Coopération décentralisée, Eau de Paris au Mali
l’interview de Thierry DUFLOT
conseiller de la présidente, responsable des actions nationales et internationales
Eau de Paris
propos recueillis par Martine LE BEC
Sources Nouvelles, IRC – juillet-août 2005
H2o – septembre 2005
Eau de Paris est aujourd’hui en train de peaufiner son dossier de soumission à la Facilité ACP-UE. Le projet est ambitieux puisqu’il englobe au total 25 villages de la région de Kayes au Mali. Une expérience qui valorise aussi largement les associations de ressortissants.
Quelles sont les lignes directrices du projet Eau de Paris – Région de Kayes que vous allez soumettre à la Facilité européenne d’ici septembre ?
Le projet développe deux axes : il s’agit en premier lieu d’apporter l’eau potable et l’assainissement dans 10 villages de la région de Kayes, au sud-ouest du Mali. Les deux systèmes sont entièrement à réaliser. S’agissant du système d’adduction d’eau potable, cela englobe : les études préliminaires, la réalisation des forages, la construction d’un château d’eau, la mise en place d’un réseau de distribution avec la réalisation d’un branchement individuel doté d’un compteur dans chacune des concessions familiales. L’assainissement reposera pour sa part sur des équipements semi-collectifs, partagés par plusieurs concessions. Ces aménagements vont au total concerner une population de près de 37 000 personnes.
Le second volet du projet concerne 15 autres villages de la région déjà équipés de systèmes d’adduction mais que nous allons aménager pour fonctionner en parallèle sur l’énergie solaire. Le système mixte électrogène/photovoltaïque permettra d’abaisser les coûts de production ainsi que les coûts de maintenance et d’augmenter la durée de vie des groupes. Les 15 villages concernés représentent une population de 48 600 personnes.
Est-ce que c’est pour Eau de Paris une première coopération au Mali ?
Non, absolument pas. Nous avons engagé des échanges avec le Mali depuis six ans, qui nous nous ont permis d’équiper 7 villages d’un système d’adduction d’eau. Par contre, c’est la première fois que nous associons au projet le volet assainissement. Pour cela, nous nous sommes rapprochés du SIAAP, le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne. J’en profite pour mentionner le troisième partenaire "technique" de l’opération : Électriciens sans Frontières, une ONG initiée par des volontaires d’EDF qui devrait prendre, de son côté, l’aspect énergétique.
Quel est le coût du projet ?
Le projet représente un investissement global de 10,5 millions d’euros sur trois ans, pour lequel nous sollicitons l’Union européenne à hauteur de 50 %. Mais nous n’avons pas encore cité "l’autre" grand partenaire du projet : les associations des ressortissants maliens en France. Ces associations sont organisées par villages et sont totalement indépendantes les unes des autres ; elles n’en constituent pas moins la pièce maîtresse du projet qu’elles vont financer à hauteur de 46 %. Ces associations imposent des cotisations relativement importantes à leurs membres qui travaillent ici en France ; cet argent est intégralement destiné au financement de projets de développement dans les villages d’origine : la construction d’écoles, de centres de soins, l’approvisionnement en eau, des aménagements agricoles, etc. En contrepartie de l’obligation pour chaque ressortissant de cotiser à association de son village, des règles très rigoureuses de gestion ont été édictées qui font que chaque projet est suivi au centime près. Dans ce contexte, ces associations vont activement participer à la mise en place des comités villageois de gestion qui devront relever les factures, gérer financièrement les services d’eau et d’assainissement, assurer la maintenance technique des installations mais aussi veiller à la préservation et à la protection de la ressource en endossant en quelque sorte le rôle de police de l’eau. Tout cela constitue en soi, une garantie de bonne fin du projet.
À quel prix l’eau sera-t-elle sera vendue aux villageois ?
À 50 centimes d’euro le mètre cube. Ce prix moyen a été calculé sur une consommation moyenne par tête de 30 litres incluant bien sûr les salaires et indemnités des gardiens et du comité de gestion, les frais d’entretien des installations mais aussi une provision pour renouvellement ainsi qu’une provision pour extension afin de prendre en compte l’augmentation de la population, égale à 3 % par an. Au final, nous devons vérifier que l’ensemble des coûts – pour l’eau et l’assainissement – ne dépasse pas 5 % du revenu moyen annuel de chaque habitant. C’est là une des conditions d’obtention – parfaitement justifiée – de l’aide. Nous respecterons bien sûr ce critère.
À quand le verdict ?
Les dossiers doivent être transmis à Bruxelles avant le 15 septembre. Les résultats seront communiqués d’ici la fin de l’année. .