L'Union Européenne manque d'une stratégie extérieure forte
l’interview de Philippe GUETTIER
adjoint au chef de la mission des affaires internationales et communautaires
direction de l'eau, ministère de l'Écologie et du Développement durable – France
propos recueillis par Martine LE BEC
Sources Nouvelles, IRC – mai-juin 2006
H2o – juillet 2006
Coordonnateur au sein du ministère de l’Écologie du Partenariat français pour le Forum de Mexico, Philippe Guettier a accepté de revenir sur l’idée de ce partenariat et comment il pourrait à terme contribuer à renforcer la stratégie européenne de l’eau à l’international.
Quelles idées et objectifs ont prédisposé à la constitution d’un Partenariat français pour Mexico ?
Les différents acteurs français de l’eau, publics et privés, ont souhaité mettre en place une démarche collective pour ce Forum de Mexico afin d’y être présents avec plus de force qu’ils ne l’avaient été trois ans auparavant à Kyoto. Ce partenariat, qui a réuni les différents ministères et établissements publics concernés, les collectivités locales et territoriales, les groupes industriels, les PMÉ -PMI, mais aussi les ONG et les organisations scientifiques et techniques, visait 4 objectifs :
1. préparer des messages prioritaires et s’assurer que ceux-ci seraient discutés à Mexico et pris en compte par la conférence ministérielle ;
2. assurer comme je l’ai dit une parfaite visibilité aux acteurs français de l’eau et à leurs partenaires étrangers ;
3. organiser des actions de formation des élus français à l’intention de leurs homologues étrangers. Cette action a été conduite sur deux thèmes : la responsabilité des élus locaux en matière d’eau potable et d’assainissement d’une part, la gouvernance locale de l’eau, d’autre part ;
4. participer à la démarche régionale européenne, coordonnée par les Pays-Bas. Le travail ici réalisé a permis de promouvoir les principes de la Directive Cadre européenne sur l’eau ainsi que la question sensible au plan international du droit d’accès à l’eau.
Mais ce Partenariat français ne risquait-il pas de faire trop "défense des intérêts nationaux français" – qui plus est, privés – dans le cadre d’une politique mondiale de l’eau ?
Il y a derrière bien sûr l’idée de valoriser l’expérience et les savoir faire français mais aussi celle d’apporter une contribution française plus efficace aux avancées vers les Objectifs du Millénaire. Ce partenariat n’est pas un partenariat franco-français, il s’agit d’un partenariat au contraire largement ouvert sur le monde puisqu’il associe tous nos partenaires étrangers. La loi Oudin-Santini, qui crée de facto de nouveaux instruments de coopération décentralisée, multiplie le nombre de ces partenaires en mobilisant très largement les collectivités locales et territoriales, en France et à l’étranger.
Quelle est la place de la France dans la coopération internationale ?
La France est au 4ème rang des bailleurs de fonds bilatéraux pour l’eau et l’assainissement. Depuis le sommet d’Évian du G8, en juin 2003, elle a aussi pris l’engagement de doubler son aide publique au développement en se donnant pour objectif de permettre l’accès à l’eau et à l’assainissement à 9 millions de personnes en Afrique d’ici 2015. Cet engagement est en cours de réalisation. De plus, la loi du 9 février 2005 (loi Oudin-Santini), qui permet aux collectivités locales et aux agences de l’eau de mener des actions internationales dans le domaine de l’eau, permet potentiellement de dégager chaque année 120 millions d’euros supplémentaires. L’avantage de cette loi est que, les financements étant assurés par les factures d’eau, ce sont les usagers du Nord qui viennent directement en aide aux usagers du Sud ; c’est donc une coopération directe dont l’un des avantages est aussi de limiter le risque de corruption. Une petite dizaine d’autres pays ont instauré de tels mécanismes de financement solidaire. C’est une solution qu’il convient de promouvoir plus amplement.
Quel avenir pour ce Partenariat français ?
La ministre de l’Écologie et du Développement durable, Nelly Olin, souhaite la pérennisation de ce partenariat. Une réunion associant les différents acteurs français sera organisée en juin pour en décider. D’autres évènements à venir justifieraient cette décision, je pense à la Semaine mondiale de l'eau à Stockholm (en août) mais aussi à Africités, dont la 4ème édition se tiendra à Nairobi en septembre, et bien sûr au prochain Forum mondial, à Istanbul, en 2009. L’idée de Partenariats de l’eau trouve écho dans d’autres parties du monde établis au niveau national (par exemple au Japon avec le Japan Water Partnership et aux Pays-Bas avec le Netherland Water Partnership) ou régional avec l’European Water Partnership ou le Northern Water Network. Les enjeux sont importants notamment au niveau européen alors même que la stratégie européenne à l’international mériterait certainement d’être renforcée. C’est là un vaste chantier à réaliser. .