme d’assainissement de grande ampleur incluant la STEP de 4 300 équivalents-habitants, les raccordements de 8 communes et la suppression de 6 petits équipements non conformes, le tout pour un montant de 24 millions d’euros.
Le projet PACCo marque surtout une approche nouvelle : on change de modèle pour une adaptation permanente.
Au final néanmoins, il a fallu ajouter quelques millions pour l’acquisition foncière et la remise en état naturel du site de l’ancien camping, aujourd’hui en cours (les travaux de démolition, de désamiantage et de dépollution, le retrait des voiries, l’évacuation des merlons), soit un-peu-plus-de 1,7 million d’euros. Mais en contrepartie de quoi, la basse vallée de la Saâne va se retrouver tel…
… Un petit Marquenterre
20 septembre 2024 : le bloc sanitaire de l’ancien camping municipal (un bâtiment très années 1970) a reçu son premier coup de pelleteuse. Avec la renaturation du site, le prochain chantier sera celui de la reconnexion à la mer : la route départementale côtière enjambera le débouché de la Saâne par un pont de 10 mètres. La nouvelle embouchure sera dès lors libre, et franchissable par les poissons migrateurs. D’ici à 2050, le cours de la Saâne aura retrouvé ses méandres et son périmètre d’expansion. La basse vallée de la Saâne sera dès lors tel un petit Marquenterre, un paysage terre-mer de marais et roselières.
Ce programme de finalisation, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le Syndicat mixte des bassins versants, va lui-même coûter un-peu-plus-de 6,4 millions d’euros, financés à 90 % par l’Agence de l’eau Seine-Normandie. Ainsi finalement, hormis la STEP, la relocation du camping, plus la renaturation du site, plus la reconnexion à la mer représentent un montant de 16,8 millions d’euros.
Seuls se retrouvent gros-jean comme devant les propriétaires de bungalows, installés là, à deux pas de la plage, depuis les années 1950-1960. Tout cela s’était fait un peu à l’arrache, les terrains ne leur appartenant pas. Le Conservatoire du littoral qui a pu en acquérir la propriété a bien tenté de trouver d’autres parcelles un peu plus en hauteur pour proposer une relocalisation à ces désormais très malchanceux occupants. Peine perdue les parcelles ne pouvant être urbanisées, et les propriétaires ne seront indemnisés qu’à hauteur de la valeur de leurs murs.
Ce petit exemple où il n’est ici question "que" d’un camping, d’une poignée de bungalows, d’un long talus et d’un vieil exutoire maintes fois reconstruit, nous donne idée du travail à réaliser sur d’autres zones, davantage urbanisées, voire industrialisées. Derrière cela une seule question : qui paiera ? Il est temps d’entamer une réflexion sur la mise en place d’un fonds significatif, permettant de prendre en charge les indemnisations et investissements très conséquents qui seront nécessaires dans les 30 ans pour renforcer l’adaptation des zones littorales au changement climatique. À défaut de quoi, nous serons nombreux à nous retrouver gros-jean. ▄
Le nouveau camping municipal de Quiberville-sur-Mer, ouvert depuis août 2023, qui a été rebaptisé Domaine Saâne et Mer, classé 4*, et qui est exploité en DSP par le groupe Seasonova, promoteur du "Slow Life". |
Jean-François Bloc, maire de Quiberville-sur-Mer, Véronique Depreux, maire de Saint-Marguerite-sur-Mer, et Didier Ledrait, maire de Longueil. |
20 septembre 2024, premier coup de pelleteuse sur le bloc sanitaire du camping, construit en 1973. |
RETRAIT DU TRAIT DE CÔTE Le décret n° 2024-531 du 10 juin 2024 modifiant le décret n° 2022-750 du 29 avril 2022, est venu compléter la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral. 75 nouvelles communes ont ainsi rejoint la liste qui compte désormais 317 communes contre 126 à sa première diffusion en 2022. S'agissant des campings – puisque c'était un peu le sujet du jour – plus de 2 000 d'entre eux seraient concernés sur l'ensemble du territoire métropolitain, concentrant à eux seuls 50 % des hébergements en hôtellerie de plein air. Dans la Manche, des projections montrent qu'un tiers du camping aura disparu d'ici 30 ans. Jean-François Bloc, maire de Quiberville-sur-Mer (qui en est à son 7ème mandat), peut être heureux. Il a bien conduit son affaire. |
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Basse Saâne 2050 Vallée de la Saâne – Conservatoire du littoral Lower Otter Restoration Projet Avis de l'Académie des technologies – Augmentation du niveau marin et ses conséquences sur les risques littoraux, juin 2024. Le lecteur y trouvera tous les liens intéressants sur cette problématique de l'évolution du trait de côte. |