Dossier de Martine LE BEC et Nicole MARI   |
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February 2000 | |||||
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L'eau, enjeu de premier plan pour l'Afrique
L’or bleu est devenu le véritable défi du 21ème siècle. Sa raréfaction agite le spectre d’une pénurie, désastreuse pour un Continent africain déjà victime de sécheresse chronique et source de conflits latents que la moindre goutte d’eau peut faire exploser. Nicole MARI
Article publié par Continental – février 2000
L'eau, c’est la vie. Mais cette précieuse ressource est aujourd’hui sérieusement menacée. Si nous ne changeons pas nos comportements à son égard et notre manière de l’utiliser, nous serons confrontés à de sérieux problèmes dans un futur proche" déclarait récemment Ismail Serageldin, Président de la Commission mondiale de l’eau pour le 21ème siècle et vice-président de la Banque mondiale. Depuis 1997, l’urgence d’agir s’est imposée à tous. À cette date, a été organisé à Marrakech, au Maroc, par le Conseil mondial de l’eau et la Banque mondiale, le premier forum international de l’eau pour tirer la sonnette d’alarme et sensibiliser l’opinion sur une crise imminente. Du 17 au 22 mars prochain, la seconde édition de ce forum, qui se tient à La Haye, aux Pays-Bas, entend proposer un schéma d’aménagement mondial pour les 25 prochaines années. "Ce sera l’occasion de planifier les objectifs et de poser les conditions afin que chacun dans le monde puisse avoir accès à l’eau potable en 2025. Les enjeux sont élevés, mais nous ne pouvons pas rater cette chance de créer un monde meilleur pour nous-mêmes et pour les générations futures" affirme Mahmoud Abu-Zeid, président du Conseil mondial de l’eau et Ministre égyptien des Travaux publics et des Ressources hydrauliques. En parallèle, se déroulera la conférence ministérielle pour le développement durable des eaux dont l’objectif est de concrétiser certaines décisions prises. Une part importante de ce forum sera consacrée à des présentations de situations régionales spécifiques, notamment africaines.
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93 % de la population en Érythrée, 65 % en Sierra Léone et au Mali, 50 % au Sénégal n’ont pas accès à l’eau potable. Un Africain n’utilise, en moyenne, que 30 litres d’eau par jour contre 600 litres pour un Américain. Borne fontaine au Rwanda – photo MSF |
Des réponses communes
Face à cette situation, les états ont décidé de collaborer en partageant l’information, la technologie et l’usage pour prévenir une crise. Les pays du bassin du Nil ont lancé à Dar Es-Salaam, en février 1999, “l’Initiative pour le bassin du Nil” afin d’exploiter l’énorme potentiel du fleuve pour le bénéfice de tous. En Afrique de l’Ouest, seize pays ont développé des stratégies nationales et des partenariats pour résoudre les problèmes d’eau potable. 45 pays africains ont adopté l’Initiative 2000 pour l’eau et l’assainissement. L’objectif est de créer une vision commune de la gestion de l’eau, de mettre en œuvre des actions de coopération entre pays membres pour faire face aux carences les plus flagrantes en matière d’approvisionnement et d’assainissement. Mais les résultats sont assez décevants. Seuls 13 pays sont parvenus à installer de nouvelles infrastructures d’adduction d’eau potable avec des technologies assez peu coûteuses. Des mesures d’urgences s’imposent donc à un moment où les Africains vont, en plus, devoir payer plus cher l’eau qu’ils consomment. Sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, le secteur hydraulique est en cours de libéralisation, ce qui va renchérir le coût de l’eau pour des populations déjà démunies. Bien plus, la rareté des pluies provoque des conflits politiques et sociaux pour la maîtrise des points d’eau, notamment en Afrique du Nord et du Sud. L’Éthiopie, le Soudan et l’Egypte se disputent l’eau du Nil, le Botswana et la Namibie celle du fleuve Okavango. Avec 70 fleuves transfrontaliers, près de 40 % de l’eau douce africaine est commune à plusieurs pays. L’eau potable est au cœur même de la croissance et du développement durable. Difficile de lutter contre la pauvreté et d’atteindre la sécurité alimentaire sans une gestion intégrée et un partage équitable de cette ressource. L’or bleu est plus que jamais l’un des défis les plus clairs que les Africains devront relever et gagner, ensemble, cette prochaine décennie. Plus qu’une priorité, c’est une question de survie. .