Dossier de Coordination Eau IDF   |
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March 2018 | |||||||||||||||||||||
Le 19 décembre 2017, les territoires de Plaine Commune, Est Ensemble et Grand-Orly Seine Bièvre, ceinturant une large partie du nord-est et du sud de Paris, ont adopté une convention provisoire de deux ans avec le Syndicat des Eaux d'Île-de-France, s'accordant un délai de réflexion pour étudier et travailler sur l'option de mettre leurs services d'eau potable sous gestion publique... Retour sur l'argumentaire soumis aux citoyens par la Coordination Eau Île-de-France, initiatrice du projet.
Coordination Eau Île-de-France
Pour un meilleur prix pour l’usagerGestion marchande ou régie publique ? La question a donné lieu à de multiples controverses, mais la tendance paraît claire : le prix du service de l’eau est plus élevé en gestion privée que dans une régie publique. Selon une étude sur 19 villes publiée en 2007 par l’UFC-Que Choisir, "les prix pratiqués dans les grandes agglomérations (NDLR : où la gestion marchande domine) sont souvent très abusifs" ; et "nos résultats mettent en lumière les bénéfices faramineux réalisés par Veolia et Suez". La palme de la surfacturation, indique Que Choisir à l’époque, est décernée au Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF), au Syndicat des Eaux de la Presqu’Île de Gennevilliers (SEPG) et à Marseille. De même, une étude de 2010, présentée par la Chambre régionale des comptes d’Île-de-France (CRC) comme fiable et objective, "fait ressortir un prix de l’eau plus bas en régie" sur la Région. Quoiqu’il en soit, on constate depuis quelques années un mouvement de retour à la gestion publique de l’eau : une série de collectivités ont fait ce choix entre 2014 et 2016, dont Nice, Bastia, Valence, Grenoble, Montpellier Métropole, Rennes, Lille Métropole, Fort-de-France, suivies en 2018 par Metz Métropole, Digne ayant lancé le mouvement en 2009. Dans le contexte actuel d’austérité généralisée, l'on peut penser qu’elles ne s’y seraient pas risquées si elles avaient anticipé une hausse des tarifs de l’eau à supporter par leurs administrés et si elles n’avaient pas estimé que ceux-ci seraient au final gagnants. Le cas de l’Île-de-France est intéressant à examiner. Les deux formes de gestion coexistent sur la Région : à Paris, une régie directe, Eau de Paris, a pris le relais du privé en 2010, tandis que sur les départements limitrophes domine le Syndicat des Eaux d’Île-de-France, qui dessert 153 communes, 4,6 millions d’usagers et a confié la gestion à la multinationale Veolia. Sur l’ensemble du territoire du SEDIF le prix de l’eau s’élevait à 4,32 euros TTC le mètre cube au 1er janvier 2017 pour une consommation de 120 m3/an – le standard admis pour une famille. La même année, le mètre cube d’eau parisien était facturé à 3,41 euros TTC, soit +25 % à la charge des résidents de banlieue. Dans son étude, la CRC explique le tarif plus élevé du SEDIF par des facteurs objectifs : un réseau de canalisations quatre fois plus étendu qu’à Paris, des frais de stockage importants du fait de la surface de territoire à couvrir, et donc du nombre de réservoirs nécessaires, ce qui paraît vraisemblable. Mais elle souligne aussi la dérive de la rémunération consentie à Veolia, "qui s’éloigne chaque année de l’équilibre économique du [dernier] contrat signé en 2010". Ainsi, l’entreprise a perçu 20 millions d’euros en 2014 pour paiement de ses prestations contre 7 millions en 2011, tandis que les frais de siège (7 millions d’euros) n’étaient pas justifiés ; elle a encaissé 3 millions d’euros au titre du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) en 2015, sans répercuter cette rentrée sur ses tarifs. Ces sommes cumulées ne contribuent-elles pas à éclairer l’écart de prix entre le SEDIF et Eau de Paris ? Poursuivant son analyse, la CRC relève "le niveau très réduit de concurrence" qui caractérise le secteur. Exprimé plus crûment, les majors de l’eau en France, Veolia, Suez et la Saur, qui se partagent un marché de 14 milliards, sont en situation de quasi-monopole. Ainsi, en Île-de-France, Veolia, ex-Générale des Eaux, détient le contrat sans interruption depuis 1923 ! Certes des appels d’offres doivent être lancés par les collectivités tous les vingt ans (au maximum) quand il y a délégation de service public (DSP). Mais, dans les faits, l’emprise des majors sur le marché est telle que très peu d’entreprises se risquent à les affronter. Ainsi, relate la CRC, la Direction de la concurrence (DGCCRF), suite à une étude, a constaté un taux de reconduction des entreprises sortantes de l’ordre de 85 %. "Les sociétés s’abstiennent parfois de déposer une offre, observe-t-elle, même si elles disposent des capacités techniques et financières". Dans ce contexte, la Commission européenne, qui suspectait les majors de s’entendre sur les prix, a ouvert en 2012 une procédure sur d’éventuelles pratiques anti-concurrentielles. En conclusion, nous dirons que les régies publiques jouent un rôle précieux en exerçant une pression sur les grandes sociétés qui peut les contraindre à réfréner leurs appétits. La menace du passage en régie, note ainsi la DGCCRF, brandie par une collectivité, incite l’entreprise à baisser ses prix. Cela constitue une raison de plus, à nos yeux, pour développer le service public ! Ainsi, c’est bien évidemment grâce à la création d’Eau de Paris en 2010 que le SEDIF a pu obtenir de Veolia une première baisse de 1,73 euros HT/m3 à 1,41 euros HT/m3 en 2011. Une seconde baisse, de 1,47 euros/m3 à 1,37 euros/m3 est intervenue au 1er janvier 2017, au moment où se posait la question de l’adhésion au SEDIF des établissements publics territoriaux.
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Unités de distribution en nombre et en pourcentage | Population alimentée en nombre et en pourcentage |
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Eau traitée avec des sels d'aluminium | 2 057 (8,2 %) | 21,14 (32,4 %) |
Eau non traitée avec des sels d'aluminium | 22 987 (91,8 %) | 44,16 (67,6 %) |
Total | 25 044 (100 %) | 65,30 (100 %) |
Alerte Pesticides : Selon la synthèse annuelle publiée en décembre 2017 par l'Agence régionale de santé d’Île-de-France pour 2016, l'eau distribuée par le SEDIF, même si elle reste consommable, n'est pas de bonne qualité, contrairement à celle distribuée par Eau de Paris. En cause, la pollution par les pesticides. On voit ici la limite de l'approche par des traitements industriels, sophistiqués et coûteux, privilégiée par le SEDIF. C'est en amont qu'il faut agir en préservant la qualité de l'eau brute, dans l'environnement. L'utilisation d'eaux souterraines et le développement de l'agriculture biologique autour des champs de captage y participe fortement pour Eau de Paris. Jusqu'à quand le SEDIF va-t-il s'acharner à produire de l'eau potable à partir d'eaux de surface (rivières et fleuves) aussi dégradées ?
Pour des choix maîtrisés
Pour la Coordination Eau Île de France, le fonctionnement interne du SEDIF pose problème : une fois qu’on y est entré, il est quasiment impossible d’en sortir ! En effet, un établissement public territorial ou une ville qui souhaite quitter le syndicat n’y est autorisé que si la majorité des membres lui donne le feu vert. Pire encore, si un tiers des collectivités membres s’y oppose, il lui faut renoncer. Aussi, depuis la création du SEDIF en 1922, aucune commune (sur 140) n’a pu s’en échapper – à l’exception de deux d’entre elles, à la faveur de la création d’une communauté de communes. Cette règle pose problème d’un point de vue démocratique : une collectivité qui désirerait opter pour un autre mode de gestion, par exemple à la suite d’un changement de majorité, devrait pouvoir le faire sans se heurter à un tel carcan.
Au-delà, les élus, avec la délégation de service public (DSP), perdent la main : les décisions, les orientations sont de fait, élaborées dans de lointains sièges sociaux. L’opacité des comptes, signalée par Que Choisir en 2007 à propos de Veolia, et la fuite des compétences techniques, qui passent des collectivités aux majors, contribuent à cette perte de contrôle. De même, la logique marchande vient percuter la volonté des élus qui souhaiteraient mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau et des mesures de solidarité en rendant gratuits les premiers mètres cubes ou encore qui soouhaiteraient économiser la ressource en taxant les usages "de luxe". Par définition, une entreprise lucrative cherche à vendre des volumes toujours plus importants, allant jusqu'à pratiquer des prix dégressifs en fonction des quantités. Ce sont là autant de pratiques contradictoires avec une politique sociale et écologique.
Dit autrement, avec la DSP, les élus se lient les mains, abandonnent dans les faits leurs prérogatives, quand bien même les contrats disent tout le contraire. Ce ne saurait être un hasard si les avancées sociales importantes, les initiatives écologiques, sont le fait de services publics, mus par l’intérêt général et pour qui l’eau est un bien commun ! De même, avec la DSP, les collectivités perdent la maîtrise des coûts : après cents ans de délégation, elles n’ont plus ni les ingénieurs spécialisés, ni les dossiers, ni même la mémoire des données. Comment, dans ce contexte, établir la vérité des prix ? .
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Le 7 décembre 2016, la Coordination Eau Île-de-France lançait une campagne d’information et de mobilisation sur la possibilité – pour tout ou partie d’un territoire – de ne pas adhérer au SEDIF, à l’occasion du transfert de la compétence eau aux établissements publics territoriaux. Elle a également appuyé le lancement d’une étude dans le territoire Grand-Orly Seine Bièvre (GOSB) pour envisager les modalités d’une alternative publique. Des premiers vœux en faveur de la gestion publique ont été votés par des conseils municipaux (Bagnolet). Des collectifs locaux pour l’eau publique se sont créés. Le 7 juillet 2017, une réunion d’élus et d’associations, organisée par le territoire Est Ensemble, a permis une confrontation entre la perspective de rester au SEDIF, portée par son président, M. Santini, et celle d’en sortir, portée par la Coordination Eau ÎDF. Quelques jours auparavant la Chambre régionale des comptes avait souligné les dérapages financiers du SEDIF au bénéfice de son délégataire, la multinationale Veolia. Le 8 septembre, à Bagnolet, une assemblée générale pour l’eau publique réunissait des d’élus et des militants de trois territoires : Grand-Orly Seine Bièvre, Est Ensemble et Plaine Commune. La dimension métropolitaine de ce mouvement émergeait ainsi, conduisant les présidents des trois territoires à se rencontrer et à adopter une position commune face au SEDIF. Un levier politique était trouvé avec un appel lancé par des élus et de grands électeurs à l’occasion des sénatoriales. Le 20 octobre, les présidents des trois territoires et le président du SEDIF concluaient un compromis : les trois territoires pouvaient s'engager dans une convention provisoire de deux ans leur permettant de poursuivre le débat et les études pour décider de l’avenir de la gestion de l’eau. Le 15 novembre se tenait un conseil municipal extraordinaire sur l’eau à Saint-Denis. Dans cette période, de nombreux conseils municipaux se sont prononcés pour la non-réadhésion au SEDIF. De nouveaux collectifs pour l’eau publique se sont créés, et les débats publics se sont multipliés, créant une vague citoyenne sans précédent en faveur de la sortie du SEDIF et de la gestion publique. Enfin, 19 décembre, les trois territoires ont signé la convention provisoire de deux ans avec le SEDIF. Cela concerne 24 villes dont les plus importantes des trois territoires (une douzaine de villes plus petites de Plaine Commune et du GOSB rejoignent le SEDIF). Durant cette période, les modalités précises de la gestion publique dans chacun des territoires devront être définies. La population devra être consultée et les décisions seront prises juste avant les élections municipales de 2020, ce qui donnera un nouveau levier politique au mouvement. Notons qu'à l'issue de cette période, les territoires qui auront décidé de se lancer dans la gestion publique, devront devenir co-contractants sur leur périmètre du contrat entre le SEDIF et Veolia qui s'achève le 31 décembre 2022. Il s’agira dès lors pour elles d’entreprendre les travaux de déconnexion avec le réseau du SEDIF pour que la gestion publique devienne opérationnelle le 1er janvier 2023. |
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LE RÉSEAU POUR L’EAU PUBLIQUE regroupe : Les collectifs locaux pour l’eau publique Est Ensemble (Bagnolet, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec) et Plaine Commune (Eau’bervilliers, Saint-Denis, Saint-Ouen) ; Diverses associations en lien : Convergence nationale des collectifs de défense et de promotion des services publics, la Fondation France Libertés, Bagnolet Initiatives Citoyennes, Bondy Autrement, Bondy Écologie, Couleur d’orange (copro Montreuil), La Ligue des droits de l'Homme (LDH) Bagnolet Les Lilas, celle de Montreuil, Grand-Orly Seine Bièvre (GOSB), ATTAC 94, La Fabrique Vitry en mieux ; Des élus : Fatah Aggoune (maire adjoint de Gentilly), Philippe Bouyssou (maire d’Ivry), Christian Métairie (maire d’Arcueil), Jean-Marc Nicolle (maire du Kremlin-Bicêtre), Jacques Perreux (président du groupe Écologistes et Citoyen-nes GOSB), Patricia Tordjmann (maire de Gentilly), Mireille Alphonse (maire adjointe de Montreuil, vice-présidente d'Est Ensemble), Sylvie Badoux (maire adjointe Bondy, vice-présidente d'Est Ensemble), Anne Deo (présidente du groupe Écologistes et Citoyen-nes d'Est Ensemble), Capucine Larzillière (conseillère municipale à Montreuil), Tony Di Martino (Maire de Bagnolet), Ibrahim Dufriche Soilihi (premier adjoint de Montreuil), Christophe Paquis (maire adjoint des Lilas), Sabine Rubin (députée des Lilas), Dominique Carré (Pierrefitte, vice-président de Plaine Commune), Kader Chibane (Saint-Denis, vice-président de Plaine Commune), Bastien Lachaud (député d'Aubervilliers-Pantin), Laurent Russier (maire de Saint-Denis), Michel Bourgain (Île-Saint-Denis, vice-président de Plaine Commune). Contact – Coordination Eau Île-de-France |