Michel SERRES
Biogée ? Bio veut dire la Vie et Gé veut dire la Terre, comme dans Géographie. La Vie, on le sait, habite la Terre et la Terre se mêle à la Vie. De même, ce livre mélange des histoires, des légendes, des récits avec des paroles de philosophie. Biogée raconte, par exemple, comment certains marins se sauvèrent de tempêtes dramatiques, au sud de la Crête ; comment des mariniers de Garonne se tirèrent d’énormes inondations ; comment des montagnards chanceux se sortirent de crevasses mortelles et comment un gardien de phare italien dut affronter un envahissement de rats venus, par milliers, d’un bateau, où ils avaient déjà mangé tout l’équipage… Puis ce livre passe à des récits où les personnages deviennent des arbres, chênes et tilleuls, des plantes, treilles et glycines, des rivières, des chacals et même des bactéries. Les Fables, les Métamorphoses, où les personnages sont à la fois Fourmi et vieille ladre, Cigale et jeune guitariste écervelée, où, mieux encore, tel amant devient chêne ou telle amoureuse tilleul, pour que, passé leur mort, ils puissent encore, quand le vent se lève, se caresser doucement de leurs branchages… participent d’une antique tradition répétée, encore aujourd’hui, avec émerveillement et gourmandise, par quelques adultes et beaucoup d’enfants… J’ai voulu que ce livre émette les mêmes bruits, rie aux même éclats, pleure les mêmes sanglots, sonne des mêmes chants, compose la même musique, dise les mêmes récits, médite à la même profondeur que la Biogée elle-même.
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