Eaux et territoiresTensions, coopérations et géopolitique de l'eau Mots clés : accessibilité, enjeux, études de cas |
Frédéric LASSERRE extrait L’eau est abondante à la surface de la Terre. En 1999, chaque habitant disposait statistiquement de 6 700 m3, et devrait disposer de 4 800 m3 en 2025. Mais ces ressources en eau sont très inégalement réparties. Dix pays se partagent 60 % des réserves d’eau douce, avec en tête le Brésil, la Russie, la Chine, le Canada. Au sein même de la Chine par exemple, l’inégale répartition géographique doit moduler ce classement parmi les pays les mieux nantis, car si le sud du pays est bien arrosé, le nord doit faire face à un climat aride et à de graves difficultés d’approvisionnement en eau. La géographie de la population, bien évidemment, ne correspond pas à celle des précipitations : la Chine en reçoit 7% mais abrite 21 % de la population du globe, alors que l’Amazonie, pour 0,3 % de la population, reçoit 15 % des précipitations. De ces inégalités sont nées, au cours du 20ème siècle marqué par le mythe de l’ingénierie dompteuse de la Nature, des projets prométhéens de détournement ou de pompage de fleuves, de lacs et d’aquifères afin de corriger ces inégalités spatiales, aux États-Unis, en Union soviétique, en Chine, en Libye, en Égypte. Encore ne s’agit-il ici que de la quantité brute d’eau douce disponible. Les différences climatiques viennent à leur tour nuancer le tableau d’une inégale répartition de l’eau à la surface du globe. Ainsi, l’Afrique reçoit 2,5 fois plus de précipitations que l’Europe, mais dispose d’un écoulement, donc d’une eau douce captable, équivalente, parce que l’évaporation, beaucoup plus intense, en reprend une bien plus grande proportion. De plus, le monde change : à cause des changements climatiques tels qu’ils sont estimés en 2001, et selon les structures de consommation actuelles, ce sont entre trois et cinq milliards de personnes qui auront des difficultés d’approvisionnement en eau, selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat de l’ONU, en disposant de moins de 1 700 m3 par personne et par an. La difficulté de l’accès à l’eau, à l’eau potable devrait-on préciser, est un élément crucial, car elle est, selon l’OMS, l’une des causes de nombreuses maladies et de mortalité dans le monde : la dysenterie affecte 1,5 milliard de personnes et près de 3,5 millions en meurent chaque année. La piètre qualité de l’eau provoque de nombreux cas de choléra (250 000 en 1999, 138 000 en 2000) et de typhoïde (17 millions de personnes affectées). Entre 1995 et 2000, les problèmes de santé et la mortalité associés à la qualité de l’eau ont crû quatre fois plus vite que la population ; une situation aggravée par la désertification, la dégradation des sols et des sources d’approvisionnement en eau, les mouvements de population et l’urbanisation massive. |