MeSeine INNOVATION, Mieux observer et comprendre les rivières franciliennes

MeSeine INNOVATION
Mieux observer et comprendre les rivières franciliennes

Jeudi 10 avril s'est tenu à La Cité de l'Eau et de l'Assainissement à Colombes (Haut-de-Seine) le colloque de restitution de la phase I du programme MeSeine Innovation organisé par le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP) et ses partenaires scientifiques.

SIAAP
photos : LEESU/MeSeine Innovation

H2o – avril 2025

À l’occasion des 5 ans d’existence du programme initié par le SIAAP et l'Université Paris-Est Créteil (UPEC) et des 35 ans de l’Observatoire de la rivière du SIAAP, ce colloque a permis de partager les principales avancées scientifiques et technologiques réalisées ces dernières années au service d’une meilleure connaissance de la qualité de l’eau de la Seine et de sa surveillance. Parmi les technologies présentées : la surveillance du fleuve grâce à l’ADN environnemental, l’apport des images satellites, l’apport de la fluorescence 3D, les outils de traque de microplastiques, les outils de modélisation.

Une approche innovante pour le milieu récepteur

En cinquante ans, le système d’assainissement francilien s’est transformé et modernisé. Ces progrès ont conduit à une réduction significative de la pollution rejetée dans les rivières. Dans le même temps, l’adoption de la directive cadre sur l’eau a marqué un changement profond qui donne à la rivière une position centrale. Hier exclusivement fondée sur son rendement épuratoire, la performance du système d’assainissement s’apprécie aujourd’hui à l’aune de sa capacité à préserver la qualité des eaux de surface et ainsi participer à l’atteinte du bon état écologique et chimique des eaux de surface.

Ce contexte évolutif et exigeant place l’acquisition de connaissances nouvelles sur l’état des rivières franciliennes et le développement d’outils ou d’approches innovants pour assurer le suivi et l’anticipation de leur qualité au cœur des enjeux de demain. Ces outils innovants, qu'ils soient métrologiques ou mathémathiques, adaptés à la surveillance et à la protection des rivières urbaines prennent également une dimension opérationnelle en se positionnant comme de précieux outils d'exploitation.

Un programme connecté à un observatoire opérationnel, au service de nouvelles connaissances et approches

Lancé en 2020 par le SIAAP et l’Université Paris-Est Créteil, le programme MeSeine Innovation a comme objectifs : d'améliorer la connaissance de l’état des rivières franciliennes, appréhendé par le prisme de leur qualité physico-chimique, de leur imprégnation par les micropolluants et de la diversité du biote ; de promouvoir l’innovation dans les outils de suivi de la qualité des eaux de surface ; de faire évoluer les outils numériques capables notamment de prédire l’évolution de la qualité des eaux de surface.

L’observatoire MeSeine suit la qualité de la Seine et de ses affluents en Île-de-France en termes de physico-chimie, de bactériologie, de micro-contamination et de diversité faunistique. Créé par le SIAAP en 1990, cet observatoire technologique a évolué au rythme des avancées scientifiques et est directement connecté au programme MeSeine Innovation : sur 125 km de Seine (de Choisy-le-Roi à Méricourt) et 13 km de Marne (de Champigny-sur-Marne à Alfortville), à l'appui de 9 stations de mesures en temps réel, de 13 sites suivis pour les prélèvements in situ et 14 stations pour le recensement piscicole, il génère des données nouvelles, à haute fréquence, indispensables à la compréhension de la dynamique des eaux de la Seine francilienne. En retour, l’observatoire bénéficie également des avancées scientifiques du programme à travers le déploiement de méthodes d’observation innovantes. Il est le réceptacle opérationnel des solutions innovantes développées dans le programme de recherche. 

Des innovations déployées à l’opérationnel 

Les travaux menés au sein du programme MeSeine Innovation ont permis l’émergence de nouveaux outils, qu’ils soient métrologiques ou numériques.

Caractériser la matière organique à haute fréquence – La matière organique est un mélange complexe de composés organiques, provenant de sources naturelles et anthropiques. En trop grande quantité, la matière organique urbaine peut induire des phénomènes de désoxygénation dans les milieux récepteurs. Les méthodes actuelles de caractérisation et de quantification de la matière organique ne permettent pas d’avoir des informations fines in situ et à haute fréquence. Ces informations permettraient une meilleure compréhension de l’influence de la matière organique sur le fonctionnement écologique, le cycle des nutriments et la biodisponibilité des polluants dans les milieux récepteurs. 

La direction Innovation du SIAAP et le Laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains (LEESU) ont collaboré pour développer un capteur utilisant la fluorescence 3D pour quantifier et qualifier la matière organique présente dans l’eau. Le capteur Fluocopée a ainsi été déployé sur les sites de l’observatoire MeSeine et aux prises d’eau des usines de potabilisation du SEDIF (Syndicat des Eaux d’Île-de-France) afin de caractériser in situ à haute fréquence la matière organique.

L’ADN environnemental : une technique innovante et non invasive pour le recensement piscicole – La méthode traditionnelle pour inventorier les espèces de poissons consiste à effectuer un recensement par pêche électrique. La détection de l’ADN environnemental (ADNe) est une approche actuellement développée en raison de sa plus grande sensibilité en termes de détection des espèces rares ou discrètes et de son moindre impact sur l’environnement aquatique. En effet, l’ADN libéré par les organismes persiste quelques jours dans le milieu et peut être extrait à partir d’échantillons d’eau filtrés prélevés in situ. Ce fragment est ensuite amplifié et comparé à une banque de données génétiques recensant les espèces piscicoles. Ainsi, chaque espèce dispose d’un "code barre" génétique spécifique permettant son identification au sein de l’échantillon et donc dans le milieu.

Le SIAAP a intégré ce suivi innovant au sein de son observatoire MeSeine pour compléter le recensement piscicole usuel.

Moderniser et renforcer l’observatoire MeSeine et estimer la qualité bactériologique – Pour assurer une surveillance adaptée de la qualité microbiologique en amont de Paris, deux nouvelles stations multiparamètres ont été développées en 2024 à Saint-Maurice sur la Marne et à Port-à l’Anglais sur la Seine. Elles mesurent 11 paramètres physico-chimiques tels que l’oxygène, la température, le carbone, l’azote et le phosphore. Un outil d’estimation rapide de la concentration en bactéries indicatrices fécales (BIF), le ColiMinder, permettant d’avoir une information avant que l’eau n’arrive au cœur de Paris a également été installé sur ces deux stations. Ces informations ont été utilisées comme outil d’aide à la décision par le Comité technique olympique.

La modélisation au service de l’évaluation de la qualité – Depuis 2010, le SIAAP mène des travaux pour comprendre le transfert des bactéries fécales dans le petit cycle de l’eau. Ces connaissances ont été utilisées pour accompagner le développement de la chaîne de modélisation et faire évoluer les modèles permettant de prédire la qualité de l’eau comme le modèle ProSe. Ces outils ont permis d’orienter le Plan baignade, en identifiant les travaux prioritaires à engager afin d’améliorer la qualité des eaux de la Seine, qu’il s’agisse de moderniser le réseau d’assainissement ou les usines d’épuration. Initialement prévu pour prédire la qualité physico-chimique, le modèle ProSe a évolué pour intégrer la qualité bactériologique.

La modélisation a également été utilisée pour estimer les temps de transfert d’une pollution potentielle jusqu’au pont Alexandre III où se tenaient les épreuves..

MeSeine Innovation phase II (2025-2029)

De nouveaux enjeux sont à explorer, parmi lesquels : exprimer le potentiel de l’imagerie satellitaire pour surveiller la qualité de l’eau ; développer des modèles numériques de gestion qualitative et quantitative en lien avec le contexte de changement climatique (étiages et crues plus marquées). Des solutions opérationnelles sont à faire émerger comme passer à l’opérationnalité pour la surveillance des microplastiques ; coupler des solutions innovantes déjà expérimentées dans le programme comme par exemple le screening non ciblé et l’ADN environnemental ou la biosurveillance.

Le SIAAP va également continuer de promouvoir les sciences ouvertes avec la mise en ligne de bases de données de l’observatoire MeSeine.

"Ce programme est la parfaite illustration de la politique d’innovation voulue par le SIAAP, un programme à l’interface entre avancées scientifiques et réponses concrètes aux enjeux du territoire", estime Vincent Rocher, directeur délégué Innovation, Stratégie et Environnement au SIAAP. "De par sa connexion avec l’observatoire MeSeine, ce programme de recherche se distingue par une réelle capacité à transformer les avancées scientifiques en solutions opérationnelles", renchérit Sabrina Guréron, directrice Innovation. Pour Régis Moilleron, professeur à l'UPEC, ce programme permet surtout decroiser des discipilines scientifiques différentes et de la mettre au service d'une même objet : LA SEINE. ▄