Le Livre du BainMots clés : bains publics, bains privés, la salle de bains moderne, les voluptés du bain |
Françoise de BONNEVILLESi la pratique en est millénaire, les livres consacrés au bain ne sont pas si fréquents. Les Bains à travers les âges, ouvrage fort documenté de Paul Négrier, et qui fait toujours autorité, fut publié en 1925. Après Négrier, ce sont les femmes qui se font historiennes du bain. En 1986, Anne de Marnhac, dans Femmes au bain, étudie avec brio les rites et les métamorphoses de la beauté, de la Renaissance à la fin du 19ème siècle, dans le cadre d’une brillante iconographie. En 1996, Dominique Laty, avec son Histoire des bains publiée dans la célèbre collection Que Sais-je, nous offre un condensé d’histoire érudite, depuis l’antiquité, sur le bain, l’hygiène et le rapport à l’eau. Enfin, Françoise de Bonneville, avec Le Livre du Bain, établit un parfait équilibre entre la documentation historique et iconographique, équilibre rare qui fait de ce très beau livre un objet de cadeau. Avec une premère édition parrainée par la société Hansgrohe, ce dernier ouvrage est composé de quatre grands chapitres (Bains publics, Bains privés, La salle de bains moderne, Les voluptés du bain) encadrés par une introduction sur la symbolique de l’eau et un répertoire des bonnes adresses... Par Pierre MAIN, H2o février 1999.
Bains publics, bains privés – La distinction est fondamentale. De même que le bain privé permet
d’approcher l’intimité des personnes, le bain public nous introduit
dans l’intimité des civilisations. Ainsi, avec l’évolution des Thermes,
nous percevons ce qui différencie l’antiquité grecque du monde romain.
Par exemple, le passage du froid au chaud, car les Grecs, même s’ils
ont inventé les thermes dans leur principe, ont toujours privilégié
l’eau froide, associée aux exercices du corps, à l’endurcissement. Rome
efface Sparte, en allant vers le chaud, mais aussi vers le monumental
et l’institutionnel. Les Thermes de Caracalla, de Néron et de
Dioclétien ont rythmé la vie du citoyen romain. Gigantesques et
splendides, accessibles à tous, ils ont aussi représenté une sorte
d’îlot démocratique dans une société fondée sur l’esclavage. Leur
ampleur, leur sophistication, et leur rôle de modèle soulignent
également le caractère quantitatif de la civilisation romaine. Le bain prétexte – Pour les peintres, le bain n’est qu’un prétexte, un alibi providentiel. En le traitant sur le mode mythologique, imaginaire, anecdotique ou descriptif, les artistes des siècles passés ont trouvé un paravent idéal pour exposer la nudité. La très belle et très riche iconographie de l’ouvrage de Françoise de Bonneville nous ouvre une galerie thématique, une sélection d’oeuvres souvent peu connues, à l’érotisme plus ou moins diffus. Au-delà du prétexte, il y a l’art. Le nu est, avec le portrait, l’exercice le plus difficile qui soit en peinture ou en dessin. A côté, le paysage n’est rien, le nu devient le pré carré du figuratif léché. Au contraire d’autres sujets, plus il s’éloigne du réel, plus il perd en intensité. Il était assez logique que la photographie, puis le cinéma s’emparent d’un aussi beau sujet. Si le peintre Bonnard a réalisé de superbes clichés de son modèle favori (sa femme, Marthe), le réalisateur Cecil B. de Mille, lui, ne pouvait se permettre d’insérer le nu dans ses films, mais il a, avec obstination, multiplié les scènes de bain, persuadé qu’il oeuvrait ainsi pour l’amélioration du confort sanitaire de l’américain moyen.
La salle de bains est un rêve – À parcourir Le Livre du Bain, on découvre à la fois la jeunesse de la salle de bains et le fait qu’elle constitue un lieu d’investissement psychologique et matériel peu commun. À partir du moment où les appareils sanitaires se développent, avec l’abandon de la toilette sèche (sous la pression des hygiénistes) et l’apport de l’eau courante, de la production domestiques d’eau chaude, le salon de bains, puis la salle de bains, suscitent un surprenant courant inventif. Ce courant est apparu au cours de la Belle Époque, vers 1880, et va se prolonger au cours de l’Entre-deux-guerres ; il inspire aujourd’hui un ensemble de créations dites "rétro". Les illustrations nous en fournissent plusieurs exemples, tant sur le plan technique que sur celui du décor, lequel touche parfois à de délirantes somptuosités. De quoi rêver. Si la cuisine équipée est un rêve de ménagère avisée, la salle de bains moderne est encore un rêve d’esthète que le rapport à l’eau rend complexe.
Le bain rituel – Le bain est-il à la source d’une éthique ? C’est bien possible dans la mesure où il n’est plus seulement lié à l’hygiène mais récupère ses vertus apaisantes, relaxantes, voire méditatives. Il suppose donc la redécouverte d’un rituel, dont le hammam, bain de vapeur, est une illustration. Ce rituel n’est pas encore véritablement inscrit dans notre habitat et notre quotidien, mais il s’est installé dans les stations thermales, les établissements de thalasso et de remise en forme qui fleurissent. L’histoire du bain n’est pas close, loin de là. L'auteur – Passionnée d'esthétique et d'histoire de l'art, Françoise de Bonnevillle est l'auteur de Rêves de blanc, une somptueuse histoire du linge de maison, également parue aux Éditions Flammarion. Elle a collaboré à la série des Décennies (Éditions du Regard), où elle rend compte de la création théâtrale, musicale et chorégraphique. Son goût pour les arts décoratifs et l'architecture s'est exprimé par ailleurs dans une monographie sur l'orfèvre le plus talentueux des années 1930, Jean Puiforcat (Éditions du Regard). |