8 milliards et moi, émoiMots clés : J'y pense et puis j'oublie. C'est la vie, c'est la vie |
8 milliards et moi, émoiLe 15 novembre 2022 est né le huit milliardième être humain. Après des décennies de pessimisme et presque d’affolement sur la croissance démographique, les Nations unies se veulent désormais rassurantes : il faudra attendre 2050 et quelques années de plus pour atteindre les 10 milliards d’individus sur la planète. Martine LE BECimage Jacques Dutronc : Et moi, et moi, et moi, Disques Vogue, 1966H2o – janvier 2023
Nous étions le 12 octobre 1999, l’association H2O fêtait son premier anniversaire et le six milliardième être humain venait de voir le jour, offrant l’occasion au magazine d’un petit mémo sur la démographie de la planète : 6 milliards, et moi, émois. Nous étions récemment le 15 novembre 2022, lorsque les Nations unies ont annoncé la naissance du huit milliardième être humain. Après des décennies de pessimisme et presque d’affolement sur la croissance démographique, les Nations unies se veulent désormais rassurantes : "Alors que la population mondiale aura mis 12 ans pour passer de 7 à 8 milliards, il lui faudra environ 15 ans – jusqu’en 2037 – pour atteindre les 9 milliards, signe du ralentissement de la croissance générale de la population mondiale." De fait, selon les prévisions onusiennes, il faudra attendre 2050 et quelques années de plus pour atteindre les 10 milliards d’individus. Moi, je me dis tout simplement qu’en l’espace de moins d’une vie – la mienne, qui n’est heureusement pas finie – j’ai vu la population mondiale doubler. Nous étions 4 milliards en 1974 ; j’étais au collège et l’évènement nous avait valu, à moi et à mes camarades de classe, une "rédaction" sur la démographie mondiale. En cet espace de cinquante ans, quel est le nombre d’espèces végétales ou animales ayant disparu ? Combien d’hectares de forêts ont été convertis en cultures (et souvent monocultures) ? Combien de rivières ou de nappes phréatiques ont été sollicitées pour soutenir la demande croissante en eau ? Tous ces chiffres, qui deviennent de plus en plus alarmants avec le changement climatique enfin reconnu, sont régulièrement annoncés ou rappelés dans les rapports internationaux dont nous faisons écho à chaque journée mondiale. Le pire est que sur une planète qui produit théoriquement assez pour nourrir toute sa population, 828 millions de personnes ne mangent pas à leur faim chaque jour (ce qui représente 9,2 % de la population) et plus de 3 milliards (un tiers) n’ont toujours pas accès à une alimentation saine. S’y ajoute encore le taux désespérément bas d’accès à l’eau et à l’assainissement : une personne sur quatre n'a toujours pas accès à une eau potable gérée en toute sécurité à son domicile et près de la moitié de la population mondiale reste privée d'un service d’assainissement sécurisé. Le rapport du programme commun OMS/UNICEF de suivi de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène intitulé "Progress on household drinking water, sanitation and hygiene 2000-2020", publié à l’été 2021, rappelait qu'au début de la pandémie de COVID-19, trois personnes sur dix dans le monde ne disposaient d’aucune installation à domicile permettant de se laver les mains à l’eau et au savon. Cela étant selon James Pomeroy, économiste chez HSBC, la probabilité que la taille de la population mondiale commence à se réduire dans les vingt prochaines années est bien plus élevée que ce que nous avions prévu initialement. Son analyse rejoint celle de deux auteurs canadiens, Darrell Bricker et John Ibbitson, soutenant dans leur ouvrage Empty Planet : the shock of global population decline que le vieillissement et la faible fécondité entraîneraient des changements massifs dans la population humaine, bien plus tôt que prévu. Pour James Pomeroy, la population mondiale pourrait même ne comptabiliser qu’un peu plus de 4 milliards d'êtres humains d'ici à la fin du siècle. Un vrai retour à la case départ. En tout cas, ce ne sera pas moi qui en ferai écho ce jour. ▄
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