Eau & mythologie III |
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Les principales divinités des Eaux
Apsou – Entité primordiale akkadienne personnifiant les eaux douces souterraines qui encerclent la terre, époux de Tiamat, mis à mort par Ea. L’acte fondateur du monde chez les Akkadiens est l’union d’Apsou et de Tiamat, l’Eau salée, pour donner naissance aux dieux, puis au monde. Apsou paiera de sa vie d’avoir tenté d’anéantir les jeunes dieux turbulents.
Tiamat – Entité primordiale sumérienne personnifiant la Mer tumultueuse et les Eaux salées qui, en s’unissant à Apsou, engendre les grands dieux et les créatures monstrueuses. Toute puissante et infinie est la Mer avant la création, elle ne partage son pouvoir qu’avec Apsou, les Eaux douces. Rien n’existe en dehors d’eux avant que leurs eaux ne se mêlent. Élément féminin et naturel, incarnant les flots marins, elle préexiste à la création des dieux, du monde et des hommes. Ashérat – Déesse phénicienne de la Mer et mère des dieux, parèdre du dieu suprême El à qui elle donne plus de soixante-dix enfants, mère de Baal, le dieu de l’Orage et de la Pluie. "Dame de la Mer, créatrice des dieux, maîtresse de l’abondance et de la fertilité", les surnoms d’Ashérat attestent l’étendue de ses pouvoirs. Elle incarne une justice bienveillante et garantit l’unité et l’harmonie du cosmos. Tout vient de la mer, tout y revient : la déesse symbolise la stabilité, la permanence des choses qui résistent, sans être affectées, aux plus violents orages comme aux sécheresses les plus torrides. Rien n’entame sa sérénité dans un monde travaillé par des forces chaotiques. Bons marins, les Phéniciens, qui accordaient à la mer une importance primordiale, la révéraient comme leur déesse-mère. On trouve son nom dans l’Ancien Testament, associé à Yahvé, dieu suprême du pays de Canaan.
Ea/Enki – Ea, seigneur de l’Apsou, le gouffre sur lequel repose la Terre, est le nom donné par les Assyriens au dieu sumérien Enki à partir du XXIIIème siècle avant J.-C. Fils d’Anou, le dieu du Ciel, et de Namnou, la déesse-mère, époux de Damkina, père de Mardouk (Dieu de Babylone), il est le dieu de l’Intelligence, des Eaux douces souterraines, des Sources et des Fleuves, de la Magie, seigneur de la Terre et du Sol, personnification de la Sagesse, divinité de l’Eau civilisatrice. Ce dieu rusé et ingénieux exerce la fonction technique du pouvoir. C’est toujours à lui que les autres dieux ont recours en cas de crise, car il trouve toujours la ruse, la solution pour résoudre tous les problèmes. Connu aussi sous les noms de Nudimmud, "celui dans l’affaire est de fabriquer et de produire" et de Ninshiku, il est le patron des tailleurs de pierre, des charpentiers et des orfèvres. Représenté debout avec des filets d’eau jaillissant de ses épaules, Ea est associé à l’Apsou, son royaume, qu’il a vaincu grâce à l’aide de son fils Mardouk. Il règne sur cette masse abyssale d’eaux douces entourant le monde, d’où les Mésopotamiens pensaient qu’étaient issus les précieux cours d’eaux qui permettaient d’irriguer les terres. Il personnifie l’un des éléments primordiaux, l’eau, source de vie, mais n’est pas une divinité marine. Protecteur des hommes auxquels il a donné la vie, il est aussi un dieu civilisateur, sensible aux espoirs et aux misères humaines. Il intervient à plusieurs reprises en leur faveur et tente de les sauver du déluge. Ea est également associé aux principaux rites de purification pratiqués à Sumer. Il détient des pouvoirs magiques inégalés. Il préside aux incantations et aux procédures d’ordalie réalisées par immersion dans le dieu-fleuve. Son principal sanctuaire se trouve dans la ville sainte d’Eridu, située non loin d’Ur, sur la rive droite de l’Euphrate, en basse Mésopotamie. Il se nomme "L’Apsou sur terre", car, selon certaines légendes, les eaux douces de l’Apsou déboucheraient sur terre à Eridu. Cette cité est, pour les Sumériens, la plus ancienne de Mésopotamie car la première construite après le déluge. Un culte fervent est rendu au dieu par des prêtres purificateurs appelés du nom même des serviteurs d’Ea dans l’Apsou : lahmu, enku et apkallu.
El – Terme générique signifiant "dieu", El est le nom donné par la plupart des peuples sémites à leur divinité suprême. Dieu suprême des Phéniciens, adoré par les Cananéens qui en font leur roi, incarnation du Soleil, il est à l’origine de toute forme de vie. Démiurge, "Créateur de toutes choses créées", il est l’incarnation même de la fécondité. Divinité solaire, il commande l’action et le débit des fleuves qui se jettent dans l’océan et celle du soleil sur la végétation, assurant ainsi la fertilité du pays. Il régit la succession des saisons. C’est pourquoi, lorsque ce Dieu vient à délaisser leur contrée, les Phéniciens le supplient de revenir immédiatement. Surnommé "le bienveillant" ou "le père des ans", il est maître du temps dont il régit le cours. Représenté tantôt avec une barbe blanche symbolisant la sagesse, tantôt sous la forme d’un taureau personnifiant la puissance, il est aussi appelé "dieu taureau" ou "le taureau". Il n’hésite pas à prendre les armes pour mener son peuple à la guerre. Sa demeure est située "au confluent des deux fleuves et des deux abîmes", là où les cours d’eaux rejoignent la mer. Il a pour parèdre Ashérat, déesse de la Mer, et, pour fils, le dieu Môt, dieu de la sécheresse, dont les pouvoirs mal maîtrisés sont redoutés par les humains. Incarnation de la Bienveillance, de l’Équité et de la Responsabilité, père et roi de tous les dieux, El règne, tout puissant, sur le panthéon phénicien. Il tranche tous les différents et prend toutes les décisions. Mais El doit repousser régulièrement les attaques de Baal, le puissant dieu de l’Orage, et de son fils Aleyin, dieu des Sources, des Fleuves et des Pluies, qui contestent son autorité suprême. Pour se défendre, il engendre de redoutables taureaux sauvages qu’il lance sur ses adversaires pour les terrasser. Baal succombe avant de renaître. Les deux divinités se livrent aussi un combat sans merci par leurs fils interposés, Môt, l’Esprit de la Moisson, et Aleyin, l’Esprit des Pluies, s’affrontent sans se vaincre, l’un prenant en alternance le dessus sur l’autre, pluies diluviennes et sécheresses effroyables se succèdent au rythme des saisons. Personnification de la Sagesse et de la Justice, El est la divinité tutélaire de nombreuses cités, qui se placent ainsi sous sa protection. Les hommes lui attribuent un immense pouvoir et font de lui le garant de la Souveraineté. Lorsqu’ils oublient de l’honorer, les Cananéens sont affaiblis lors des guerres. Sa popularité est aussi à l’origine de son déclin. Chaque cité cananéenne lui prêtant des attributs spécifiques, la figure du dieu perd son unité et sa force. Baal, dont le nom signifie "Le Seigneur", finit par le supplanter avant de connaître le même sort. Toutefois El ne disparaît pas tout à fait. Il réapparaît dans le panthéon hébreu et dans la Bible où il est le dieu d’Israël mais, là aussi, il s’inclinera devant le tout-puissant Yahvé.
Aleyin – Fils ou figure de Baal, né de son union avec Ashérat. Dieu des Sources, des Rivières et des Fleuves, esprit des Pluies qui favorise la croissance de la végétation, Aleyin alimente les cours d’eau. Comme Baal, son père, Ashérat-de-la-Mer, sa grand mère, Ashérat, sa mère ou Anat, sa sœur, il règne sur un élément aquatique et assure ainsi la fertilité de la terre phénicienne. Son surnom témoigne de l’importance de sa tâche : il est le "Baal de la Terre" quand son père est le "Baal du Ciel", mais aussi la "Maison de l’Eau" ou la "Maison des eaux dans la Mer". Dieu à part entière ou simple incarnation de Baal, le fils du dieu de la Pluie, et dieu de la Pluie lui-même, dispose de fonctions bien spécifiques : faire jaillir et alimenter les sources, assurer le débit des cours d’eau et veiller à ce qu’aucun ruisseau, aucun fleuve ne tarisse. Aleyin s’efforçant de mener à bien chaque jour sa mission, les hommes le considèrent comme le garant de leur approvisionnement en eau. Dans un pays aussi aride que la Phénicie où la terre, avide d’eau, s’assèche dès que le regard de Baal, la Pluie, se détourne d’elle, cette fonction est essentielle. Chacun pense que la fertilité du sol et l’abondance de la végétation dépendent du bon vouloir du dieu dont il faut gagner les faveurs. C’est une question de survie. Mais la mission et le pouvoir d’Aleyin sont fragiles car ils dépendent étroitement de l’aide et de l’attention de son père, le dieu de la Pluie. Le danger vient de son adversaire, Môt, le dieu de la Sécheresse et de la Mort, incarnation de l’aridité, qui, soutenu par son père, le puissant El, cherche l’affrontement en s’efforçant de stopper la Pluie pour assécher les rivières. Dans cette lutte acharnée et sans fin, Môt terrasse Aleyin qui, dès le retour de son père Baal, revient à la vie, les saisons sèches et humides se succédant ainsi en un cycle ininterrompu. Plein de gratitude pour son père, Aleyin est son plus fidèle soutien. Quand le Maître Baal doit affronter le redoutable Môt, Aleyin le glorifie et chante sa victoire certaine : "Il brisera Môt complètement. La force de Baal frappera de ses cornes Môt, comme les taureaux sauvages. La force de Baal déchirera Môt, comme les taureaux de Basan". Aleyin, surnommé "celui qui chevauche les nuées" bénéficie également pour accomplir sa mission de l’aide de sept compagnons dont il ne se sépare jamais. Parmi eux, sa grand-mère, la puissante Ashérat-de-la-Mer, sa mère Ashérat et sa sœur Anat, déesse de la Rosée, qui répand sur le sol la rosée, "graisse de la terre". L’activité d’Aleyin est si vitale pour l’économie phénicienne que le jeune dieu est l’une des principales et des plus populaires divinités du panthéon. Le moindre cours d’eau phénicien porte un nom lui faisant référence. Les Memnomia, monuments érigés à l’embouchure des fleuves où sont célébrés les rites funéraires, lui sont dédiés. Il est également connu et vénéré sous le nom d’Amourrou, où sa sœur, qui lui reste étroitement associée, est appelée Qadesh, "la sainte". Ils sont invoqués ensemble, en de multiples occasions, notamment lors du sacrifice destiné à "raviver l’esprit de la vigne". Sa renommée le fait adopter par les Égyptiens sous le nom de Réshep (ou Réshef). Son culte et celui de la déesse Qadesh, désormais son parèdre, sont attestés, dès le Nouvel Empire, dans les régions où vivent des prisonniers asiatiques. Initialement dieu de la Végétation et de la Fertilité, il est également considéré comme un guerrier réputé et belliqueux.
Anat – Déesse cananéenne de la Rosée gouvernant les saisons, Dame des eaux et des sources, protectrice de la fertilité, cette vierge guerrière est parfois assimilée à Ashtart (l’Ishtar babylonienne), Hathor en Égypte et à Qadesh, confondue plus tard avec Dercéto, que les Grecs appellent Atargatis, ou avec la déesse Athéna. Son culte sera introduit en Égypte par les Hyksos, en tant que parèdre du dieu Soutekh, identifié à Baal. Fille d’El, sœur et maîtresse de Baal, à qui elle voue une fidélité sans faille, elle aide son frère à s’emparer du trône suprême. Souvent représentée tenant dans ses mains un bouclier et une lance de combat, cette déesse au tempérament belliqueux et violent se garde pourtant de provoquer des conflits. Au contraire, elle apparaît surtout bénéfique. Incarnation de la Rosée qui, en se répandant, chaque matin, sur la terre aride de Phénicie apporte une humidité précieuse nécessaire à la vie, elle assure le développement de la végétation, l’abondance des récoltes, garantit aux hommes la prospérité et aux dieux la subsistance. Elle n’hésite pas à sacrifier les divinités maléfiques, comme Môt. Dans une autre légende, elle s’occupe de l’inhumation d’Aleyin et offre des sacrifices pour assurer la survie de son frère Môt dans les Enfers. |