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Megève septembre 2010
EURO-RIOB 2010

Mots clés : Pierre Roussel, OIEAU, EURO-RIOB 2010,organismes de bassin européens, directive-cadre sur l’eau, DCE
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La 8ème conférence du groupe EURO-RIOB des organismes de bassin européens pour l’application de la Directive Cadre sur l’Eau s'est tenue en concomittance avec les États généraux de l’eau en montagne, le Congrès international des hauts bassins versants.

l'interview de Pierre ROUSSEL
président de l’Office international de l’eau – OIEau
président de la Commission permanente des ressources naturelles
Conseil général de l’environnement et du développement durable – Ministère de l’Écologie France
coordinateur interministériel du comité national français – Forum Mondial de l’Eau 2012

propos recueillis par Martine Le Bec
H2o – septembre 2010

 

 

La conférence EURO-RIOB a cette année été organisée en concomitance avec le 3ème Congrès international des hauts bassins versants. Quel était l’ordre du jour de cette rencontre ou, à proprement parler les points de rencontre, entre la montagne et la Directive Cadre sur l’Eau ?

La conférence se tenant dans les Alpes, le focus a naturellement été mis sur les caractéristiques des hydro-régions et masses d’eau des montagnes européennes, têtes de bassin, car c’est aussi dans les Alpes, que les principaux fleuves européens ont leur source.

Pour le RIOB, cela est d’autant plus symbolique que le  réseau est lui-même né ici dans les Alpes, en fait à Aix-les-Bains, en 1994, sur une initiative de Michel Barnier alors ministre de l’Environnement. L’objectif était de réunir les organismes publics – ou entreprises d’État comme Hydro-Québec, ayant en charge la gestion de l’eau sur un bassin. Très rapidement est apparu l’intérêt de constituer des réseaux régionaux ou continentaux ; les premiers ont été les Latino-américains, dont le réseau a été impulsé par le Mexique et le Brésil. L’idée a progressivement essaimé et de nouveaux réseaux régionaux ont été créés sur l’Europe, la Méditerranée, l’Europe centrale et orientale, et depuis lors sur l’Asie, l’Asie centrale, l’Afrique et l’Amérique du Nord. 

En Europe, le réseau EURO-RIOB s’est évidemment très largement structuré autour de la mise en œuvre de la Directive Cadre européenne sur l’Eau – DCE, étant entendu que cette directive nous fournit un cadre commun, assorti d’une obligation de résultats. À chacune des rencontres annuelles de l’EURO-RIOB, se pose donc la question de l’avancement dans la mise en œuvre de la directive. Très concrètement, la situation varie considérablement d’un État à l’autre, en fonction évidemment des cadres, institutionnels mais aussi techniques, disponibles. Dans certains pays, comme par exemple au Portugal, il a fallu faire une nouvelle loi. Cependant si la Commission européenne est juridiquement habilitée à sanctionner les retards, en réalité l’important est que chaque État se dote du cadre et des outils requis ; les derniers "partis" profitent évidemment de l’expérience des autres.

Récemment sont apparues des préoccupations nouvelles, notamment liées aux changements climatiques. Cette "intrusion" est récente puisqu’elle date d’à peine trois ou quatre ans. Comment nous adapter à cette nouvelle donne ? Quelles seront les conséquences sur les plans de gestion ? Quelles mesures notamment techniques vont s’imposer ? Nous devons d’ores et déjà prévoir une détérioration de la qualité de la ressource, par exemple dans les agglomérations du littoral qui pourront être confrontées à une augmentation de la salinité des eaux.

Ces phénomènes climatiques rendent plus complexe la coordination avec les directives "filles" de la DCE : la Directive Eaux souterraines, adoptée en 2006 ; la Directive Inondations, adoptée en 2007 ; la Directive Stratégie pour le milieu marin, adoptée en 2008. La directive sur la protection des eaux souterraines ainsi que la directive sur la gestion des inondations se sont très largement "calées"  sur la DCE, tant sur calendrier que sur l’organisation ; ceci facilite leur transposition dans la législation des États-membres. Les choses sont beaucoup plus floues concernant la stratégie pour le milieu marin ; la question appelle de facto une coordination internationale – par exemple en Méditerranée, entre l’Espagne, la France et l’Italie – ; son application est par ailleurs très liée à la mise en œuvre de la directive sur les eaux résiduelles urbaines, qui reste dans bien d’endroits problématique.


Il y a à cette conférence une bonne représentation des pays d’Europe centrale et orientale. Comment l’EURO-RIOB est-il intervenu pour faciliter l’application de la DCE dans ces pays ?

L’implication du groupe s’opère indirectement, à travers les divers organismes représentés, et notamment pour la France, via l’Office international de l’eau qui a assuré plusieurs missions (de courte ou de longue durée) dans le cadre des processus de préadhésion à l’Union Européenne. L’action de concertation s’étend aussi progressivement au-delà de l’Union, avec par exemple la Turquie ou plus récemment l’Ukraine, ceci à travers des jumelages qui permettent un "accrochage juridico-politique" des législations locales aux principes fédérateurs de la gestion des ressources en eau.

Cette année, plusieurs États de l’ex-URSS étaient aussi présents à la conférence ; ils ont pu témoigner des progrès qui restent chez eux à réaliser en matière technique et surtout aussi en matière de financement. Une coopération existe en Méditerranée qui serait peut-être à reproduire ailleurs : il s’agit du SEMIDE – système euro-méditerranéen d’information sur les savoir-faire dans le domaine de l'eau ; une sorte de base de données sur "qui sait faire quoi".


Un participant au congrès – Dominique Raynaud, glaciologue, directeur de recherche au CNRS et membre du GIEC – a suggéré la création d’un GIEC sur l’eau : disons un GI2E – groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution des ressources en eau. Que pensez-vous de cette proposition ?

La difficulté vient de la barrière qui sépare les deux univers scientifique et politique. Je prendrai deux exemples et en premier lieu le cas du SEMIDE ; ce dernier est comme je vous l’ai épelé un "système d’information sur les savoir-faire" et non un "système d’information sur les données de l’eau". La différence est colossale : bien que réunis depuis 1995, les membres du réseau commencent tout juste aujourd’hui à échanger quelques données sur les ressources en eau. Après quinze années d’échanges et de travail, ce passage du "qui fait quoi ?" à "où en sommes-nous ?" est cependant encore très timide.

Pourquoi tant de réticences ? Pour des raisons politiques évidemment ; l’eau est pour beaucoup de pays un enjeu stratégique, dévoiler l’état des ressources ou leurs taux de prélèvement exposerait aussi certains d’entre eux à des contestations plus ou moins vives, de la part d’États voisins ou même simplement de certaines catégories d’usagers.

La question me rappelle aussi le cas de La Paz en Bolivie : située à plus de 3 600 mètres d’altitude, la capitale regroupe près d’un million d’habitants, dont l’approvisionnement en eau est assuré par la fonte d’un glacier. Tant que le débit du glacier correspond à peu près aux apports neigeux et à la demande, tout va bien, au moins sur le plan quantitatif. L’ennui, c’est que la fonte du glacier s’accélère : il va donc rapidement y avoir trop d’eau, et après quelques décennies, plus rien du tout. La vraie question est alors : que fait-on ?

Le cas de La Paz est celui qui me vient à l’esprit. Il n’est pas isolé. Même dans les pays les mieux dotés en ressources, des problèmes d’allocation vont se poser. Disposer de données scientifiques est donc fondamental.

La question d’un GIEC de l’eau est cependant éminemment politique.
L’idée sera peut-être débattue au prochain Forum Mondial de l’Eau, à Marseille, en mars 2012. .

 

 ResSources
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  • Réseau international des organismes de bassin – RIOB
  • EURORIOB 2010 Déclaration de Megève
  • Les États généraux de l'eau en montagne – communiqué final
  • L'eau en montagne, une nouvelle gouvernance imposée par le changement climatique – l'analyse de Jean-François Donzier
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