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Dessin de tracé de fleuve

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Naufrage de l'Erika
Fiasco TOTAL

Mots clés : Bretagne, Erika, marée noire, Total
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Index du dossier
1. Fiasco TOTAL
2. Bévues à la pelle
2. La hiérarchie des sites sensibles
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Incertitude n° 1 : L'état du navire

L'Erika avait été construit dans un acier haute résistance, un matériau utilisé dans les années 1970 puis abandonné. Pour information, ce matériau permettait d'utiliser moins de tôle et donc de gagner du poids. Mais une tôle moins épaisse nécessite un entretien méticuleux. Qu'en a-t-il été pour ce navire qui a plusieurs fois changé de mains ? Il avait néanmoins passé en bonne et due forme sa dernière révision, effectuée il y dix-huit-mois.

Bévue n° 1 : Saint-Nazaire refuse d'accueillir le navire
Samedi 11 décembre en fin d'après-midi, le commandant de l'Erika tente d'obtenir l'autorisation de gagner le port de Donges à Saint-Nazaire pour se mettre à l'abri. La demande a été repoussée par les autorités portuaires qui redoutaient un accident. Monsieur Langlois, officier du port a ultérieurement précisé à la presse que "d'une part, ce navire n'était pas attendu ; d'autre part (son) agent (ayant) indiqué que le navire était en mauvaise posture et avait des difficultés à contenir une fissure (...), il était par conséquent délicat de prendre un navire dans cette situation-là" (voir le Télégramme de Brest, édition du mardii 14 décembre).

Le navire était effectivement en "position délicate" : 10 heures plus tard, il se cassait en deux.

Bévue n° 2 : Une mauvaise appréciation du danger

"Tout doit être rapidement mis en oeuvre pour neutraliser la nappe et les risques liés à l'épave", déclarait le 14 décembre dans la presse locale (Le Télégramme de Brest), François de Beaulieu, secrétaire général de Bretagne Vivante, l'ex-SEPNB, Société pour l'étude et la protection de la nature en Bretagne (3 000 adhérents dont 200 bénévoles actifs et 47 salariés).

Dans le même temps, Christian Bucher, le porte-parole des Verts de la région de Brest affirmait : "Les moyens mis en oeuvre par la préfecture maritime ne permettent pas de faire face réellement à la catastrophe". Discours renforcé par la déclaration d'André Le Berre, président du local des pêches du Guilvinec qui estimait : "la Préfecture minimise visiblement les dangers potentiels provoqués par la rupture en deux du pétrolier", ajoutant que le risque principal était celui de pollution des zones de pêche avant celui des plages.

Dans la nuit du 24 au 25 décembre : les premières avancées de la nappe – depuis lors complètement dispersée – touchaient Belle-Ile, Groix et une bonne partie du littoral du Finistère Sud et du Morbihan. Les forces et matériels de lutte mobilisés par le plan Polmar-Terre étaient en place... beaucoup plus au sud, en Loire-Atlantique, en Vendée et en Charentes-Maritimes. Trois jours plus tard, les départements sont en train de recevoir leur part du cadeau empoisonné. Et déjà une nouvelle nappe de 10 kilomètres de long de 400 mètres de large s'est formée dans la zone de l'épave de l'Erika. Preuve que les experts de Total se sont peut-être trompés lorsqu'ils déclaraient, trois jours plus tôt que "le risque d'ne pollution imminente en provenance des deux épaves est inexistant tant que c'est l'hiver. Le produit, à 4 ou 5 degrés, est à l'état de gel. C'est comme un épais cirage qui ne coule pas". (voir l'interview de Bernard Thouilin, responsable du transport maritime du groupe Total, publiée par Le Télégramme de Brest dans son édition du vendredi 24 et samedi 25 décembre).
 

Certitude n° 1 : L'absence de moyens

"Nous ne savons pas lutter contre un énorme sinistre, pas plus qu'il y a vingt ans". Cette vérité, c'est l'amiral Naquet-Radiguet, le préfet maritime de l'Atlantique, en charge de toutes les opérations liées au naufrage, qui la rappelait. Les neuf bâtiments dépêchés sur zone à partir du 15 décembre pour pomper les premières nappes ont tout juste réussi à récupérer un peu plus de 1 000 tonnes. Et encore 1 000 tonnes de déchets mais qui ne correspondent pas à 1 000 tonnes de produit, celui-ci ayant la particularité de "se gonfler" d'eau. Donc disons : 700 tonnes de fioul, au mieux, sur les 9 ou 10 000 et quelques qui s'étaient échappées dès le naufrage.

A noter ici que c'est aussi le système installé à bord d'un navire hollandais (l'Arka) qui s'est montré le plus efficace : un mécanisme de bras écrémeurs découpant la nappe avant de l'aspirer vers les soutes. Ce qu'il faut voir, c'est que l'Arka, tout comme son "concitoyen" le Kustwach ou le remorqueur allemand, le Neuwerk, lui-même équipé de bras écrémeurs et d'une grue à godet, ainsi que les bâtiments anglais (le Bristish Shield) et espagnols (l'Alonso de Chaves et l'Ibaizabal II) n'ont pu arriver sur zone et entrer en action que le 20 décembre (à 11 heures), soit plus de huit jours après l'accident et alors même que le temps était en train de revirer au "noir". Pourquoi ? Parce que l'Europe ne s'est pas encore penchée sur la pertinence d'un dispositif commun de lutte contre la pollution.

Bévue n° 4 : L'idée d'un centre antipollution européen torpillée par Dominique Voynet en janvier 1999

Comme l'a rappelé le Télégramme de Brest (édition du 16 décembre), il y a dix ans, en 1989, le Dr Gérald Phillips, alors adjoint au maire de Brest en charge de l'environnement et de la lutte contre les pollutions, suggérait la création, à Brest, d'un centre antipollution européen permettant la mise en commun des moyens de prévention et de lutte particulièrement onéreux et une bonne coordinnation des actions. "Cette proposition était le fruit de six mois passés au sein du groupe de travail sur la pollution marine du Conseil des communes et régions d'Europe", explique M. Phillips. "Elle découlait également du savoir-faire dont venait de faire preuve la Marine nationale, le CEPPOL, le plan POLMAR, l'IFREMER, le Cedre et l'université lors de la catastrophe écologique engendrée par l'Amoco Cadiz".

Fort de l'appui du Président de la République, M. Phillips avait obtenu de Corinne Lepage, ministre de l'Environnement de l'époque, la mise à l'étude par la Direction de l'Eau de son projet. "Malheureusement, cette idée de centre a été abandonnée par Mme Dominique Voynet qui n'a pas été convaincue de la plus-value que représenterait une telle structure." La catastrophe d'aujourd'hui réactualisera peut-être l'idée et la volonté d'aller un peu plus vite dans la mise en oeuvre d'une telle politique. C'est du moins ce que l'on peut espérer.

Certitude n° 2 : L'absence de  moyens toujours

Le 27 décembre – 15 jours après le naufrage, 4 jours après l'arrivée des premières nappes sur le littoral breton – on dénombrait la mise à disposition sur le terrain de 300 hommes dans le Sud-Finistère (150 pompiers et 150 employés de la DDE, direction départementale de l'équipement) dont 60 à Groix qui s'enlise dans le goudron et 62 à Belle-Ile, et 453 dans le Morbihan (259 pompiers, 99 volontaires de la Sécurité civile et 95 militaires)...

Incertitude n° 2 : Qui est l'armateur du navire ?

La réponse du vice-amiral d'escadre Yves Naquet-Radiguet (interview publiée par le Télégramme de Brest le 28 décembre) : "Nous ne sommes en contact qu'avec son représentant et des sociétés écrans comme Panship et Tevere Shipping qui masquent sa nationalité et son identité et ne peuvent présenter de titres de propriété."


Incertitude n° 3 : Qui paiera ?

Les opérations POLMAR mer coûtent environ 1 million de francs par jour sur le budget de la Marine, ce qui au 27 décembre représentait 10 MF et quelques. Des coûts auxquels il faut d'ores été déjà ajouter ceux des opérations POLMAR terre... Mais qui ne sont rien en comparaison du pompage de l'épave (à supposer qu'il restera encore quelque chose à pomper). La Marine nationale ne sait pas faire ce type de travail. Des sociétés spécialisées ont affirmé en être capables. L'opération ne sera pas réalisée avant plusieurs mois et dépassera certainement le milliard de francs.

A cela conviendra-t-il encore d'ajouter toutes les indemnisations. Qui paiera ? Normalement et selon les conventions internationales, c'est au propriétaire du navire, c'est-à-dire l'armateur, qu'il revient d'indemniser les victimes. En plus des assurances contractées par celui-ci (et dont les garanties sont limitées), interviendra le FIPOL : Fonds international des indemnisations des pollutions par hydrocarbures, créé en 1971 et alimenté par les compagnies pétrolières (dont TotalFinal à hauteur de 10 %). Mais ce fonds ne pourra intervenir que pour un montant maximum de 1,2 milliard de francs. Et tout cela, dans quels délais ? La nature elle a déjà payé, et avec elle tous les pêcheurs de la région.

H2o arrête là son inventaire, conscient de passer sur un certain nombre d'autres bévues : confier la quasi entière évaluation de la menace à un seul centre de recherche, le CEDRE en l'occurrence ; n'organiser aucune communication de crise...  .