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Dessin de tracé de fleuve

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Eau marchande
Comment l'eau courante est devenue une marchandise

Mots clés : associations syndicales hydrauliques, bassin hydraulique, eau courante, eau marchande, énergie hydraulique, houille blanche, marchandise, processus de marchandisation
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Index du dossier
1. Introduction
2. Tout est déjà joué avant les années 1960
3. Un processus de marchandisation qui s'articule en deux phases
4. À la Révolution, l'eau commence à devenir une valeur sûre
5. Les eaux courantes, facteurs du développement agricole : le cas des dessèchements
6. Le fractionnement des usages utiles : la mise en place de filières (1840-1860)
7. Au milieu du 19ème siècle, l'eau devient un outil
8. Un découpage territorial inédit : les associations syndicales hydrauliques
9. Vers la fétichisation marchande sous la IIIème République
10. L'énergie hydraulique devient un bien marchand (1880-1920)
11. Une nouvelle territorialisation : le bassin hydraulique
12. Conclusion
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Le fractionnement des usages utiles : la mise en place de filières (1840-1860)

 

De 1840 à 1850, un puissant mouvement d'idée renouvelle le discours des élites administratives et techniques sur l'aménagement des eaux. Il contribuera à accélérer le fractionnement des usages utiles des eaux courantes et leur mercantilisation.

Un triptyque : hygiène – agriculture – industrie

On assiste tout d'abord à l'élargissement du champ d'étude de l'hydraulique grâce à une nouvelle approche scientifique ; l'eau n'est plus étudiée seulement comme un fluide, mais aussi sous sa forme moléculaire et gazeuse : l'hydraulique va se scinder en trois domaines cloisonnés, cela aura par la suite des conséquences institutionnelles:

les aspects hygiénistes et thérapeutiques, préoccupation du mouvement hygiéniste essentiellement urbain ;
les usages industriels de l'eau ;
les usages agricoles.

On assiste à la mise en place graduelle d'une logique professionnelle qui définit les limites de chaque domaine, son produit, son image, sa fonction.

Les Polytechniciens prennent une part déterminante dans ce processus, car les domaines de compétences se technicisent. L'extraordinaire polyvalence scientifique et technique des ingénieurs des Ponts et Chaussées apparaît à cette occasion : parallèlement aux applications concrètes de l'hydrodynamique qui ont fait leur renommée, ils effectuent une série d'expérimentations qui leur permet d'investir l'agronomie et l'hygiène publique.

Pendant cette période, les usages des eaux courantes s'intensifient et se concurrencent provoquant des conflits d'intérêts générateurs de tensions entre les différents groupes d'usagers. En effet, la généralisation des barrages mobiles, des nouveaux moteurs hydrauliques, de l'irrigation, du captage d'eau potable pour les centres urbains, toutes ces nouvelles techniques demandent un apport d'eau de plus en plus important. Une tendance à l'autonomisation des différents usages des eaux apparaît également ; elle entraîne des rivalités d'expertise et de contrôle institutionnel.

Toutes ces rivalités déboucheront sur le cloisonnement administratif durable entre un service prestigieux doté de beaucoup de moyens qui se consacrera aux rivières navigables et flottables (celui de la navigation) et un plus modeste : celui de l'Hydraulique Agricole, chargé de gérer l'immense réseau des rivières non navigables et des ruisseaux.

Une évolution des idées

Au début du Second Empire, trois éléments vont avoir une importance considérable sur l'aménagement des eaux courantes :

L'essor des conceptions hygiénistes permet la mise en place de l'hygiène publique et du contrôle sanitaire des eaux d'alimentation ; c'est le début de la "conquête de l'eau" pour la grande masse des citadins.
Les idées productivistes Saint Simoniennes sont appliquées à l'utilisation des eaux courantes. Les propositions d'aménagement de Thomé de Gamon, utopistes pour l'époque, sont issues de ce courant. Il veut stabiliser le régime des eaux sur tout le territoire par la construction de barrages et de biefs étagés. C'est un des premiers à proposer d'appliquer le principe d'économie d'échelle en utilisant les eaux pour l'irrigation, la force motrice, le transport et l'endiguement. Son utopie est devenue réalité de nos jours.
Une nouvelle conception du rôle de la puissance publique face aux calamités naturelles apparaît à travers l'application du système assurentiel aux crues. Les inondations deviennent un risque dont il est primordial de rechercher la probabilité et la valeur de ses éventuels dommages, ce qui les fait entrer dans le champ du calcul économique. On passe de la charité ostentatoire au calcul rationnel. Cette approche reprend certains principes d'économie publique mis au point au même moment pour la navigation intérieure par les ingénieurs économistes (Navier-Dupuits). Elle préfigure le système de rationalisation des choix budgétaires et toutes les méthodes contemporaines d'analyse coût/avantage.