LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE
Évolutions récentes et perspectives
Comment les économies africaines ont-elles supporté la crise financière et économique de 2008-2009 ? Quels sont dorénavant leurs partenaires ? Quelle est aussi dorénavant la place pour des politiques de coopération plus matures, plus responsables et qui prennent en compte les réalités économiques ? Le développement de partenariats public-privé, notamment sur les infrastructures sensibles comme la santé ou l’enseignement supérieur, est-il souhaitable ? Dans quels rapports ? Les réponses d’Henri-Bernard SOLIGNAC-LECOMTE, responsable Afrique & Moyen-Orient à l’OCDE, invité du club Nouveaux Repères du CEPS, Centre d'Étude et de Prospective Stratégique à Paris.
Martine LE BEC Club Nouveaux Repères, 16 novembre 2011 – CEPS
photo Foire africaine 2012 Paris
H2o – avril 2012
Le Centre de développement de l’OCDE a entrepris il y a dix ans, en collaboration avec la Banque africaine de développement – BAD, rejoints par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique – UNECA, et le Programme des Nations unies pour le développement – PNUD, ainsi qu’un réseau local d’experts, d’établir annuellement un rapport sur les Perspectives économiques en Afrique. Ce rapport – qui fournit : des données et analyses complètes et comparables sur 51 économies africaines ; des prévisions macroéconomiques à deux ans ; une base de données statistiques complète au format Excel ; plus des études thématiques sur les partenariats émergents, la mobilisation des ressources domestiques, l’aide au développement, l’innovation et les TIC, la formation technique et professionnelle, etc. – est disponible sur le site African Economic Outlook.
Au milieu des années 1990, avec l’arrivée de Nelson Mandela à la présidence sud-africaine, était apparue l’idée d’une renaissance africaine ou d’une "Afrique émergente". Au sein du continent, certaines économies apparaissaient prometteuses, et peut-être capables d’attirer dans leur sillage celles des États voisins. En réalité ces espoirs ont été très largement déçus lorsque s’est déclenché en 1996 le premier conflit congolais (ex-Zaïre). Aujourd’hui que reste-t-il de ces espoirs ? Dix ans après la fin du deuxième conflit congolais (1998-2002), aussi appelé "Première guerre mondiale africaine", peut-on renouer avec un afro-optimisme de raison ?
Le monde a changé, et avec lui l’Afrique
Un basculement de la richesse mondiale est survenu – En l’espace de dix ans, la richesse a basculé depuis l’Occident vers l’Est asiatique et le Sud, africain et américain. La croissance rapide des grandes économies émergentes est la cause de ce basculement économique et politique.
Jusqu’en 2000, les pays membres de l’OCDE représentaient 65 % du PIB mondial ; ils n’en représentent aujourd’hui à peine plus de 50 % et cette part inférieure à 40 % en 2030.
Parallèlement, la pauvreté extrême a régressé ces deux dernières décennies. Le nombre de gens vivant avec moins de un dollar US par jour a diminué de près de 500 millions depuis les années 1990, mais cette réussite est à porter exclusivement au crédit de la Chine. Ailleurs, les inégalités ont augmenté et les progrès sociaux sont restés très lents. La Chine apparaît donc bel et bien comme le moteur de ce basculement : à chaque fois que la Chine enregistre un point de croissance sur son PIB, cette croissance se traduit par 0,3 point de croissance dans les pays les moins avancés et un peu plus (0,4 point) dans les pays à revenu intermédiaire.
La montée des classes moyennes en Chine et dans l’Asie du Sud-Est, qui aspirent à de nouveaux modes de vie, va se traduire par un accroissement significatif de la demande de matières premières et d’énergie. L’Afrique sera le premier continent à profiter de cette demande.
Un basculement qui profite à l’Afrique – L’Afrique dispose en majorité des matières premières demandées par ces marchés (le pétrole, le minerais, les terres arables, l’eau) ; elle est aussi le réservoir resté le plus inexploité. Au cours des dix années documentées par le rapport de l’OCDE, les flux d’investissements en Afrique ont dépassé les flux d’aide au développement, ce dépassement étant d’ailleurs survenu à mi-parcours, en 2005. Pendant cette période toujours, les économies africaines ont globalement progressé sur un taux de croissance annuel de plus ou moins 5 %, les plus performantes d’entre ont rejoint le "club des économies convergentes" vers les économies de l’OCDE. Dans ce club figurent les économies ayant enregistré plusieurs années de suite un taux de croissance par habitant au moins deux fois supérieur au taux de croissance des économies les plus riches. Fin des années 1990, seules l’économie chinoise et l’économie chilienne figuraient dans ce club, peut-être avec une ou deux autres économies latino-américaines ; aujourd’hui près de la moitié des économies africaines (et une bonne part des économies latino-américaines) les ont rejointes. Le Tchad figure ainsi parmi les heureux membres : cela ne veut pas dire que le Tchad a révolutionné le niveau de vie de ses habitants ; cela veut seulement dire que le Tchad a accumulé des richesses à une vitesse sans précédent. Le fait est en soi particulièrement significatif et prometteur.
Cette accumulation des richesses sur le continent s’accompagne d’une diversification des partenaires. L’Afrique sort ainsi du tête-à-tête exclusif entretenu avec l’Occident jusqu’à la fin des années 1990. Les flux commerciaux qui s’établissaient à 80 % avec les partenaires traditionnels et 20 % pour le reste du monde, se situent dorénavant sur un rapport de 60/40. Ce nouveau rapport marque la fin de la période postcoloniale.
Après l’effondrement du bloc soviétique, et la disparition du "Second-monde", c’est le Tiers-monde qui est en train de disparaître avec le basculement des richesses.
L’Afrique a changé
En 2010, le continent est officiellement passé à 1 milliard d’habitants. Parallèlement, comme il a été dit, les efforts contre l’extrême pauvreté ont enfin commencé à porter leurs fruits : l’extrême pauvreté affectait 59 % de la population en 1996 ; elle est revenue en 2005 à 51 %, soit au taux des années 1970. Les économies émergentes voient donc de plus en plus le continent, non plus seulement comme un réservoir de matières premières mais comme un marché. Une foule de produits de grande consommation sont importés, de Chine, de Corée ou d’Inde, à des prix beaucoup plus abordables que les prix des produits européens. Ce facteur démographique, s’il pose des défis, imprime aussi un nouveau rôle pour le continent.
Une amélioration des politiques macroéconomiques s’est opérée : sur les politiques budgétaires, la fiscalité, le contrôle de l’inflation, etc. C’est ainsi, qu’en 2009, lorsque les économies développées sont entrées en récession, une vingtaine d’économies africaines ont été en mesure de mettre en place des politiques contra-cycliques qui ont absorbé le choc de la baisse de demande en provenance de l’Occident. Il y a une décennie encore, ce scénario aurait été complètement inenvisageable.
Par ailleurs, les indicateurs de l’OCDE montrent une réduction continue des tensions et de la répression. Le fait est particulièrement notable en Algérie, ou encore dans la région de la rivière Mano (Guinée, Liberia et Sierra Leone), en République démocratique du Congo ou en Afrique du Sud. La décrue des tensions est très nette : il y a aujourd’hui moins de conflits qu’il n’y en avait il y a quinze ans. La nature de ces conflits est elle-même différente : il y a une baisse des conflits violents et une hausse des tensions "démocratiques". Les préoccupations se focalisent sur l’inflation, toujours importante, et sur les défaillances des services publics, de la santé, de l’éducation, etc. Les gouvernants sont priés de prendre leurs responsabilités.
Enfin, les modèles ont basculés, la colonisation et l’indépendance sont maintenant loin. Les leçons de l’Occident ne portent plus autant. Les partenaires émergents de l’Afrique – La Chine, l’Inde, la Corée ou l’Indonésie – nous apprennent que de nouvelles coopérations sont possibles, bien loin du modèle parent-enfant qui a prévalu sous l’influence occidentale. Pour nous Occidentaux, loin de remettre en cause nos manières de coopérer, des enseignements sont néanmoins à prendre de ces évolutions. Il s’agit de "moderniser" nos approches de coopération et de développement.
Les défis demeurent
Pour l’Afrique, la partie n’est pas gagnée. Le continent reste confronté à d’importants défis.
Le premier défi est la pauvreté – Son meilleur vaccin est l’emploi, le vrai et bon emploi – qui n’est pas celui du secteur informel. Cependant, la croissance africaine se concentre sur des secteurs très peu créateurs d’emplois. On achète, on vend, mais on produit peu… Il en résulte bien sûr des problèmes d’ajustement de l’offre à la demande mais aussi d’importantes frustrations. De nouvelles adéquations restent à définir qui devront s’attacher à développer prioritairement les secteurs créateurs d’emplois et à adapter les systèmes d’éducation et de formation. La montée rapide du chômage des jeunes a été à l’origine du "Printemps arabe" ; mais les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets : les mêmes causes qui ont mis à bas un mauvais régime, pourraient mettre à bas un bon régime.
Un second défi concerne les infrastructures – Le sous-investissement, les problèmes de maintenance et la mauvaise régulation caractérisent d’importants secteurs tels que les transports, l’énergie, l’eau et l’assainissement, les TIC, tout en pénalisant d’innombrables petites entreprises. Ces secteurs nécessitent un investissement privé, mais qui ne viendra pas sans un investissement public préalable et de qualité, pour l’accompagner.
Un troisième défi concerne la qualité de la dépense publique – Le boom des matières premières n’est pas nouveau. Dans les années 1970, la situation avait été semblable, mais la disponibilité financière n’augure pas forcément les bons usages ; et l’on voit déjà apparaître ci et là ce qu’à l’époque on avait appelé des "éléphants blancs".
Un quatrième défi concerne la capacité administrative – Le développement se fait d’abord avec la capacité d’une société, à travers son État, de mobiliser ses ressources domestiques. Si l’Afrique était un seul pays, aujourd’hui elle serait largement indépendante de l’aide extérieure : elle collecterait chaque année 441 de dollars US de taxes par habitant, tandis qu’elle recevrait seulement 41 dollars d'aide toujours par habitant et par an ; soit environ onze fois moins. L'aide internationale ne représente effectivement que 10 % du montant des taxes prélevées. Mais voilà, l’Afrique c’est 53 pays, et des situations nationales qui varient considérablement. Pour près d'un pays sur trois, l'aide représente d’ores et déjà moins de 10 % des recettes fiscales. Mais pour 24 pays africains, soit la moitié des pays pour lesquels l’OCDE dispose de données, l'aide est supérieure ou égale à la moitié des recettes fiscales.
In fine, il s’agit de remédier au manque de capacités : en personnels formés, salaires, équipements, gouvernance, etc. ; au déficit de légitimité fiscale : en renforçant les infrastructures, l’éducation, la santé, etc. ; mais aussi à l’étroitesse de l’assiette fiscale : le secteur informel représente près de 75 % des économies africaines mais il serait illusoire de lutter contre, la priorité doit davantage porter sur le développement de l’économie formelle ; enfin au déséquilibre de la fiscalité déséquilibrée : des acteurs surtaxés, les plus petits, côtoient d’autres, les plus influents, sous-taxés.
Cette action demanderait que l’on s’attaque aussi, au niveau mondial, aux mécanismes globaux qui favorisent la fraude et l’évasion fiscale à grande échelle.
Éléments pour une réflexion prospective
Quid des grands maux de l’Afrique, de la pauvreté, des maladies, du sous-emploi des jeunes, des atteintes aux droits des femmes, des atteintes aux écosystèmes ? – Le Rapport 2011 sur les Objectifs du millénaire pour le développement montre que si une nette amélioration caractérise les ratios économiques, certains secteurs ou domaines sont dans l’impasse : c’est le cas de l’urbanisation incontrôlée, des dommages à l’environnement, de la situation des femmes. Par ailleurs, si un milliard d’individus constituent un énorme marché potentiel, c’est aussi un milliard d’individus à nourrir, à loger, à former.
En dépit des cassandre, la croissance démographique du continent semble avoir été, aux yeux de certains, plutôt bien accommodée ; en témoigneraient par exemple les améliorations constatées en matière d’accès à l’eau : au pire des cas, le taux d’accès à l’eau potable reste stable en dépit de la croissance démographique. Comme il a été dit plus haut, l’extrême pauvreté a elle-même régressé. Cependant, les façons de gérer la manne des ressources naturelles varient considérablement d’un pays à l’autre comme en témoigne l’écart entre le Botswana (qui a su gérer de manière exemplaire sa richesse en diamants) et le Nigeria (démesurément riche en pétrole, mais empêtré dans la violence et la pauvreté). Le premier a l’avantage d’être très faiblement peuplé, ce qui facilite évidemment la redistribution. C’est donc au moins partiellement à cause de sa démographie que l’Afrique n’arrive pas à transformer sa croissance en développement. Les taux de croissance restent aussi insuffisants, car dans tous les cas inférieurs à 10 %, bien loin des taux enregistrés ces deux dernières décennies en Chine.
Quelle maîtrise l’Afrique a-t-elle de son foncier et de ses espaces naturels ? Est-elle apte à relever le défi alimentaire ? – Les atteintes aux espaces naturels sont de plus en plus évoquées, notamment par les ONG locales, qui sont aujourd’hui plus nombreuses et plus actives. Parallèlement certains pays cèdent à des investisseurs nationaux et étrangers – souvent Chinois mais aussi Indiens, Brésiliens ou autres, d’énormes superficies, destinées à une mise en valeur agricole qui ne bénéficiera pas forcément aux populations locales. [Cinq pays se distinguent par leur acquisition en terre. La Chine, la Corée du Sud, les Émirats Arabe Unis, le Japon, l’Arabie Saoudite. En 2009, ils disposaient de plus de 7,6 millions d’hectare à cultiver hors territoire national, soit l’équivalent de 5,6 fois la surface agricole de la Belgique. Sur la période 2005-2009, entre 15 et 20 millions d’hectares ont fait l’objet de transaction depuis trois ans surtout en Afrique. Source : Ivoire Blog]
Si ces transactions sur la terre peuvent créer des opportunités (débouchés garantis, emplois, infrastructures, hausses de productivité agricole), elles peuvent aussi causer des dommages si les populations locales sont exclues des décisions et si leurs droits fonciers ne sont pas protégés.
Le Conseil supérieur du notariat et le réseau africain francophone du notariat ont initié un nouveau mécanisme de "titrement" qui devrait apporter un début de solution à la question de la maîtrise foncière en permettant aux petits propriétaires de se protéger.
S’agissant de la question agricole à proprement parler : les "Indépendances" de même que l’aide au développement se sont très insuffisamment intéressées au potentiel agricole du continent qui est pourtant une des clés principales – sans doute même LA clé – d’un développement durable à l’horizon 2030. Derrière l’agriculture, il y a évidemment tout le secteur agro-industriel. Cette refonte de la "politique agricole africaine" imposerait la révision des accords d’échanges avec ses partenaires extérieurs, au premier rang desquels l’Union européenne. Dans cette optique de développement durable, s’imposent aussi la maîtrise de l’eau, celle de l’énergie (dont maintenant évidemment les énergies renouvelables) et celle enfin des infrastructures. Un effort particulier est à fournir sur le financement des PME avec l’appui de la micro-finance pour les plus petites activités agricoles ou artisanales ; une "mise au pas" du système bancaire sera ici probablement utile. Mais un ultime défi restera encore à relever : celui de la formation professionnelle, pour l’heure en grande souffrance dans la majorité des pays.
Quelles seront les conséquences de la crise de l’euro sur le continent ? – Les conséquences seront très sûrement une révision à la baisse des taux de croissance. Le problème est que le "gras" accumulé par l’augmentation du prix des matières premières a fondu avec la crise de 2008-2009 et que les marges de manœuvre pour faire face à un nouveau ralentissement de la demande sont dorénavant étroites. Dès lors que les États n’auront plus les moyens de subventionner les produits de première nécessité, la question sociale risque de resurgir avec fracas.
Quid de l’avenir du franc CFA ? – Le franc CFA, hybride, est-il obsolète ? Faudrait-il envisager le renforcement de la souveraineté monétaire des États ? Ou, au contraire, le franc CFA fait-il partie intégrante d’un horizon dont l’Afrique serait pleinement gestionnaire ? Le chemin ne serait-il pas dès lors pour les États de choisir, souverainement, de s’orienter vers une monnaie commune ? Quels que soient les choix arrêtés, l’Afrique devra de toute façon converger vers un espace plus intégré.
Les ressorts d’une "classe moyenne" – Le processus de développement n’est pas un long fleuve tranquille, mais au contraire un processus de remises en cause, de conflits et de disparités. L’important est qu’in fine, il y ait un effet "accordéon", de rattrapage. Le processus semble à l’œuvre dans plusieurs pays, où apparaît une "classe moyenne", qui se projette dans l’avenir et qui investit dans l’éducation de ses enfants (sur place et non à l’étranger) tout en se constituant une petite épargne. Cette nouvelle classe moyenne, souvent entrepreneuriale, est évidemment porteuse d’espoir, même si son action devra s’appuyer sur une restructuration de l’action publique.
Les conflits durs se font plus rares, les conflits latents subsistent – Si les conflits ouverts ont ces dernières années régressé, les conflits latents subsistent, qui font obstacle à tout espoir de réelle intégration continentale ou sous-continentale. Au Niger, au Mali, au Nigeria ou dans sa partie est, l’Afrique reste principalement menacée par l’insécurité qui hypothèque toute perspective de croissance durable.
Quelle gouvernance ? – La bonne gouvernance ne fait pas le développement. La mise en place d’une "bonne" gouvernance, au sens occidental – avec une répartition élaborée, un système fiscal et un système judiciaire perfectionnés, etc., coûte cher, trop cher pour des États aux capacités limitées. L’agenda forcé, conduit dans les années 1990, sous l’impulsion des "bailleurs de fonds", a été très pauvre en résultats. La solution est donc d’accumuler des richesses autant que possible, pour progressivement installer de nouvelles formes de gouvernance, adaptées, et qui vont s’affiner au fil du temps. Dans tous les cas aussi, la croissance durable surviendra au prix d’une ouverture politique, d’une dépersonnalisation du pouvoir et d’une formalisation des règles économiques et sociales ; en d’autres mots d’une confiance nouvelle envers et entre les opérateurs du changement. Tout cela prend du temps.
D’autant plus de temps que dans bien d’endroits, les ajustements structurels et la marche forcée vers les privatisations, imposés par les institutions financières internationales, ont dépossédé les États de nombre de secteurs stratégiques. Comment les États peuvent-ils impulser un développement alors que les secteurs clés de l’économie leur ont parfois échappé ? Leurs dirigeants ont-ils aussi réellement placé le développement au cœur de leurs priorités ? En tout état de cause l’inadéquation entre croissance et développement prend sa source dans la corruption et l’accaparement des richesses par une minorité – une partie de cette richesse revient d’ailleurs par divers chemins en Occident. Le fait n’aura de cesse d’être dénoncé, comme il faut dénoncer la collusion entre les élites locales et les opérateurs internationaux de systèmes. Dans bien de pays africains, l’intérêt général n’a jamais eu de sens. Dans le prolongement de ce constat, vient un second : la non prise en compte de l’intérêt que constitue la diaspora pour les économies locales. Cette diaspora pourrait d’ailleurs être l’élément déclencheur des changements à venir.
La Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, entrée en vigueur en février 1999, prévoit un certain nombre de mesures pour sanctionner efficacement la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Il s’agit du premier et unique instrument international de lutte contre la corruption ciblant le "côté" de l’offre de la transaction entachée de corruption. 34 pays membres de l'OCDE et 4 pays non membres (l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil et la Bulgarie) ont adopté cette convention qui a été complétée récemment, en 2009, par une recommandation visant à renforcer la lutte par des mesures fiscales. L’éradication du problème viendra cependant des citoyens et de leur exigence d’une plus grande probité et d’une plus grande transparence dans la gestion des affaires publiques… Tout cela sans forcément espérer un Printemps africain, seulement une vision nouvelle – une vision qui émanera d’une minorité agissante, consciente de l’impérieuse nécessité d’un développement qui profite à tous.
Il en va de l’intérêt de tous… y compris des États membres de l’OCDE et, qui plus est, de l’Europe. L’Afrique pourrait bien être leur relai de croissance.
Conclusion
Une Afrique nouvelle est en train d’apparaître dans un monde nouveau. Cette Afrique a à sa portée de nouvelles ressources et de nouvelles opportunités, avec des partenaires nouveaux. La question est : qui va être le point focal dans ces sociétés ? Qui va aider à la coordination pour mettre les acteurs en confiance et valoriser ces ressources aux fins de développement ? Car les défis à surmonter sont nombreux, ils concernent tant l’urbanisation du continent que son économie et son intégration régionale. L’urbanisation galopante augmente les risques de chômage, de violence et de mal-être ; elle ne pourra se résoudre que par une maîtrise de la démographie. Il ne s’agit plus non plus pour le continent de miser exclusivement sur sa rente foncière et ses ressources naturelles ; les économies africaines sont dorénavant placées dans la double obligation de se diversifier et de mieux s’intégrer au plan régional : alors que les échanges intra-européens constituent 63 % du commerce extérieur des pays de l'Union, et que ce taux dépasse désormais les 50 % en Asie, il n’est aujourd’hui en Afrique que de 8 %, de très loin insuffisant pour stimuler les économies nationales. Cette réalité impose la prudence dans les perspectives annoncées : l’Afrique ne sera un vrai eldorado que si elle parvient à fonder une véritable économie, qui profite réellement au developpement d’une classe moyenne, propriétaire, entrepreneuriale et envieuse de se projeter dans l’avenir. C’est finalement sur cette classe que reposeront les chances de la démocratie. .