21 MARS 2025
Première Journée mondiale des glaciers
Dans le sillage du choix de l’année 2025 comme "Année internationale de la préservation des glaciers" et de l’adoption d’une résolution sur le développement durable dans les régions montagneuses par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies en 2022, le Rapport mondial des Nations unies Montagnes et glaciers, des châteaux d’eau, publié par l'UNESCO pour le compte d’ONU-Eau, vise à rappeler à l'humanité, l’importance des eaux de montagne, en particulier des glaciers alpins, pour le développement durable des régions montagneuses ainsi que pour les sociétés en aval qui en dépendent, et ce alors que la cryosphère de montagne subit un bouleversement rapide.
Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau
WWAP – UNESCO
cet article est extrait du rapport
H2o – mars 2025
Les montagnes fournissent une eau vitale à des milliards de personnes et d’innombrables écosystèmes. Véritables châteaux d’eau de la planète, elles jouent un rôle critique pour le développement durable, qui ne peut être ignoré.
Si l’on veut mieux comprendre et protéger ces environnements fragiles, de plus en plus menacés par le changement climatique et les activités humaines non durables, il nous faut agir.
Car rien de ce qui a lieu dans les montagnes ne reste dans les montagnes.
D’une façon ou d’une autre, nous vivons tous en aval d’une montagne.
État des ressources mondiales en eau
Selon les estimations les plus récentes (datées de 2021), l’agriculture exploite 72 % des volumes d’eau douce prélevés au niveau mondial tandis que 15 % et 13 % sont prélevés pour les usages industriels et domestiques (ou municipaux) respectivement. Les taux propres à chaque secteur varient considérablement selon le niveau de développement économique des pays. Les pays à revenu élevé utilisent davantage d’eau pour l’industrie quand les pays à faible revenu utilisent 90 % (ou plus) de leurs ressources en eau à des fins d’irrigation agricole.
Au cours de la période 2000-2021, les prélèvements mondiaux d’eau douce ont augmenté de 14 %, ce qui correspond à un taux moyen d’augmentation de 0,7 % par an. Cette augmentation concerne principalement les villes, les pays et les régions qui connaissent un développement économique rapide. La croissance démographique, en revanche, ne semble pas contribuer de manière significative à l’accroissement de cette demande. De fait, les pays où la consommation en eau par habitant est la plus faible, parmi lesquels plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, sont souvent ceux dont la population augmente le plus rapidement.
Vingt-cinq pays, abritant un quart de la population mondiale, sont exposés à un stress hydrique "extrêmement élevé" chaque année. On estime que près de 4 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, sont confrontées à de graves pénuries d’eau pendant une partie de l’année.
Le changement climatique accroît la variabilité saisonnière ainsi que l’incertitude concernant la disponibilité des ressources en eau dans la plupart des régions. La pollution, la dégradation des sols et des écosystèmes ainsi que les risques naturels peuvent compromettre davantage la disponibilité de ces ressources.
Progrès réalisés pour atteindre l'ODD 6
Le sixième objectif de développement durable (ODD 6) vise à garantir la disponibilité et la gestion durable des ressources en eau et de l’assainissement pour toutes et tous. Toutefois, la réalisation des cibles de l’ODD 6 n’est pas en bonne voie ; pour certaines d’entre elles, le retard accumulé est même très important.
En 2022, quelque 2,2 milliards de personnes (27 % de la population mondiale) n’avaient pas accès à des services d’eau potable gérés de façon sûre, quatre personnes sur cinq vivant en zone rurale n’ayant pas même accès à des services de distribution d’eau potable. En ce qui concerne l’assainissement, la situation est pire puisque 3,5 milliards de personnes dans le monde n’avaient pas accès à des services d’assainissement gérés de façon sûre en 2022. En Amérique latine et dans les Caraïbes comme en Asie centrale et en Asie du Sud, seule la moitié de la population avait accès à ces services. En Afrique subsaharienne, la distribution de ces services ne touchait pas plus de 24 % de la population.
En raison d'un manque de données et de suivi, il est extrêmement difficile de procéder à une analyse complète des avancées pour les autres cibles de l’ODD 6, notamment celles relatives à la gestion des ressources en eau, à la qualité de l’eau, aux écosystèmes tributaires de l’eau et à la création d’un environnement propice.
Régions montagneuses
En tant que véritables châteaux d’eau de la planète, les montagnes sont une source essentielle d’eau douce. Elles sont indispensables pour répondre aux besoins humains fondamentaux, notamment en matière d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Elles permettent également d’assurer la sécurité alimentaire et énergétique de milliards de personnes vivant dans les régions montagneuses et aux alentours ainsi que dans les zones situées en aval.
Au sein des régions montagneuses, les principales activités économiques incluent l’agriculture, l’élevage, la sylviculture, le tourisme, l’exploitation minière, le commerce transfrontalier et la production d’énergie. Ces régions produisent des marchandises à forte valeur tels les plantes médicinales, le bois et autres produits forestiers, un bétail particulier et des spécialités agricoles régionales. Elles constituent aussi des zones sensibles en termes de biodiversité agricole, une grande partie du patrimoine génétique mondial servant à l’agriculture comme des plantes médicinales s'y trouvant.
Les montagnes comportent une grande diversité de zones écologiques dont chacune résulte d’une combinaison spécifique de facteurs tels l’altitude, la géomorphologie, l’isolement et les conditions microclimatiques (rayonnement solaire par exemple). Par conséquent, elles présentent souvent une biodiversité endémique plus riche que les zones de plus faible altitude, et notamment de larges variétés de cultures agricoles et d’espèces animales d’un point de vue génétique. On y trouve également une gamme tout aussi diversifiée de cultures humaines.
Les glaciers et la cryosphère de montagne
La cryosphère de montagne compte parmi les éléments du système terrestre les plus sensibles au changement climatique. De façon générale, les montagnes fournissent davantage d’eau de ruissellement par unité de surface que les terres de plus faible altitude du fait des précipitations plus importantes et de l’évaporation plus faible qui s’y produisent. Les glaciers alpins, eux aussi, stockent et rejettent de l’eau, mais sur des périodes beaucoup plus longues. Dans de nombreuses régions de haute altitude, la formation du manteau neigeux saisonnier fournit la majeure partie des réserves d’eau douce.
La plupart des glaciers mondiaux, y compris ceux des montagnes, fondent à une cadence de plus en plus rapide. Cependant, la fonte des neiges alimente plus largement encore les cours d’eau dans la plupart des bassins fluviaux à composante cryosphérique et donne souvent un volume d’eau nettement supérieur à celui de la fonte des glaciers.
Sous l’effet du réchauffement climatique, la fonte des glaciers s’accélère, le manteau neigeux diminue, le dégel du pergélisol s’intensifie, les précipitations et les risques naturels deviennent plus extrêmes. À l’avenir, les flux d’eau douce provenant des montagnes deviendront plus erratiques, plus incertains et plus variables. Les changements des périodes et du volume de débit maximum et minimum, l’accroissement de l’érosion et des charges sédimentaires auront des conséquences sur la quantité, la qualité et la périodicité des ressources en eau en aval. Du fait de tempêtes de poussière, d’une pollution atmosphérique et d’incendies de forêt plus fréquents et plus intenses, la poussière, les dépôts de suie de combustion, notamment les dépôts de carbone noir, de même que la prolifération microbienne et algale à la surface de la neige et des glaciers sont de plus en plus fréquents.
Ces phénomènes peuvent accélérer les vitesses de fonte en réduisant l’albédo de la surface jusqu’aux prochaines chutes de neige.
Les conséquences du changement climatique, notamment la hausse des températures, le recul des glaciers, le dégel du pergélisol et la modification des régimes de précipitations, peuvent avoir un impact sur les risques d’inondation et de glissement de terrain. De même, les phénomènes associés à ces risques, tels que les coulées de débris et les crues, les avalanches, les chutes de pierres et de glace, les inondations provoquées par la rupture de barrages ou la vidange brutale de lacs glaciaires, peuvent constituer des menaces importantes pour les communautés, la faune et la flore ainsi que pour les infrastructures.
Alimentation et agriculture
L’agriculture et l’élevage assurent une bonne part de la subsistance des habitants des régions montagneuses rurales. Toutefois, dans les pays en développement, l’insécurité alimentaire touche un habitant sur deux de ces régions. L’éloignement et l’inaccessibilité comme la dégradation des sols (générant des sols de mauvaise qualité) et les fortes variations saisonnières de l’approvisionnement en eau, sont autant de facteurs qui rendent difficile la pratique de l’agriculture en montagne.
Les communautés des régions montagneuses cultivent des variétés végétales et des plantes médicinales parmi les plus rares. Grâce aux connaissances et aux méthodes traditionnelles qu’elles ont acquises au fil du temps dans les domaines de la culture, de l’élevage et de la collecte de l’eau, elles contribuent à la préservation d’écosystèmes entiers.
Les peuples autochtones qui vivent dans les montagnes disposent de savoirs, de traditions et de pratiques culturelles propres, uniques et précieux qui leur ont permis de se doter de systèmes alimentaires durables, d’assurer la gestion des terres et de préserver la biodiversité. La culture en terrasse, par exemple, se prête aux reliefs pentus que l’on trouve dans les régions montagneuses. Elle offre de nombreux avantages parmi lesquels la diminution du ruissellement des eaux de surface, la conservation des ressources en eau, la réduction de l’érosion des sols, la stabilisation des pentes, l’amélioration de l’habitat et de la biodiversité, ainsi que la préservation du patrimoine culturel.
Les mesures visant à lutter contre les effets du changement climatique dans les régions montagneuses diffèrent considérablement en termes d’objectifs et de priorités. La rapidité de leur mise en œuvre, les dispositifs de gouvernance, les modalités de prise de décision et l’ampleur des ressources financières ou autres allouées à leur mise en œuvre varient également. Le plus souvent, les mesures d’adaptation comprennent la modification des pratiques agricoles, le développement des infrastructures, notamment aux fins du stockage de l’eau, le recours aux savoirs autochtones, le renforcement des capacités au niveau local et l’adaptation écosystémique.
Établissements humains et réduction des risques de catastrophe naturelle
Les régions montagneuses abritent environ 1,1 milliard de personnes, dont les deux tiers vivent dans des villages et des villes. L’isolement des communautés de montagne, les terrains accidentés et l’exposition accrue aux risques naturels entraînent souvent des coûts plus élevés pour les transports, les infrastructures, les biens et les services. Ceci pose aussi des défis particuliers en termes de financement, de développement et d’entretien des systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement, des réseaux d’égouts et d’autres infrastructures hydrauliques essentielles.
Dans les régions montagneuses, l’urbanisation rapide et incontrôlée exerce également une pression sur des écosystèmes montagneux fragiles, compromettant la disponibilité, la qualité et la sûreté des ressources en eau. La mise en place de systèmes d’approvisionnement en eau et de systèmes d’assainissement décentralisés peut avoir des retombées particulièrement probantes dans ces régions, réduisant les risques d’endommagement des infrastructures sur des terrains accidentés, sujets à des glissements fréquents.
Par ailleurs, les catastrophes naturelles tels les glissements de terrain, les tremblements de terre, les inondations, les coulées de boue et les avalanches peuvent endommager les infrastructures de distribution d’eau et d’assainissement et ainsi perturber l’accès à l’eau comme aux services d’assainissement et d’hygiène. Ces risques accentuent la vulnérabilité de communautés déjà fragiles et souvent marginalisées, et déstabilisent certains secteurs dont celles-ci tirent leur subsistance comme l’agriculture, le tourisme et la biodiversité.
Parmi les mesures d’adaptation mises en place dans les régions montagneuses, on compte des études de faisabilité de la construction d’infrastructures de stockage d’urgence et de dérivation comme de contrôle des rejets des lacs glaciaires, la gestion des bassins fluviaux et la planification de leur optimisation, le suivi des changements chronologiques des glaciers et la mise en place de systèmes de réduction des risques de vidange brutale des lacs glaciaires et d’alerte précoce dans les bassins fluviaux glaciaires.
Industrie et énergie
Les industries consommatrices d’eau se sont développées dans les régions montagneuses car l’eau et d’autres ressources y sont relativement abondantes. Outre de servir à la production industrielle et énergétique, l’eau sert également au traitement des minerais, à la production de bois et au développement du tourisme en montagne.
La production hydroélectrique constitue l’un des principaux secteurs d’activité des régions montagneuses. La présence de reliefs et le profil des vallées permettent en effet de produire de l’énergie hydroélectrique sans nécessiter de barrages ou de réservoirs de grandes tailles. La construction et la présence de barrages et de réservoirs, de câbles et de sous-stations peuvent avoir toutefois des effets néfastes notables sur les écosystèmes montagneux fragiles.
Outre à la disponibilité des ressources en eau, le secteur de l’industrie et de l’énergie se heurte à un autre défi de taille, à savoir l’altitude à laquelle il est possible d’opérer.
De telles conditions pouvant générer des coûts d’investissement et de fonctionnement considérables, les activités industrielles se limitent généralement à celles dont le retour sur investissement est élevé.
Le développement des secteurs de l’industrie et de l’énergie peut néanmoins compromettre la qualité des ressources en eau. Dans les régions montagneuses isolées, il peut être difficile d’appliquer une réglementation, ce qui entraîne des prélèvements d’eau et des rejets incontrôlés, y compris de polluants.
Des solutions existent ou sont en cours d’élaboration pour rendre l’industrie et la production d’énergie plus durables au sein des régions montagneuses. En vertu d’une économie circulaire, il est notamment possible de réduire l’emploi des ressources en eau ou de les réutiliser comme de recycler les eaux usées. Les pratiques respectueuses de l’environnement englobent des technologies moins polluantes, une meilleure gestion des ressources et un recyclage efficace des déchets. Enfin, la transformation des infrastructures grises en infrastructures vertes ou leur remplacement par ces dernières peut s’avérer particulièrement efficace dans les régions montagneuses.
Environnement
Les écosystèmes des montagnes et des hauts plateaux fournissent des services écosystémiques essentiels aux personnes qui y vivent ainsi qu’aux milliards d’habitants des zones de plus basse altitude qui y sont rattachées. Parmi les services les plus importants figurent les services de régulation de l’eau (notamment le stockage de l’eau et la régulation des inondations).
La réduction des risques d’érosion et de glissements de terrain, la baisse des températures locales, la séquestration du carbone, la fourniture de nourriture et de fibres ainsi que le maintien d’un ensemble de ressources génétiques pour des cultures et du bétail adaptés aux conditions locales font aussi partie de ces services.
Les forêts couvrent environ 40 % des régions montagneuses, apportant une protection contre les catastrophes naturelles du fait de leur capacité à stabiliser les pentes abruptes, à réguler l’écoulement des eaux souterraines, à réduire le ruissellement de surface et l’érosion des sols ainsi qu’à atténuer les risques de glissements de terrain et d’inondations. A contrario, des pratiques d’arboriculture non durables peuvent aggraver l’érosion des sols et réduire l’infiltration des eaux.
En montagne, les sols se constituent sous des conditions climatiques difficiles. Moins profonds et plus vulnérables à l’érosion, ils se distinguent nettement des sols des terrains de basse altitude. Ils sont aussi souvent et plus facilement dégradés par les activités humaines qui notamment éliminent la végétation et mettent les sols à nu. Or, à haute altitude, la régénération des sols dégradés et, partant, des écosystèmes, est un processus long.
Au niveau des écosystèmes, la plupart des solutions visant à remédier aux impacts des changements au sein de la cryosphère et des hautes montagnes consistent à conserver ou à restaurer la fonctionnalité des écosystèmes afin de maintenir ou d’améliorer les services écosystémiques à l’échelle locale ou régionale par le biais de solutions fondées sur la nature ou d'adaptations écosystémiques. Ces approches sont désormais considérées comme des outils d’adaptation faisant partie des contributions nationales de nombreux pays montagneux dans le monde.
Perspectives régionales
Afrique subsaharienne – Sur le continent africain, 20 % des terres émergées appartiennent à la catégorie des reliefs d’altitude supérieure à 1 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, dont 5 % dépassent une altitude supérieure à 1 500 mètres. L’Afrique de l’Est y est la région la plus montagneuse. Riches en biodiversité, ces régions montagneuses fournissent des services écosystémiques, notamment des ressources en eau, à des millions de personnes. En Afrique subsaharienne tropicale et subtropicale, les montagnes offrent des conditions environnementales plus favorables et des ressources plus avantageuses que les terres de basse altitude alentour, généralement plus arides.
La production agricole et la sécurité alimentaire au sein des régions montagneuses comme des terres de plus basse altitude situées en aval dépendent largement des eaux de montagne. Or, les écosystèmes montagneux se dégradent, ce qui réduit leur capacité à stocker et à fournir de l’eau en aval. La destruction de forêts de montagne d’une importance cruciale en est un exemple frappant.
Étant donné que l’agriculture constitue le principal moyen de subsistance dans les montagnes d’Afrique subsaharienne, il est essentiel d’améliorer les pratiques agricoles afin de réduire la dégradation des terres et de promouvoir la conservation des sols. Le recours à des mesures d’adaptation écosystémique (le reboisement et la protection des forêts de montagne pour lutter contre l’érosion des sols par exemple) peut améliorer la rétention d’eau et la recharge des aquifères tout comme réduire les risques de catastrophes naturelles.
Dans les montagnes de la région, les taux de croissance démographique et la densité de population sont élevés, la pauvreté y est répandue et il n’existe pas ou peu de moyens de subsistance alternatifs et résilients. De façon générale, les montagnes sont plus densément peuplées que les basses terres.
Europe et Asie centrale – En Europe et en Asie centrale, de nombreux cours d’eau trouvent leur source dans les chaînes de montagnes. La fonte des neiges et des glaciers alpins génère un lent écoulement d’eau douce vers les zones en aval. Cependant, du fait du changement climatique, la fonte saisonnière de la neige est plus précoce et les glaciers sont plus petits, rendant moins certaine la disponibilité des ressources en eau pendant l’été. Cette situation est lourde de conséquences pour les populations des bassins en contrebas.
Pour de vastes zones en Europe, les ressources en eau des Alpes revêtent une importance capitale. Les prélèvements d’eau sont principalement destinés à la production hydroélectrique mais servent aussi à l’industrie, à l’irrigation agricole et à l’enneigement artificiel.
Les montagnes des Carpates abritent environ 30 % de la flore européenne. La présence d’habitats semi-naturels tels les pâturages et les prairies de fauche leur confère une grande importance écologique et culturelle.
À travers les montagnes d’Asie centrale, les pays de plus haute altitude sont confrontés à des pénuries d’énergie en hiver, ce qui les pousse à accroître leur production hydroélectrique, tandis que les pays en aval sont largement tributaires de l’eau des montagnes pour leur production agricole en été. Ces demandes saisonnières conflictuelles entraînent des tensions politiques entre pays riverains.
Dans ce contexte, l’amélioration et le partage des connaissances et des informations, le renforcement de la coopération régionale, la consolidation des capacités nationales en matière de gestion de la cryosphère et des eaux de montagne, ainsi que la sensibilisation et la participation des principales parties prenantes à l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’action sont nécessaires.
Amérique latine et Caraïbes – En Amérique latine et dans les Caraïbes, les montagnes occupent environ un tiers de la surface du territoire et fournissent des quantités d’eau par unité de surface supérieures à celles de n’importe quel autre continent. Cependant, les glaciers de la région subissent une réduction d’ensemble considérable en volume, plusieurs d’entre eux ayant même complètement disparu.
L’eau provenant des montagnes est indispensable à la production de cultures agricoles de forte valeur comme le café et le cacao. Elle permet également de produire la majeure partie de l’énergie hydroélectrique de la région, alimentant les villes et les petites communautés de basse altitude ainsi que les villages isolés des zones élevées.
Les régions montagneuses d’Amérique latine et des Caraïbes subissent de plus en plus les conséquences du changement climatique et des activités anthropiques. Dans les pays andins, les zones de haute altitude ont été le théâtre de conflits sociaux liés à l’eau, dont beaucoup sont en partie attribuables aux activités minières, qui peuvent avoir une incidence négative sur la disponibilité de l’eau pour les usagers en aval.
En réaction, plusieurs pays ont instauré des politiques et adopté des lois visant à protéger ces écosystèmes essentiels. Cependant, la détérioration de certains d’entre eux a déjà dépassé les seuils critiques, de sorte qu’il est crucial de promouvoir des mesures d’adaptation telles que les solutions fondées sur la nature (notamment le reboisement), des méthodes de culture et l’expansion des infrastructures de collecte de l’eau. La mise en œuvre efficace de ces mesures passe par un financement bien ciblé, un suivi rigoureux, le renforcement de capacités et de cadres de gouvernance inclusifs, favorisant le dialogue et la participation des communautés locales en vue d’employer les meilleures pratiques disponibles dans le respect des contextes locaux propres aux régions montagneuses.
Asie et Pacifique – Plusieurs des plus hauts sommets et des systèmes de glaciers les plus étendus au monde se trouvent dans la région Asie-Pacifique. Ce "troisième pôle" regorge de plus de glace et de neige que toute autre région du monde hors Antarctique et Arctique. Y trouvent leur source plus de dix réseaux fluviaux indispensables à la survie de près de deux milliards de personnes réparties dans les bassins fluviaux de l’Asie centrale, de l’Asie du Nord-Est, de l’Asie du Sud et de l’Asie du Sud-Est. Abritant une grande variété de cultures, ce troisième pôle est également l’une des régions les plus diversifiées sur le plan biologique mais aussi l’une des plus fragiles sur le plan écologique.
Les glaciers de haute montagne de la région disparaissent à un rythme alarmant, souvent plus rapide que la moyenne mondiale. À long terme, la réduction des flux d’eau et l’augmentation des sécheresses devraient compromettre la sécurité alimentaire, hydrique, énergétique ainsi que les moyens de subsistance dans la région himalayeenne de l’Hindou Kouch.
L’emploi d’énergie, la dégradation de l’environnement et l’activité anthropique entraînent d’autres problèmes tels que la présence accrue de carbone noir, de métaux lourds et de polluants organiques persistants au sein de ce troisième pôle.
De fait, il faut que les différents acteurs et secteurs touchés par ces évolutions se mettent à collaborer. En effet, la fonte des glaciers et les crises liées à l’eau nécessitent l’application de mesures d’adaptation renforcées, une gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) et des solutions synergiques pour le climat, la nature et la pollution, soutenues par une collaboration transfrontalière, un dialogue régional ainsi que des actions de plaidoyer et de sensibilisation.
Région arabe – Les montagnes de la région arabe ne sont pas souvent prises en considération en dépit de leur rôle majeur dans l’apport de ressources en eau et d’autres services écosystémiques. Des communautés prospères y vivent et s’y sont développés des centres d’activité économique axés sur le tourisme, l’agriculture et l’industrie, qui dépendent souvent de la disponibilité de moins en moins stable des ressources en eau douce, qui se traduit par une diminution de la quantité d’eau disponible par habitant.
L’eau de fonte peut jouer un rôle crucial pour le secteur agricole, en particulier pour l’irrigation des cultures pendant l’été lorsque les précipitations sont limitées. La fonte des neiges assure la majeure partie de la recharge de certaines nappes phréatiques. Sur le mont Liban et les montagnes de l’Atlas, les chutes de neige saisonnières et les précipitations globales devraient diminuer, entraînant une modification de la durée et de l’épaisseur du manteau neigeux ainsi que de la disponibilité des ressources en eau douce. Ces prévisions de réduction du manteau neigeux précèdent une diminution générale de l’approvisionnement en eau, en particulier pendant la saison sèche lorsque le besoin d’irrigation est important. À long terme, les services de distribution d’eau, d’assainissement et d’hygiène peuvent également pâtir de la réduction de toutes les ressources hydriques.
Pour faire face à cette situation, des mesures d’adaptation peuvent être mises en œuvre dont la gestion de la recharge des aquifères. Collecter l’eau en hiver peut servir à atténuer une moindre disponibilité de l’eau en été et à contrer les effets du changement climatique sur les régions montagneuses de la région arabe, notamment la perte du manteau neigeux.
Renforcement des savoirs et des capacités
Compte tenu de la grande variabilité du climat, de la topographie, de la géologie et de la végétation des régions montagneuses – autant de facteurs qui influent le parcours de l’eau à travers l'espace naturel –, il est indispensable de mettre en place des réseaux hydrométéorologiques représentatifs et de solides systèmes d’information.
Le manque de surveillance de la cryosphère de montagne exacerbe les incertitudes des prévisions hydroglaciologiques et accroît le risque d’une mauvaise gestion des ressources en eau. C’est pourquoi, si l’on veut comprendre les changements cryosphériques et rendre plus durables les méthodes d’atténuation et d’adaptation, il est nécessaire de renforcer les infrastructures d’observation en zones de haute montagne et fournir ces données en accès libre.
Renforcer nos capacités collectives à faire face à l’évolution des conditions cryosphériques en montagne et des conditions hydrologiques en aval supposent d’établir un dialogue et une collaboration sérieuse avec les peuples autochtones et les communautés locales, sous réserve de leur consentement préalable et éclairé, et de tirer des enseignements de la gestion des systèmes hydriques qu’ils ont développée au fil des générations.
Les capacités institutionnelles peuvent inclure le temps et les ressources nécessaires à la concertation entre personnes et l’échange de points de vue. Les modèles de gouvernance collaborative impliquent souvent des compromis qui, bien qu’avantageux pour la société à long terme, peuvent déplaire aux bénéficiaires actuels du statu quo.
Les projets de science participative peuvent offrir des occasions de faire interagir le public avec son environnement local, d’améliorer la culture scientifique et de promouvoir des carrières scientifiques. Les collaborations entre organismes de recherche et groupes associatifs, dans le cadre desquelles des chercheurs élaborent des méthodes ainsi que des programmes d’éducation et de formation, sont fréquemment employées pour garantir que toutes ces dimensions sont prises en compte. Lors de tels processus, il convient de s’assurer que les communautés locales participent à la définition du périmètre du projet afin de garantir que les résultats obtenus répondent à leurs besoins.
Gouvernance et financement
Le rôle de la gouvernance de l’eau dans les régions montagneuses n’a pas fait l’objet d’autant d’attention que la gouvernance de l’eau dans les terres de plus basse altitude à propos de laquelle de nombreux travaux ont été réalisés, notamment dans le cadre de la GIRE.
Les politiques internationales fournissent un cadre propice à la gouvernance de l’eau comme à l’adaptation au changement climatique dans les montagnes. De fait, les traités et les conventions constituent des catalyseurs pertinents qui favorisent la coopération et l’action à l’échelle des régions montagneuses.
La plupart des grands fleuves prennent leur source dans ces régions avant de traverser plusieurs frontières nationales. Une gouvernance transfrontière de l’eau, basée sur une approche à l’échelle des bassins qui tienne compte des eaux de montagne, peut être bénéfique aux pays riverains. En effet, la coopération régionale entre pays, y compris les initiatives de gouvernance au niveau des bassins hydrographiques, est un mécanisme essentiel pour faire progresser l’adaptation au changement climatique dans les montagnes. Toutefois, cette coopération se heurte à des divergences d’intérêts nationaux dans le cadre des accords sur les eaux transfrontalières ainsi qu’à l’inefficacité des institutions à assurer une coordination dans le contexte local.
La gestion des eaux de montagne s’effectue principalement à l’échelle des pays au moyen de lois, de politiques et de stratégies nationales. Dans certains cas, les politiques nationales relatives à l’eau, à l’agriculture, à l’industrie et à l’énergie sont élaborées de manière à favoriser les régions de faible altitude au sein des bassins hydrographiques, afin notamment de bénéficier à des zones plus peuplées. Il est rare qu’elles tiennent pleinement compte des problématiques sectorielles propres aux montagnes relativement à l’eau ; au contraire, elles ont tendance à envisager les montagnes uniquement comme des sources d’approvisionnement pour les usagers en aval.
Le développement des régions de haute altitude occasionne généralement plus de dépenses et de difficultés que celui des territoires de plus basse altitude en raison du relief accidenté et du manque d’accès, des limites imposées aux économies d’échelle, de l’éloignement des ports maritimes et des centres d’affaire ainsi que du faible développement des secteurs de l’industrie et des services. Plus la zone est isolée et en altitude, plus les coûts liés au transport, à l’infrastructure, aux biens et aux services augmentent. C’est là un aspect dont il faut tenir compte dans les politiques et les financements, et qui justifie la mise en place de politiques et de programmes spécifiques aux montagnes dans le cadre des plans de développement nationaux et mondiaux.
Exploiter pleinement le potentiel d’adaptation au changement climatique des montagnes requiert un financement approprié comme la participation et la contribution du secteur privé.
En dépit des fonds considérables qui pourraient être investis dans le développement durable des régions montagneuses, l’accès aux principaux programmes d’aide a été relativement réduit. Malgré son intérêt, cette solution non négligeable reste donc insuffisamment appliquée. C’est dire, de façon plus précise, que des fonds internationaux, régionaux, nationaux et locaux, aux visées innovantes et à la valeur raisonnable, pourraient être mobilisés afin d’aider à la planification et au développement des infrastructures dans les secteurs de l’eau, de l’agriculture et de l’énergie. ▄