Colloque Eau de Paris |
Protéger la ressource en eau
|
En collaboration avec Aqua Publica Europea, l'association européenne des opérateurs publics de l'eau, la matinée était consacrée aux réponses aux pollutions à l'échelle européenne, avec : Elena Montani, cheffe d'équipe à l'Unité pour l'environnement marin et les services d'eau potable à la DG Environnement de la Commission européenne ; Sergiy Moroz, responsable Politiques pour l'eau et la biodiversité au Bureau européen de l'environnement ; Xavier Leflaive, administrateur principal à la direction de l'environnement de l'OCDE ; Kris van den Belt, chef de service Approvisionnement en eau et Traitement des eaux usées municipales à l'Agence flamande de l'environnement ; ainsi que les témoignages d'Antoine Gatet, président de France Nature Environnement, et de David Sánchez Carpio, directeur de la Fédération des consommateurs et usagers CECU (Espagne). Une seconde table ronde présentait quelques-unes des meilleures pratiques d'opérateurs publics, avec : Carline Whalley, experte des industries et pollutions de l'eau à l'Agence européenne de l'environnement ; Sean Laffey, directeur Gestion des actifs et du développement durable à Uisce Éireann (Irlande) ; Wolfgang Gruber, chef de l'unité Systèmes de gestion et Représentation des intérêts à Vienna Water (Autriche) ; Anne Scherfig, responsable de secteur à la Compagnie des eaux du Grand Copenhague (Danemark) ; Christophe Clergeau, député européen, vice-président du Groupe des Socialistes et Démocrates. L'après-midi était dédié à la qualité de l'eau en France, avec : Florence Habets, hydrogéologue, directrice de recherche au CNRS, professeure attachée à l'ENS et présidente du conseil scientifique du Comité de bassin Seine-Normandie ; Sandrine Rocard, présidente de l'Agence de l'eau Seine-Normandie ; Dan Lert, adjoint à la maire de Paris en charge de la transition écologique, du plan climat, de l'eau et de l'énergie, président d'Eau de Paris et vice-président d'Aqua Publica Europea ; Manon Zakeossian, responsable du service Protection de la ressource et Biodiversité à Eau de Paris ; Michel Demolder, maire de Pont-Péan, président de la collectivité Eau du Bassin Rennais, président de la commission locale du SAGE Vilaine et du Syndicat du bassin versant de la Seiche ; François Poupard, directeur général des services au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. Une seconde table ronde s'est intéressée aux défis à relever, avec : Denise Thibault, vice-présidente du Comité de bassin Seine-Normandie, représentante des associations agrées de protection de la nature ; Jean Launay, président du Comité national de l'eau ; Laurent Roy, président de la section Milieux,Ressources et Risques à l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable ; Jean-Claude Raux, député de Loire-Atlantique. |
La pollution, la surexploitation et le changement climatique menacent la pérennité des ressources en eau en Europe
La pollution, la dégradation des habitats, les effets du changement climatique et la surexploitation des ressources en eau douce exercent une pression sans précédent sur les lacs, les rivières, les eaux côtières et les eaux souterraines d’Europe. Selon une large étude consacrée à l’état des masses d’eau européennes et publiée le 15 octobre dernier par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), l’Europe est encore loin d’atteindre les objectifs de bon état des eaux qu’elle s’est fixés en vertu de la réglementation de l’UE. Une meilleure gestion de l’eau apparaît comme un élément fondamental pour améliorer la résilience de l’eau, atténuer les pressions sur la ressource et garantir que les citoyens, la nature et l’industrie en Europe disposent d’une eau de bonne qualité en quantité suffisante. D’après le rapport, c’est aussi l’agriculture qui exerce la pression la plus importante, avec une incidence à la fois sur les eaux de surface et les eaux souterraines. Cela s’explique par l’utilisation de l’eau (le secteur est, faut-il le rappeler, le premier consommateur net d’eau avec une demande pour l'agriculture irriguée qui va s'amplifier) et la pollution résultant de l’utilisation intensive de nutriments et de pesticides.
En France cette fois, un nouveau rapport interministériel publié ce mois de novembre est venu alimenter l'épineuse question des pesticides et de leurs métabolites. Les métabolites sont peu présents dans la réglementation européenne, qu’il s’agisse de la directive cadre sur l’eau et de ses textes d’application ou du règlement encadrant l’approbation des substances actives et l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Ainsi, la réglementation ne s’applique qu’aux métabolites détectés et se limite aussi aux métabolites quantifiés, dont la présence dans l’eau est jugée "probable" par les autorités sanitaires ; la réglementation ne prend pas en compte les "effets cocktail". Ces lacunes dans les réglementations conduisent à une insuffisante prise en compte des risques associés, dénonce le rapport – de même qu'il dénonce l'imparfaite application du principe de pollueur-payeur. Cependant, aucune amélioration n'est ici en vue ; à supposer même qu'un projet de loi de finances 2025 survienne dans un contexte approximativement "normal", il y peu à parier que ce projet revienne sur le retrait de l’augmentation de la redevance pour pollutions diffuses (RPD), augmentation initialement prévue dans le PLF 2024.
Xavier Leflaive (OCDE) suggère un autre instrument (complémentaire) : le principe de responsabilité élargie du producteur (REP). Le principe, qui rend le producteur initial solidairement responsable des effets de la vie (et de la mort) de son produit, a démontré une efficacité certaine dans le secteur des déchets. Caroline Whalley (AEE) accorde elle-même du crédit au principe. Elle rappelle également la révision de la directive sur les émissions industrielles publiée au Journal officiel de l'UE en juillet dernier. Les États membres doivent transposer avant le 1er juillet 2026 ce texte qui élargit son champ d'application et impose des normes plus strictes.
Moins 77 % de pesticides dans les AAC d'Eau de Paris
Organisateur de la journée, Eau de Paris a profité de l'événement pour publier les premiers résultats de son dispositif d'accompagnement des agriculteurs. Mis en place en 2020, le dispositif repose sur un régime élaboré de paiement pour services environnementaux (PSE). Il permet d’accompagner, sur la base du volontariat, les exploitants agricoles opérant dans les aires d’alimentation de captage (AAC) de la régie et qui souhaitent s'engager vers des pratiques plus durables (introduction de nouvelles cultures, désherbage mécanique, couverts végétaux, adaptation de la fertilisation…). Quatre types de contrats sont proposés en fonction des types d'exploitation, pour des durées de 6 et 7 ans : 1. Grandes cultures bas intrants ; 2. et 3. Agriculture biologique avec élévaget et sans ; 4. Élevage non bio maximisant la part d'herbe.
À ce jour, 115 agriculteurs totalisant plus de 17 300 hectares (dont 58 % en agriculture biologique) se sont engagés aux côtés de la régie. Cette superficie représente plus d’une fois et demie celle du territoire parisien.
Ainsi, entre 2019 et 2023, les surfaces en agriculture biologique ont été multipliées par quatre sur l'ensemble des AAC, passant de 2 800 hectares à 11 800 hectares. La quantité de pesticides utilisée a été réduite de 77 % en 2023, soit l’équivalent de 55 tonnes de substances actives de pesticides évitées. "La mise en place de ce programme a permis de diminuer de moitié les pics de concentration de pesticides dans les nappes souterraines sur lesquelles il y a un fort développement de l’agriculture biologique", précise Manon Zakeossian, responsable du service Protection de la ressource et Biodiversité à Eau de Paris, en s’appuyant sur les résultats de mesures de qualité effectuées par le laboratoire Eau de Paris, accompagné par un bureau d’études, dans le territoire pilote de la Vallée de la Vanne (Yonne). Sur ce territoire, 30 % des agriculteurs – principalement en grandes cultures – sont désormais convertis au bio ; il n'étaient que 1 % en 2010.
Le programme intègre un accompagnement personnalisé et un conseil technique de proximité aux exploitants à travers la mobilisation d’une équipe de terrain de 4 personnes. Aussi, 9 agriculteurs volontaires sur 10 jugent le cahier des charges clair et simple, et le conseil adapté. L'aide financière s'établit, selon le contrat, entre 150 et 450 euros par hectare et par an.
Initialement prévu sur 5 ans (2020-2024) mais venant d'être prolongé sur 2025, le programme représente un budget de 46 millions d’euros, financé à hauteur de 20 % par Eau et Paris et de 80 % par l’Agence de l’eau Seine-Normandie.
Cette politique de protection des ressources en eau représente pour l’usager de l’eau potable parisienne seulement 4 centimes d’euro au mètre cubes. En comparaison, le montant des coûts de traitement pour dépolluer l’eau est bien plus élevé : le rapport de la mission d’information du Sénat sur la gestion durable de l’eau, publié en juillet 2023, indiquait un coût des traitements curatifs en moyenne 3 fois supérieur aux actions de prévention ; certains opérateurs estiment même le rapport à 3,85. Selon le rapport précité de l’IGAS/IGEDD/CGAAER, le surcoût de traitement d’un résidu de fongicide (métabolite R471811 du chlorothalonil) serait de 20 centimes à 1,20 euro par mètre cube, en fonction de la technologie et de la taille des installations de potabilisation.
La prolongation du dispositif sur 2025 (avec un montant d'aides de 5 millions d'euros) devrait permettre la jonction avec un nouveau dispositif de long terme qui, finalement, comme l'explique Dan Lert, président d'Eau de Paris, s'impose aussi comme une illustration exemplaire de la solidarité territoriale entre les mondes urbain et rural. ▄