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Le recyclage continental de l’eau douce

Mots clés : grand cycle de l'eau, recyclage continental, précipitations, évaporation, eau verte, flux, enjeux locaux, continentaux
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Stormwater to Street Tree – EPA

Le recyclage continental de l’eau douce

Notre compréhension du cycle de l’eau est aujourd’hui insuffisante pour bien traiter des enjeux posés par le dérèglement climatique, la dégradation de la biosphère et plus généralement l’augmentation des pressions anthropiques sur les ressources naturelles de notre planète. Elle est insuffisante parce qu’elle est tronquée.

Daniel ZIMMER
Xavier LEFLAIVE
cet article est extrait de la revue PCM
"L'eau, un bien commun – Comprendre les cycles planétaires"

illustration d'ouverture : Margie Moss – GEO
H2o – février 2025

 

Cette vision se met des œillères en se focalisant sur la seule eau douce qui nous paraît importante, cette eau qui s’écoule et que nous pouvons prélever. Le cycle de l’eau est donc appréhendé logiquement à partir de l’ensemble des fleuves, lacs et nappes souterraines, des masses d’eau dans lesquelles nous pouvons puiser pour répondre à nos besoins. Il est aussi réduit dans le temps : comme les années se suivent et se ressemblent, le pas de temps annuel est privilégié. L’eau douce est présentée comme une ressource renouvelable même si les pas de temps de ce renouvellement sont très variables : de 9,5 jours pour l’eau de l’atmosphère à plus de 1 000 ans pour les nappes souterraines (de Marsily, 2009). 

Cette approche utilitariste a logiquement généré une compréhension du cycle de l’eau douce comme le volume d’eau liquide qui "boucle le bilan" entre les océans et les continents en une année.  Ce volume est de l’ordre de 40 à 44 000 km3. La représentation qui en est faite est simple, d’un côté l’océan, d’où s’évapore de l’eau, de l’autre un continent où cette eau évaporée précipite en générant de l’eau liquide qui retourne à l’océan via les fleuves et les nappes souterraines.

C’est cette quantité sur laquelle les experts et les gestionnaires de l’eau ont raisonné dans les dernières décennies pour déterminer les ressources accessibles, disponibles et prélevées. Cette approche s’est justifiée tant que les ressources paraissaient sans limites et que les pénuries ne semblaient pas insurmontables. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.  

Cette vision est biaisée car elle ignore une grande partie du cycle de l’eau. Sur nos continents en effet, les précipitations ne sont pas de 44 000 km3 mais de 117 000 km3 (+/-5 000) chaque année. Pourquoi cette différence ? Parce qu’en pratique l’eau qui tombe sur les continents ne provient pas uniquement des océans, mais des continents eux-mêmes. Quand l’eau de pluie tombe sur nos sols, une partie s’y infiltre : un sol peut stocker de 100 à 200 litres d’eau par mètre carré, soit plus de 10 % de la pluie annuelle en France métropolitaine. Lorsque le sol atteint son stockage maximal ou lorsque l’intensité de la pluie ne permet pas son infiltration, le supplément génère du ruissellement ou des infiltrations vers les nappes souterraines. C’est ce supplément qui cumulé sur les continents génère les 40 à 44 000 km3 qui en moyenne rejoignent l’océan chaque année.

Or toute l’eau stockée dans le sol peut être réévaporée pour générer de nouveaux nuages qui vont alimenter des précipitations dans le même bassin versant, ou plus généralement ailleurs. L’eau se recycle ainsi sur les continents et démultiplie la pluie qui elle-même démultiplie les ruissellements, les stockages et les infiltrations. Ce recyclage joue un rôle essentiel car il alimente continuellement de nombreuses fois par an tous les compartiments d’eau douce de la planète. Il peut être relativement local, ce qui permet d’imaginer une planète où l’eau de pluie sur les continents serait même plus importante qu’aujourd’hui car continuellement recyclée. Il opère aussi sur de longues distances, créant des interdépendances entre territoires, au-delà des bassins hydrographiques transfrontaliers. 

Il nous faut donc repenser un cycle de l’eau douce bien plus complexe, alimenté non seulement par l’océan mais par le recyclage continental, lui-même stimulé par les sols et la végétation. C’est ce recyclage qui explique la différence entre les 44 000 km3 d’eau du cycle classique et les 117 000 km3 d’eau de pluie annuels. Cette différence (73 000 km3) se retrouve stockée de manière dynamique dans les sols. Elle constitue ce qu’on appelle "l’eau verte", par opposition à l’eau dite "bleue" du cycle classique. Sur la planète, l’eau verte représente donc 63 % de l’eau douce et 1,66 fois la quantité d’eau bleue. Elle est essentielle au fonctionnement de la biosphère mais aussi à notre production agricole qui en dépend pour 80 % (Hoekstra et Mekonen, 2012). Pour autant ce rôle fondamental, qui non seulement redistribue l’eau mais influe sur l’utilisation de l’énergie solaire, n’est généralement pas ou peu intégré dans les raisonnements des gestionnaires de ressources en eau. Il l’est encore moins dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’usage des sols, alors que les décisions prises dans ce domaine ont un impact direct et important sur la capacité des sols à stocker l’eau.


Quantifier le recyclage continental

Le fonctionnement du recyclage continental n’est pas facile à analyser et son impact difficile à quantifier. Le sujet a fait son apparition dans la littérature scientifique dans les années 2010, stimulé par les outils de suivi et de modélisation de l’évolution du climat. Une des difficultés importantes rencontrées pour quantifier le recyclage est sa dépendance de l’échelle à laquelle on l’analyse : plus l’échelle est fine, moins le recyclage est important. Pour s’affranchir de cette difficulté, un travail basé sur des bilans d’eau atmosphérique très fins issus de données météorologiques a quantifié à la fois la proportion d’eau de pluie provenant des continents dans les précipitations ρc et la proportion d’évaporation continentale retombant en précipitations sur les continents εc. Les compléments de ces proportions sont respectivement la proportion d’eau de pluie provenant de l’océan ou celle d’évaporation retombant dans l’océan. 

Les cartes obtenues (Figures 1 et 2) intégrant les données d’une décennie (1999-2008) peuvent d’abord être examinées séparément. Elles soulignent l’importance du régime des vents dominants. Les vents d’ouest des zones tempérées conduisent à un gradient de recyclage croissant d’ouest en est, particulièrement marqué sur le continent eurasiatique. Concernant les précipitations, l’essentiel provient de l’océan en Europe de l’Ouest alors qu’en Chine les trois quarts proviennent des continents plus à l’ouest. En Afrique et dans les zones équatoriales, où la circulation atmosphérique impose des alizés orientés d’est en ouest, c’est dans cette direction que la proportion de pluie d’origine continentale croît. C’est donc en Afrique de l’Est que la pluie provient de l’océan et en Afrique de l’Ouest qu’elle provient de la partie est du continent.  En Amérique latine, le recyclage des précipitations dans la zone équatoriale se produit du nord-est vers le sud-ouest, la partie nord du Brésil alimentant en précipitations la partie médiane du continent (comprenant une partie du Brésil lui-même). La forêt amazonienne qui génère un pompage océanique (aussi appelée pompe biotique, Makarieva et al., 2013) est impliquée dans cette modification du régime des vents dominants. Dans sa partie tempérée plus au sud, on retrouve une dominance des vents d’ouest et des proportions de recyclage faibles. En Amérique du Nord, le recyclage, d’ouest en est, est modéré tout comme en Asie du Sud-Est et en Océanie. 

Van der Ent et al.
 Van der Ent et al.
Figures 1 et 2 – Cartes mondiales des taux de recyclage continental des précipitations (ρc) et de l’évaporation (εc) d’après van der Ent et al., 2010.

 

Le complément de cette carte est celle (Figure 2) du devenir de l’évaporation qui dans de nombreuses régions peut conduire pour 80 à 90 % à des précipitations en aval dans le sens des vents dominants. L’ouest de l’Amérique du Nord, le nord de l’Amérique latine, une très grande part du continent eurasiatique (à l’exception de sa partie la plus orientale), l’Afrique de l’Est et centrale sont dans ce cas. Trois régions sont à la fois des lieux où les précipitations sont fortement d’origine continentale et, en même temps, sources de précipitations continentales. Ces régions, le plateau tibétain, l’ouest du Congo et la partie est de la cordillère des Andes au niveau du sud-ouest du Brésil et du Pérou, sont donc des régions où le recyclage local d’eau douce est important. Un tel recyclage local est favorisé par la rencontre de vents porteurs d’humidité avec des zones montagneuses (Himalaya, Andes) ou avec de grandes zones forestières (Congo).

Ces cartes permettent de caractériser l’importance du recyclage de l’eau douce sur les différents continents. Les auteurs définissent pour cela un ratio de démultiplication de l’eau de pluie océanique, le rapport entre la quantité d’eau verte générée et l’eau bleue restituée. Ce ratio de démultiplication (mc) est de 1,67 à l’échelle de la planète, le rapport mentionné plus haut entre les 73 000 km3 d’eau verte et les 44 000 km3 d’eau bleue (Tableau ci-dessous). Il varie entre 1,25 en Océanie et 1,95 en Afrique, et est logiquement plus élevé lorsque la pluie d’origine continentale domine (Figure 1). L’Amérique du Nord et l’Europe bénéficient d’un facteur logiquement moindre (1,45 et 1,53 respectivement). L’Asie bénéficie aussi d’un fort recyclage avec un facteur mc de 1,91. Le faible recyclage continental de l’Océanie et en particulier de l’Australie (mc = 1,25) est à mettre en relation avec le caractère désertique du centre de cet immense pays qui ne peut participer au recyclage.  

Pour chaque continent, la part des précipitations provenant de l’évaporation continentale (ρc) a aussi été évaluée (Tableau ci-dessous), elle varie entre 20 % en Océanie à 49 % en Afrique. La part de l’évaporation retournant sur les continents (εc) varie elle entre 29 % en Océanie et 66 % en Europe.  Sur la planète, 40 % des précipitations proviennent de l’évaporation des continents et 57 % de l’évaporation continentale à nouveau précipitée sur les continents, des valeurs confirmées par la Commission mondiale sur l’économie de l’eau (Commission mondiale pour l’économie de l’eau, 2024, à paraître).

 

 Tableau – Importance du recyclage des précipitations (ρc) et de l’évaporation (εc)
et facteur de démultiplication de l’eau de pluie dû au recyclage sur les différents continents et sur la planète
Source : van der Ent et al., 2010
Continents ρc (%) εc (%) mc 
Amérique du Nord 31 42  1,45 
Amérique latine 39 59  1,65 
Afrique 49 62  1,95 
Europe 35 66  1,53 
Asie 48 58  1,91 
Océanie 20 29  1,25 
Total 40 57   1,67

 

Les valeurs et les cartes ci-dessus intègrent l’ensemble des flux annuels, mais le travail réalisé permet de zoomer sur différentes périodes de l’année. Deux saisons ont été examinées, l’été et l’hiver de l’hémisphère nord dont la superficie continentale est la plus étendue. Le contraste entre ces deux saisons est important. Le recyclage est plus fort lorsqu’il fait plus chaud et qu’il est alimenté par la transpiration des végétaux. En été, il est donc plus élevé que la moyenne annuelle dans l’hémisphère nord et plus faible dans l’hémisphère sud. En hiver, l’été austral, c’est l’inverse.    


Implications pour la gestion de l’eau douce

L’eau bleue et l’eau verte sont intrinsèquement liées. L’eau bleue générée sur les continents dépend non seulement de l’eau en provenance de l’océan mais aussi de l’eau verte des sols qui alimente le recyclage continental. Plus le cycle de l’eau génère de l’eau verte, plus il génère de l’eau bleue. À ce propos les forêts et les zones humides jouent un rôle essentiel car elles augmentent le volume du réservoir d’eau verte qui s’accroît avec la profondeur d’enracinement : les forêts peuvent puiser de l’eau et en évaporer pour absorber le carbone de leur photosynthèse du printemps jusqu’à l’automne, voire davantage pour les forêts de conifères.   

Le schéma général de la production d’eau douce sur la planète ne dépend donc pas seulement des échanges entre océans et continents mais des rétroactions importantes entre les continents et l’atmosphère. Les vents dominants (ouest-est aux latitudes élevées et est-ouest dans la zone tropicale) fournissent le cadre général mais le recyclage continental le complète et l’influence. En particulier, les zones montagneuses peuvent conduire à un recyclage local (cas de l’Himalaya et de l’est de la cordillère des Andes) et les grands biomes forestiers (Amazonie, Congo) fonctionnent comme une "pompe biotique" qui alimente le recyclage et peut modifier la circulation générale comme le montre le cas de l’Amazonie. De plus, les forêts ne font pas qu’évaporer l’eau, elles émettent aussi des substances (sels, bactéries, composés organiques volatils) qui peuvent déclencher les précipitations (Ellison D. et al., 2016).  

Le recyclage continental invite à revoir l’évaluation des risques de pénurie d’eau et ce, de deux manières. Tout d’abord, lorsque le recyclage conduit à un retour de l’eau par précipitations sur le même bassin versant, comptabiliser les usages de l’eau sans tenir compte de ce retour de l’eau évaporée conduit à surestimer la pression exercée sur les ressources. La taille du bassin versant joue ici un rôle important : un grand bassin versant a une plus grande probabilité de bénéficier du recyclage. Utilisant une approche similaire à celle de van der Ent et al. (2010), Berger et al. (2014) ont pu calculer le taux de recyclage interne moyen annuel de l’évaporation au sein de 11 000 bassins versants de la planète et en ont établi une cartographie (Figure 3). Ce taux est proche de zéro dans une large bande allant de la Mauritanie à l’Éthiopie. Il est compris entre 1 et 5 % dans de nombreux bassins versants proches des mers et des océans, mais s’élève entre 5 et 10 % pour des bassins versants situés au sein de continents et sous les vents dominants. Il est enfin supérieur à 20 % dans les bassins versants forestiers de l’Afrique centrale, des régions proches de l’Himalaya et du nord-ouest de l’Amérique latine. Le bassin du Congo bat tous les records avec une valeur de 38 % de recyclage interne de son évaporation. Ces auteurs redéfinissent – et diminuent pour plusieurs bassins versants – le niveau de pression sur les ressources en eau en intégrant ce facteur de recyclage interne. Cette médaille a un revers : le changement dans l’usage des sols sur le bassin peut aussi affecter le recyclage et donc la disponibilité de l’eau – verte et bleue – sur le bassin.

Par ailleurs, le recyclage continental introduit une nouvelle forme d’interdépendance entre pays de la planète pour leurs ressources en eau douce. Les pays situés sous les vents dominants comme ceux de l’est de l’Eurasie, de l’ouest de l’Afrique et du centre de l’Amérique latine dépendent de l’évaporation des régions situées à l’amont. La manière dont les pays de l’amont renforcent le cycle de leur eau verte, en maintenant leurs forêts et zones humides ou en favorisant l’infiltration de l’eau, a des impacts sur ces pays de l’aval dans des proportions qui restent à déterminer mais qu’on ne devrait plus ignorer dans le contexte actuel de dérèglement climatique.

Berger et al.
Figure 3 – Taux de recyclage interne (BIER) de l’eau douce de 11 000 bassins versants de la planète, d’après Berger et al., 2014. 


Le cycle de l’eau en déséquilibre

Les nouvelles connaissances sur le cycle de l’eau permettent de mieux raisonner l’eau verte et bleue de manière holistique. Depuis une dizaine d’années, 70 % de la population mondiale vit dans des régions où l’eau bleue disponible ne satisfait plus la demande et  environ 2 milliards de personnes vivent dans des régions où la quantité d’eau verte disponible n’est plus suffisante pour assurer leur sécurité alimentaire. Ces régions ne se superposent pas : par exemple, une partie du continent africain peut manquer d’eau bleue alors que l’eau verte est disponible ; ceci explique l’importance de l’eau verte pour l’agriculture pluviale dans les régions où l’eau bleue est rare comme par exemple au Kenya ou en Afrique du Sud.

Depuis une vingtaine d’années, des progrès importants ont été faits dans la quantification des réserves totales d’eau douce en combinant eau bleue souterraine ou de surface (y compris sous forme de glace) et eau verte. Les changements observés documentent l’évolution des ressources en eau et montrent que, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous avons déstabilisé le cycle de l’eau (qui a été remarquablement stable pendant les précédents 12 000 ans de l’Holocène). Les causes sont le changement climatique – chaque degré supplémentaire de température moyenne mondiale augmente de 7 % l’humidité dans l’atmosphère – les changements dans l’usage des sols (déforestation, pertes de zones humides et d’autres systèmes qui stockent l’humidité dans les sols) et la surconsommation d’eau bleue.

Les changements observés permettent d’identifier des régions particulièrement exposées et illustrent le rôle des changements dans l’usage des sols dans les pays en amont du recyclage des flux d’humidité terrestre : la déforestation ou la perte de zones humides au Brésil ou dans le bassin du Congo affectent ainsi la disponibilité de l’eau verte dans des régions qui se situent sous le vent de ces bassins d’évapotranspiration. Les conséquences peuvent être sensibles, notamment pour les territoires qui dépendent de l’eau verte pour leur production agricole. 

Certaines régions voient leurs stocks d’eau augmenter : c’est le cas du sud-est asiatique et de l’Afrique centrale. D’autres les voient décliner. Des zones fortement peuplées (nord-ouest de l’Inde, nord-est de la Chine) ou le sud-est européen sont particulièrement affectées. D’autres, qui dépendent de l’irrigation voient leurs stocks d’eau diminuer, ce qui pourrait entraîner une baisse importante  – jusqu’à 23 % – de la production mondiale de céréales (Commission mondiale sur l’économie de l’eau).


Conclusions

Une nouvelle compréhension de notre planète est en train d’émerger qui révèle combien le fonctionnement de cette dernière est influencée par le cycle de l’eau. À travers ce dernier, c’est aussi l’utilisation de l’énergie supplémentaire disponible par l’augmentation des gaz à effet de serre qui est en jeu, tant le mécanisme d’évaporation implique d’énergie. Parvenir à stimuler le cycle de l’eau en favorisant l’eau verte (donc l’infiltration de la pluie, son utilisation par des arbres, sa conservation dans les sols) pourrait permettre de mieux contrôler les températures des basses couches de l’atmosphère. 

Les implications seraient importantes aussi pour le cycle du carbone : en redistribuant l’eau, le recyclage continental stimule le bon fonctionnement des biomes de la planète et donc leur capacité à absorber du carbone. Par-delà le cycle de l’eau c’est tout le fonctionnement de la biosphère et ses impacts sur le carbone et l’intégrité de la biosphère qui est donc en jeu (Ellison D. et al., 2016).

Cette nouvelle compréhension du cycle de l’eau révèle les interdépendances entre eau, écosystèmes et changement climatique. Les analyses récentes montrent que ce cycle est devenu plus instable, et cette instabilité a des conséquences sur les écosystèmes, les sociétés et les économies dans le monde entier. Les tendances actuelles mettent en question notamment les conditions de la sécurité alimentaire et les flux d’échanges agricoles.

Alors que l’eau – bleue notamment – est généralement considérée comme un enjeu local, le cycle hydrologique devient un enjeu mondial et requiert une action concertée à toutes les échelles géographiques. Reste à inventer les formes de gestion multilatérale adaptées à cette nouvelle compréhension. Les résultats obtenus dans la prévention et la gestion des pluies acides montrent qu’une telle gestion est possible et laissent espérer que la communauté internationale trouvera des moyens pour mieux gouverner les nuages. ▄

 

Les auteurs
Daniel Zimmer est ingénieur agronome de formation. Il a mené des recherches et conduit des expertises sur l’eau, et notamment l’eau agricole, dans le monde entier. De 2001 à 2009, il a été directeur du Conseil Mondial de l’Eau et a assuré l’organisation de trois forums mondiaux sur l’eau. Il est aujourd’hui consultant dans les domaines de l’innovation, de l’eau et du changement climatique.

Xavier Leflaive est professeur associé à l'Université Paris I Sorbonne et administrateur à la Direction de l'environnement de l'OCDE. Auparavant, il a travaillé plus de dix ans comme consultant auprès d'entreprises et d'administrations. Diplômé en gestion et en sociologie, il est titulaire d'un doctorat de l'Université de Cambridge.

 

UNIPEF
ResSources

Revue PCM – Éditée par l'UNIPEF, PCM est la revue des ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts et des diplômés de l'École nationale des ponts et chaussées.

Références de l'article

Water Accounting and Vulnerability Evaluation (WAVE): Considering Atmospheric Evaporation Recycling and the Risk of Freshwater Depletion in Water Footprinting. Berger M., van der Ent R., Eisner S., Bach V., Finkbiener M., 2014. Environmental Science & Technology 48, 4521–4528
L’eau, un trésor en partage. De Marsily G., 2009. Éditions Dunod
Trees, forests and water. Cool insights for a hot world. Global Environmental change. Ellison D. et al., 2016. Global Environmental Change 45, 51-61
The Economics of Water. Valuing the Hydrological Cycle as a Global Common Good. Commission mondiale sur l’économie de l’eau
The water footprint of humanity. Hoekstra A.Y., Mekonen M.M., 2012. PNAS 109
Where do winds come from? A new theory on how water vapor condensation influences atmospheric pressure and dynamics. Makarieva, A.M., Gorshkov, V.G., Sheil, D., Nobre, A.D., Li, B.-L., 2013. Atmospheric Chemistry and Physics 13, 1039–1056 
Origin and fate of atmospheric moisture over continents. Van der Ent R.J., Savenije, H.G., Schaefli B., Steel-Dunne S.C., 2010. Water Resources Research 46