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Johannesburg – septembre 2002
De Johannesburg à Kyoto : les enjeux

Mots clés : accès à l'assainissement, accès à l'eau, développement durable, eau, Johannesburg, Objectifs du Millénaire pour le Développement, OMD, ONG, politiques
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Dossier de
Martine LE BEC et Nicole MARI
  
August 2002
Index du dossier
1. De Johannesburg à Kyoto : les enjeux
2. 1972-2002 : trente années de rendez-vous internationaux
3. 1972-2002-2032 : l'état de la planète, passé, présent et à venir
4. Préserver l'eau d'ici pour éviter à l'humanité l'au-delà par Olivier Jacoulet
5. Réglementer les possibilités de conflits, l'interview de Najib Zerouali
6. Les transferts d'eau seront source de conflits, l'inyterview de Matoug M. Matoug
7. Le conflit d'intérêts est l'ennemi du développement, l'interview de Gérard Chetboun
8. La solution passe par la concurrence et les subventions croisées, l'interview de Bernard Collignon
9. Pour une dynamique de concertation Nord-Sud-Sud solidaire et mutuellement profitable, l'interview de Chedli Fezzani
10. ResSources

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Le conflit d'intérêts est l'ennemi du développement

 

L'interview de Gérard CHETBOUN
vice-président de Tams – États-Unis

propos recueillis par Nicole MARI lors du Symposium international de l'eau de Cannes
H2o – juin 2002

 

Vice-président de Tams, société américaine d'ingénierie-conseil, en charge de l'Afrique, Gérard Chetboun explique, à travers la situation de l'Éthiopie, les conflits d'intérêts issus du partage de l'eau et des nécessités conjointes de développement.

Quelle est la spécificité du problème de l'eau en Éthiopie ?

L'Éthiopie doit faire face à des problèmes courants d'utilisation des eaux. Elle a un problème d'autant plus grave qu'elle jouit d'une grande disponibilité de l'eau. Mais du fait de certains accords, comme le principe d'Helsinki, elle ne peut exploiter ses eaux sans un accord préalable avec les pays en aval, l'Égypte et le Soudan. Le principe d'Helsinki dit que quand un pays exploite une certaine quantité d'eau, il est difficile de réduire cette quantité même si ce pays bénéficie d'un niveau de développement assez avancé. Ce principe fixe la demande telle qu'elle est aujourd'hui. Par conséquent, il pénalise les pays non encore développés, qui doivent entamer des négociations pour augmenter leur demande. Or, dans la mesure où l'Éthiopie se développe, elle le fera au détriment de certaines quantités d'eau qui ne vont pas arriver en Égypte. Donc, il y a conflit d'intérêts et il est indispensable, avant tout développement, d'arriver à des accords entre les pays en amont et en aval.

Pourquoi ?

Le conflit est l'ennemi du développement. Sans accords, il est aujourd'hui difficile à l'Éthiopie de trouver des fonds d'investissements. Les bailleurs de fonds et la Banque mondiale refusent dans ces conditions d'accorder des prêts. Ainsi chaque pays est condamné à trouver un accord pour obtenir des financements et une aide internationale.

Quels sont les ressources et les besoins en eau de l'Éthiopie ?

C'est peut-être le pays qui a le plus de ressources. Il a la densité la plus forte au monde de potentiel de sites économiquement valables de centrales hydroélectriques. Mais dans la réalité, le pays a souffert pendant plusieurs années d'un système politique inadapté à son développement et qui l'a fait reculer cinquante ans en arrière. Il doit maintenant faire face à des critères de développement différents de ceux qui ont eu cours pendant cette période d'économie planifiée. Aujourd'hui, le pays s'est ouvert à une économie de marché. Donc, dans la mesure où l'eau est le pilier du développement et qu'elle est disponible, le pays théoriquement peut accéder au développement. Pour cela, il a besoin d'investissements qui, et c'est un cercle vicieux, ne sont valables que si l'eau disponible est utilisée en accord avec les pays en aval. C'est une situation assez curieuse.

Ce qui signifie que l'Éthiopie aujourd'hui manque d'eau ?

Non. Personne ne meurt de soif dans le pays. L'Éthiopie ne manque pas d'eau, mais de moyens d'utiliser cette eau. C'est pourquoi nous avons mis sur pied un projet intégré de développement d'une région, Baro Akobo, commandité par Addis Abeba afin de lui servir de base dans les négociations futures avec les pays en aval. Son coût global avoisine les 2,5 milliards de dollars sur 30 ans.

La situation est-elle identique pour l'Égypte et le Soudan ?

Non. L'Égypte bénéficie d'un certain développement. Mais elle a toujours des problèmes d'eau car elle est dépendante des pays en amont. 80 % des eaux utilisées viennent d'Éthiopie. Son niveau de développement dépend de ses ressources en eau, qui ont atteint aujourd'hui, un pic. L'Égypte ne peut plus développer davantage. Elle a des contraintes. Elle risque de ne plus avoir d'eau. Si les pays en amont se développent, ils le feront au détriment de l'Égypte. Ces pays ne peuvent s'en sortir qu'au moyen d'accords.

Comment s'accorder si le développement de l'un est tributaire de celui de l'autre ?

Il y a toujours des concessions à faire. Le conflit d'intérêt est très fort. L'Égypte ne peut pas renoncer à poursuivre son développement et à réaliser ses projets, dont celui d'aménager une mer intérieure à l'ouest d'Assouan. Pour le Soudan, la situation est différente, car le pays est beaucoup moins développé et a moins de projets.

Ce conflit d'intérêt peut-il dégénérer en une guerre de l'eau ?

Officiellement, les pays ont la volonté d'arriver à un accord, mais dans quelle mesure ? On ne peut pas refuser à l'Éthiopie le droit de se développer.

Dans ce contexte les transferts d'eau ne vont-ils pas alimenter les conflits ?

Non. Le transfert d'eau par définition répond à une demande de développement et prévoit un accord entre pays vendeur et pays bénéficiaire. Il apporte une stabilité régionale et politique. Quand les intérêts s'entremêlent, il est plus facile de maintenir la paix avec le respect des traités. Le transfert est la solution d'avenir pour régler les problèmes d'eau. Le seul moyen d'éviter les tensions entre les pays est l'interconnexion, qui permet un développement durable. .