L'eau au fil du temps |
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Paris, ville des Lumières
On imagine souvent que le transport de la cours à Versailles manifestait le désintérêt du roi pour sa capitale. C'est une idée fausse. Plusieurs historiens, dont Pierre Lavedan, considèrent Colbert comme un des grands urbanistes parisiens, avec Haussmann. On lui doit, sous la direction du roi, Le Louvre, les Invalides, deux places royales, deux portes monumentales, le cours de Vincennes et celui des Champs-Élysées. Ses chantiers imprime à la ville son ordonnance classique. Mais, hormis l'installation de plusieurs fontaines, rien n'est fait pour améliorer l'accès à l'eau, sa qualité, et l'évacuation des eaux souillées. Ces questions relevaient d'ailleurs de la voirie, domaine placé sous la responsabilité du lieutenant de police, charge créée par Louis XIV et que La Reynie occupa pendant 30 ans, et du prévôt des marchands.
Ainsi, au début de la Régence, Paris est-il aussi sale qu'un siècle plus tôt et la situation ne fera qu'empirer. Il faut compter avec les "maîtres-fifis", surnom donné aux vidangeurs, corporation qui, forte d'un métier répugnant et dangereux mais indispensable, pratiquent le chantage fécal, n'hésitant pas à déverser leurs matières en dehors des voiries, et même dans les puits des propriétaires qui rechignent sur le pourboire. Le Grand Égout, collecteur principal qui allait de la Bastille à Chaillot, était devenu un immonde cloaque, refluant son contenu lors des grosses pluies, empestant tout son parcours. En 1737, on décida de le vendre aux propriétaire riverains. Avec le produit de la vente, le prévôt des marchands Turgot en fit creuser un nouveau, plus au nord, de près de deux mètres de large et presque aussi profond, mais toujours à ciel ouvert. Il fut achevé en 1740. À son point de départ, face à la rue des Filles-du-Calvaire, un réservoir alimenté par les eaux de Belleville lâchait ses 500 m3 d'eau pour le débourber. La couverture de l'égout Turgot, financée en 1771 par Joseph de Laborde, sera à l'origine d'une intense spéculation immobilière et de la naissance du quartier de la Chaussée d'Antin. Mais il s'en fallait de beaucoup que la ville soit assainie. Les étrangers de passage se transmettaient la recommandation de ne pas boire une goutte d'eau de Paris, afin d'éviter une "tourista" des plus virulentes. Les Parisiens, eux, paraissaient immunisés. Ils ne l'étaient pas vraiment, mais une double révolution s'opérait dans les esprits éclairés. Besoin d'eau pureAu cours de la seconde moitié du XVIIIème siècle, on commença à se préoccuper de la qualité de l'eau potable, évolution concrétisée par la création, en 1763, de la Compagnie des Eaux Filtrées et Clarifiées. Par ailleurs, la conception de l'hygiène tendait à se modifier. On n'en était pas à la disparition de la toilette sèche, mais le bain était en voie d'être réhabilité. En effet, le premier établissement, les bains Poitevin, apparut en 1761, sur un bateau ancré face aux Tuileries, équipé de cabines individuelles avec baignoire, où l'on pouvait prendre un bain chaud. L'objectif restait médical, mais le mouvement était lancé et l'exemple suivi par les bains Turquin, puis les bains Vigier. Ce mouvement était soutenu par des ouvrages d'information médicale, comme ceux du docteur Tissot, qui préconisaient l'usage des bains tièdes, y compris pour les très jeunes enfants. Cette révolution ne touchait que la partie la plus cultivée de la population, mais elle allait porter ses fruits, très lentement, tout au long des siècles suivants. Prélever de l'eau en abondance avait nécessité la reconstruction de la vieille Samaritaine et l'édification d'une pompe hydraulique près de Notre-Dame. Fournir une eau potable fut l'idée des frères Perier qui, en 1781, inaugurent à Chaillot la première pompe à feu, mue par deux machines à vapeur. L'eau pompée fut déclarée très salubre par la Société royale de médecine. Elle était vendue aux abonnés de la Compagnie des Eaux de Paris, société en commandite fondée en 1778, mais moins cher que l'eau livrée par les porteurs, ce qui provoqua la fureur de la corporation. Les frères Perier devenaient les précurseurs de la distribution à domicile. Leur compagnie, "nationalisée" en 1788, fournissait 210 m3 par jour, quantité assez faible, mais qui allait s'accroître. À la fin du règne de Louis XVI, Paris disposait de quatre pompes à eau, une vingtaine de fontaines, dix établissements de bains, environ 50 000 puits, 26 kilomètres d'égouts, et des projets conséquents d'urbanisme. La Révolution allait ouvrir une parenthèse, et faire dériver les problèmes de l'eau vers d'autres problèmes. .
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