Page 3 sur 5 VAUBAN ET LA CITADELLE
Dans un pays de faible relief, au climat humide, aux cours d’eau faciles, les eaux seront les principales auxiliaires de Vauban.
Plan d'une partie de Lille, et de sa citadelle, 18e siècle
En 1667, Lille passa sous la domination de la couronne française. La ville ne possédait alors que de vieilles fortifications, à l’exception des enceintes construites lors des agrandissements de 1603 et de 1608. Lille était alors la ville la plus puissante de Flandre, très convoitée, elle occupait une place stratégique commerciale et militaire. Ainsi pour assurer la défense de la ville, une forteresse fut alors construite, aujourd’hui plus connue sous le nom de "Reine des Citadelles". Cette appellation fut pour la première fois exprimée en 1668, lorsque le Marquis de Vauban, père de la Citadelle écrivit à Louvois alors Secrétaire d’État du roi : "Je prétends vous faire tomber d’accord […] que ce sera ici la Reine des Citadelles". Le 13 novembre 1667, les plans de Vauban furent approuvés par le roi, les travaux commencèrent le mois suivant. La citadelle fut construite aux abords de la ville, à proximité de la porte de la Barre dans les terrains les plus bas et les plus marécageux. Il ne fallut pas moins de quatre cents ouvriers le 28 décembre 1667, pour commençer à creuser les fossés. Le travail en hiver était alors difficile, car le sol était bourbeux et humide. Mille quatre cents paysans furent alors employés fin février 1668 ainsi que les soldats des régiments stationnés en ville afin de finir le creusement des fossés. Le site dont les terrains étaient peu engageants à la construction d’un quelconque édifice était stratégique. Les fossés reliaient les différents ouvrages ainsi que le corps de place, seuls des embarcations, ponts de bois, ou passerelles légères permettaient de circuler entre les différents ouvrages. Les ponts étaient en bois, afin d’être plus facilement détruits lors des invasions ennemies. Les fossés étaient que très rarement à secs et dont les niveaux étaient gérés par un jeu compliqué de vannes et de batardeaux. En cas de siège, quelques manœuvres permettaient l’inondation du sud et de l’ouest de la place de Lille. Une première manœuvre consistait à fermer l’écluse située dans la région d’Arleux, au sud de Douai. Les eaux de la Sensée refluaient alors vers la Scarpe, dont les eaux se dirigeaient vers Lille de par la fermeture de l’écluse du Fort de Scarpe en aval de Douai. Les eaux circulaient par le canal de la Deûle, creusé par Vauban, et à hauteur de l’écluse de Don, les eaux gonflaient et inondaient progressivement les terrains. Une digue d’environ 1 500 toises permettait d’inonder le sud de la ville, de la porte Notre-Dame au village Haubourdin. La troisième manœuvre consistait à inonder les abords de la citadelle, en faisant passer les eaux contenues au niveau de la porte de la Barre par des coupures ménagées dans le chemin de halage longeant la rive gauche de la Haute-Deûle. Environ mille sept cents hectares étaient en totalité inondés sous une épaisseur moyenne de cinquante centimètres d’eau. Du fait des terrains marécageux, et facilement inondables, la citadelle ne risquait pas de se faire attaquer de front en passant par la campagne, mais uniquement en passant par la ville. Cela obligeait l’ennemi à mener deux sièges consécutifs dont les pertes et les retards pouvaient être considérables et ainsi conduire à la défaite. En 1699, Vauban mena d’importants travaux au niveau du front de la Madeleine, sur une partie de l’enceinte de la ville. La citadelle était constituée d’un corps de place, où entre deux bastions se trouvait le bloc de commandement. Le corps de place de la citadelle était constitué de cinq bastions royaux liés par des courtines et accompagnés de cinq grandes demi-lunes, environnées de larges fossés profonds et remplis d’eau. Les cinq bastions portaient à l’origine les noms : le Roi, Anjou, la Reine, Turenne, le Dauphin.
Vauban, connaissait l’importance de ne pas manquer de ressource en particulier en période de siège. Il fit ainsi construire neuf puits, dont cinq, dans le bâtiment de l’État-major. L’Hôtel du Gouverneur disposait de deux fontaines. Quelques fontaines alimentées par des aqueducs souterrains permettaient le lavage corporel ainsi que le lavage du linge. Deux ou trois abreuvoirs, dont un situé dans le bâtiment de l’État-major, étaient destinés aux quatre-vingts chevaux. Le principal aqueduc permettant d’acheminer les eaux vers la place forte était le canal Vauban de deux mètres environ de diamètre. Le canal traversait le grand corps de place jusqu’à l’esplanade pour ressortir entre la rue Dauphine (aujourd’hui la rue de Jemmapes) et la rue d’Anjou et ainsi regagnait la Basse-Deûle. Afin d’assurer les vivres, la citadelle disposait d’un moulin à eau (dont l’emplacement de la roue pouvait encore être observé jusqu’en 1965) qui pouvait moudre deux cents quintaux de blé par jour, soit dix-huit mille rations journalières. La construction de la citadelle fut terminée au moyen de fonds importants et à l’aide de nombreux travailleurs (paysans, soldats "les remueurs de terre", maçons, etc.) en 1670. En dix ans, le roi Louis XIV ne visita pas moins de six fois la citadelle. La citadelle faisait alors partie de l’une des nombreuses places fortes, délimitant le "Pré-carré" conçu par Vauban comportant les vingt-huit villes fortifiées. Bien que l’édifice fût conçu pour résister à d’éventuelles attaques, ce fut à la suite de quatre longs mois de siège en 1708 lors de la Guerre de Succession d’Espagne que les défenseurs de la ville finirent par capituler. Pendant cinq ans, Lille vécut sous l’occupation hollandaise.
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