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L’UIE fête ses 100 ans et alerte

Mots clés : Le temps de la gestion facile de l’eau est révolu, nos infrastructures sont au bord du burn-out, notre modèle de financement à bout de souffle
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L’UIE FÊTE SES 100 ANS ET ALERTE
Nos infrastructures sont au bord du burn-out et notre modèle de financement à bout de souffle

L’Union des industries et entreprises de l’eau (UIE) célèbre son centenaire dans un contexte plus que difficile pour les infrastructures de l’eau qui ne sont plus financées à la hauteur des enjeux territoriaux. Comment imaginer l’avenir pour notre patrimoine de l’eau, désormais confronté à un double défi : celui de son vieillissement et celui du changement climatique ? L’UIE fait des propositions concrètes et souhaite réunir tous les acteurs publics et privés lors d’États généraux de l’eau.

Union des industries et entreprises de l'eau – UIE
H2o – octobre 2024

 

L’UIE a fêté ses 100 ans, jeudi 17 octobre 2024, entourée de ses adhérents, partenaires, de représentants politiques et experts, avec un invité d'honneur : le paléoclimatologue Jean Jouzel. L'évènement a été l’occasion pour le nouveau président Christophe Dingreville, en place depuis janvier 2024, d’appeler à une mobilisation générale pour rénover et adapter le patrimoine de l’eau et pérenniser l’accès à la ressource, en quantité et en qualité, dans tous les territoires. 


Des infrastructures au bord du burn-out et un modèle de financement à bout de souffle

Fruit de 100 ans de construction, le patrimoine de l'eau vieillit et les budgets pour le rénover et le fortifier face au dérèglement climatique ne sont pas suffisants. En 2022, l’UIE a publié une étude, rédigée par l’économiste indépendante Maria Salvetti, pointant 4,6 milliards de déficit annuel d’investissement concernant l’eau potable (1,8 Md), l’assainissement (1,4 Md), le pluvial (1 Md), auxquels il faut ajouter le traitement des micropolluants (398 millions d’euros). Or, le Plan eau lancé quelques mois plus tard prévoit au plus 475 millions de moyens supplémentaires pour concrétiser les 53 mesures qu’il préconise. Ces moyens supplémentaires sont, de plus, remis en cause dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (report de l’augmentation du plafond mordant, projet du gouvernement de ponctionner à hauteur de 130 millions d’euros la trésorerie des agences de l’eau).

"L’investissement n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. En regard de la situation française, l’Espagne consacre 12 milliards d’euros jusqu’en 2027 pour son patrimoine de l’eau, afin notamment de répondre aux sécheresses. En France, nous attendons le même effort financier pour disposer d’infrastructures de l’eau adaptées aux XXIe siècle", précise Christophe Dingreville.

Intercommunalités de France
Les "points noirs" de la gestion de l’eau en 2024
Carte – Intercommunalités de France


Des États généraux pour réformer la gestion de l’eau

Avec un Plan eau sous-dimensionné, l’UIE estime que les investissements d’avenir ne sont pas à la hauteur, et constate par ailleurs que la facture d’eau ne permet plus de financer la rénovation des infrastructures actuelles. Cette situation intenable pousse l’UIE à réclamer des "États généraux de l’eau" afin de rassembler toutes les parties prenantes : collectivités, agences de l’eau, acteurs publics et privés, associations…

Ces États généraux permettront de réfléchir collectivement à la meilleure façon de gérer l’eau et de pérenniser son accès à l’ensemble de la population. Plus particulièrement, il convient de faire émerger un nouveau modèle économique plus pertinent et efficace sur la durée. L’UIE lance ainsi sans tarder deux propositions : d’une part, la revalorisation de la facture d’eau pour financer la rénovation des infrastructures actuelles et leurs dépenses d’exploitation, afin de revenir au modèle "l’eau paye l’eau" ; et, en parallèle, la création d’un fonds bleu dédié aux investissements à réaliser pour s’adapter aux nouveaux enjeux (interconnexions, lutte contre les PFAS…) et développer les pratiques nouvelles pour assurer l’accès à l’eau pour tous (recours aux eaux non conventionnelles…). Les pistes de financement de ce fonds bleu doivent résulter d’une discussion collective et provenir de sources diverses (dotation de l’État, fonds européens…)

"Ces États généraux sont une proposition concrète pour aboutir à une réforme structurelle de la gestion de l’eau que nous devons ériger en grande cause nationale. Sans une ressource bien gérée, aucun développement n’est possible. De fait, l’erreur serait d’organiser d’énièmes Assises de l’eau sans parler du vrai sujet qu’est son financement", estime Christophe Dingreville.


Récupération de l’eau de pluie, REUT… des sujets sur lesquels avancer

Parmi les pratiques nouvelles, l’UIE salue l’ouverture réglementaire dont va pouvoir bénéficier la récupération de l’eau de pluie. Cependant, la nouvelle réglementation EICH (Eaux impropres à la consommation humaine) impose un passage à l’acte. C’est pourquoi les Industriels français de l’eau de pluie (IFEP), syndicat membre de l’UIE, propose a minima que chaque nouvelle construction (notamment maison individuelle) soit équipée d'un réseau secondaire et séparatif pour permettre l'installation d'un équipement EICH a priori ou a posteriori.

L’autre solution à développer concerne l’usage de la réutilisation des eaux usées traitées (REUT). L’UIE regrette que le nombre de projets qui se concrétisent demeure très faible, notamment en raison de freins réglementaires persistants : moins de 1 % des eaux usées sont recyclées alors que l’objectif fixé par le Plan eau est de 10 %. "La REUT doit être massifiée en France, nos voisins italiens arrivent à 9 % et l’Espagne recycle 14 % de ses eaux usées. Les freins réglementaires et administratifs doivent absolument être levés", insiste Christophe Dingreville.

Enfin, la nouvelle directive européenne concernant les eaux résiduaires urbaines constitue un grand défi selon l’UIE. Avec des évolutions significatives, notamment sur le traitement plus poussé de l’azote, du phosphore et des micropolluants, les stations d’épuration vont devoir se mettre progressivement en conformité. S’y ajoute l’impératif de neutralité énergétique que cette nouvelle directive leur impose d’ici 2045. "Cela induit la traduction en droit français de cette nouvelle DERU, puis la question du financement par les collectivités. L’eau est ainsi à la croisée des chemins et nous arrivons toujours à la même conclusion : le secteur de l’eau nécessite une réforme économique durable pour financer notre patrimoine." ▄

 

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ResSources
La fédération professionnelle UIE réunit huit syndicats de métiers du petit cycle de l’eau, du forage au traitement collectif et individuel des eaux usées, en passant par la production d’eau potable, la gestion des eaux de pluie et eaux pluviales, la fourniture d’équipements de transport et de stockage ou l’exécution de travaux de génie civil du domaine de l’eau et de l’environnement.
À travers eux, elle représente 200 entreprises adhérentes, 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont 1 milliard à l’export et 15 000 collaborateurs au service des gouvernements, des collectivités locales, des industries, de l'agriculture et de l'habitat individuel.

UIE – Union des industries et entreprises de l'eau 
UIE – Étude "Patrimoine de l'eau : les chiffres de 2022"