L'eau au fil du temps |
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DE LUTÈCE À PARISle premier cahier d'une nouvelle série proposée par Pierre MAINH2o – octobre 2001
Les grandes cités naissent souvent d'un environnement favorable. À l'origine de Lutèce, devenue Paris, une vaste dépression, couverte de forêts, traversée par un fleuve navigable, la Seine, et ses affluents : l'Yonne, la Marne, l'Oise. Un vaste réseau qui relie le bassin aux régions qui l'entourent, selon un axe est-ouest ; œuvre de la nature. L'axe de circulation terrestre nord-sud sera l'œuvre des hommes, et c'est à leur intersection que se situera le lieu de naissance de la cité, l'île. À proximité, des marécages, des sources en abondance. L'eau ne fait pas défaut. La Seine avait deux bras
Remontons loin, très loin dans le temps. Sur un vaste plateau stratifié de calcaire, gypse, sable et meulière, entre le secondaire et le tertiaire, le fleuve a creusé deux bras. L'actuel, celui que nous connaissons, et un second, plus au nord, arc méandreux partant du pont d'Austerlitz pour aboutir au pont de l'Alma, et mouillant les pieds des collines de Belleville, Montmartre et Chaillot. Entre ces deux bras, une zone marécageuse, sensible aux crues du fleuve, profondément imbibée. Bien des siècles plus tard, lors de la crue de 1910, on s'apercevra que, malgré l'urbanisation, cette nappe souterraine demeurait réactive. En effet, les abords de la gare Saint-Lazare, que l'éloignement devait protéger, furent rapidement inondés. Sur le fleuve, là où la ville va naître, plusieurs îles se succèdent, offrant l'aspect de larges bancs de sable. Au nord et au sud, des forêts denses et giboyeuses. Des sources en quantité. Tout semble prêt, prédisposé pourrait-on dire, à l'apparition d'un habitat humain. À l'âge de la pierre tailléeLes premières traces datent du néolithique. Des générations d'agriculteurs se sont succédées à proximité des rives, d'abord nomades, puis sédentaires. Les fouilles de 1991, sur la ZAC de Bercy, ont mis à jour la présence d'un village de la période chasséenne (entre 4 000 et 3 800 av. J.-C.), établi sur la rive gauche de l'ancien bras, dévoilant un "mobilier" exceptionnel ; pirogues de bois, poteries, arcs et flèches, outils en os et en pierre. De quoi se faire une idée des activités de ces occupants initiaux : pêche, chasse (cerf, sanglier, lynx, castor), élevage (porc, bœuf), culture (blé, orge, seigle) et travail des peaux. Cet habitat primitif, dispersé sur l'ensemble du bassin, préférait les rives aux îles, trop sujettes aux inondations. Sur ce site où rien ne manque, des populations diverses vont se succéder. Après les sociétés de la pierre, viendront celles du bronze, du cuivre, puis du fer. Le trafic fluvial va devenir stratégique et nécessiter une première implantation sur la pointe de l'île principale (à l'emplacement de Notre-Dame) : le fleuve est dieu ou déesse et ceux qui en contrôlent la navigation seront les puissants du jour. |