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Dessin de tracé de fleuve

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La Grande Inondation

Mots clés : aube, crue centennale, grands lacs de seine, île-de-france, inondation, marne, paris, seine, sequana, yonne, 1910
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Index du dossier
1. La Grande Inondation, 106 ans après la grande crue de 1910
2. L´Île-de-France particulièrement vulnérable au risque de crue
3. Grands Lacs de Seine : des lacs pour protéger la capitale
4. Rendre l´Île-de-France plus résiliente face au risque inondation

Paris sous les eaux, Olivier Campagne et Vivien Balzi

Rendre l’Île-de-France
PLUS RÉSILIENTE FACE AU RISQUE INONDATION

 

Dans le bassin de la Loire, le "plan Loire Grandeur Nature" (plan Loire) a guidé l’évolution de la gestion du risque d’inondation depuis 1994 vers une stratégie permettant de mieux vivre avec les crues, au lieu d’essayer de réduire le risque d’inondation à néant par un contrôle des cours d’eau. Ce plan fournit un cadre à des mesures concrètes qui, entre autres, soutiennent la réalisation d’études visant à mieux modéliser les grandes crues et les risques d’inondation, à réduire la vulnérabilité des populations et des entreprises aux conséquences directes et indirectes des inondations, à sensibiliser le public au risque d’inondation, et à renforcer la prévision des crues. La sélection des projets sur la prévention des inondations fait l’objet de débats dans le contexte plus large de l’utilisation de l’eau, de la protection de l’environnement, et de la préservation des activités culturelles et récréatives. Cette approche holistique reconnaît la variété des intérêts et des groupes qui attachent des valeurs différentes aux ressources du fleuve. Elle fournit en outre une structure permettant de parvenir à des compromis éclairés. La sélection des projets est notamment liée aux lignes directrices de la politique de l’eau sur la reconnaissance de la contribution des crues à la recharge des zones humides et des nappes phréatiques. Cette politique s’inscrit dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) élaboré par le Comité de bassin Loire-Bretagne, qui rassemble collectivités locales, acteurs économiques, administrations de l’État et associations, y compris des associations de protection de la nature.

Les plans "Grand Fleuve", qui ont été initiés à partir de ce premier plan Loire, permettent d’inclure les priorités du développement territorial autour des grands axes fluviaux dans les contrats de plan État-région signés périodiquement et qui ouvrent l’accès aux financements européens. Le premier plan Seine, adopté en 2007 pour couvrir la période 2007-2013, incluait ainsi la réduction du risque d’une inondation majeure de la Seine – similaire à celle de 1910 – parmi ses quatre priorités. Le plan incluait une liste de projets concrets, tel que le projet de stockage d’eau de la Bassée, et leur financement dans les domaines du contrôle de l’aléa, la réduction de la vulnérabilité ou la protection de l’environnement. Le nouveau plan Seine est en cours de développement. A contrario d’autres plans "Grand Fleuve", le plan Seine n’a pas été porté politiquement ni fait l’objet d’une communication permettant son appropriation par les acteurs du bassin. Il n’a ainsi pas pu acquérir la dimension d’un véritable cadre stratégique pour la gestion des inondations du bassin de la Seine et la prévention de ce risque en Île-de-France en particulier. Ce constat – très juste – est souligné dans le rapport de l’OCDE.

Accroître la résilience de l’agglomération parisienne à une inondation majeure de la Seine peut se baser sur un éventail de mesures et d’opportunités au niveau des territoires, dans les entreprises ou les services publics. La réflexion sur le Grand Paris doit aussi s’orienter dans ce sens. Le renforcement de la résilience des territoires peut se baser sur un aménagement raisonné et un développement urbain qui intègre le risque d’inondation à sa juste mesure. Ceci inclut la question des réseaux et des infrastructures critiques dont la vulnérabilité aux inondations est source de multiplication des effets d’une catastrophe. Plus largement c’est aussi la résilience des entreprises, des services publics et des particuliers qu’il s’agit de développer, à travers des approches de continuité de l’activité, par exemple. Tandis qu’une partie des grandes entreprises ont déjà développé ou développent actuellement leurs propres stratégies de prévention et de gestion du risque d’inondation en fonction du cadre réglementaire et des autorités de régulation (banques, télécommunications), les PME restent globalement très vulnérables et peu préparées.

De nombreuses options d’amélioration de la résilience de la métropole peuvent cependant être engagées sur la base d’une culture du risque partagée : elles nécessitent l’engagement de tous autour d’un objectif commun, et surtout une action de long terme au niveau de l’urbanisme, dans les infrastructures, et vis-à-vis des acteurs économiques, comme des particuliers.


Quartier des Ardoines 201506_cruecentennale_ardoines.jpg
VERS UNE DÉMARCHE DE RÉSILIENCE MODÈLE DANS LE QUARTIER DES ARDOINES
La résilience aux inondations est au cœur du projet de renouvellement urbain du quartier des Ardoines, situé sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine et fortement exposé à ce risque. Prévoyant la construction de 13 000 logements et l’implantation de 45 000 emplois dans la zone de l’établissement public d’aménagement Orly-Rungis-Seine-Amont (EPA ORSA), ce projet est piloté directement par l’État en tant qu’opération d’intérêt nationale. Ainsi l’EPA ORSA a souhaité que ce projet urbain intègre la résilience aux inondations. Une fois réalisé, il pourra alors servir de démonstrateur ambitieux des innovations de la résilience.
Un plan-guide a ainsi été réalisé en 2009, qui divise le quartier d’aménagement en trois zones sur un schéma en terrasse : un parc public en bord de Seine de 10 hectares construit en décaissant les berges et sur lequel les crues de période de retour 5 ans et plus s’épandraient ; une terrasse intermédiaire qui verrait habitats et activités s’installer avec une densité faible et une conception basée sur la résilience aux inondations, avec un niveau de protection cinquantennal ; une plateforme supérieure, ou les activités stratégiques, les infrastructures et équipements publics seraient protégés pour les inondations plus importantes.
Cette approche ambitieuse a néanmoins été remise en cause du fait des coûts de terrassement, et de difficultés opérationnelles. Le projet s’oriente aujourd’hui plus vers l’intégration d’objectifs de résilience des constructions et de maintien du fonctionnement en période d’inondation via un réseau viaire hors d’eau.
Renouvellement urbain et risque inondation : le plan-guide "Seine-Ardoines" – Alexandre Brun et Félix Adisson, Cybergeo, 2011

 

LE HAUT COMITÉ FRANÇAIS POUR LA DÉFENSE CIVILE a récemment mis sur pied une formation cycle court sur la préparation à la crue centennale en Île-de-France. Cette formation, qui se déroule sur une journée, vise à : sensibiliser les participants aux enjeux d'une crue et aux missions des différents acteurs intervenants en cas de crue centennale ; appréhender les notions de stratégie interne de continuité d'activité ; découvrir les éléments essentiels de la continuité d'activité en cas d'inondation majeure au travers d’un exercice pratique.
Haut Comité français pour la défense civile


Cet article ne prétend nullement à l’exhaustivité. Trois points doivent être mentionnés même s’ils sont rarement évoqués.

La crue de la Seine ne sera peut-être pas unique. Le jeudi 20 janvier 1910, alors qu’à Paris l’eau commençait à s’infiltrer dans le collecteur d’égout du pont de la Concorde et rejoignait le chantier de construction du métro Nord-Sud (l’actuelle ligne 12), Besançon s’apprêtait à subir le plus grand débordement jamais connu du Doubs. Avec ses 9,57 mètres de hauteur d’eau et ses dégâts considérables, la crue de 1910 allait ici aussi s’inscrire bien au-dessus de la précédente cote historique de 8,85 mètres relevée en 1882. En aval, mi- janvier l’Oise enregistrait une montée, d’abord lente puis rapide à partir du 23 janvier. Un premier pic de crue est atteint le 25 janvier, avant une première décrue, puis une nouvelle remontée en février et une troisième début mars. Cette simultanéité des évènements, si elle devait se reproduire, risquerait d’affaiblir les pouvoirs publics.

Par ailleurs, le dérèglement des services publics sur une longue période et l’environnement dégradé ne risquent-t-ils pas d’engendrer une insécurité accrue ? Peut-on s’attendre à une recrudescence des atteintes aux biens mais aussi aux personnes ? Enfin, à plus long terme, quels seront les effets psychologiques d’une crise de telle ampleur et leurs répercussions sur la santé mentale des populations affectées, notamment les plus fragiles ? .

 Paris sous les eaux, Olivier Campagne et Vivien Balzi

 

ResSources
H2O remercie pour leur contribution à ce dossier : la préfecture de police et le secrétariat général de la zone de défense et de sécurité (le commandant Sidonie Thomas et Sandra Masson Planchon), la DRIEE Île-de-France (Benoit Jourjon), l’IAU Île-de-France (Ludovic Faytre), l’EPTB Seine Grands Lacs (Régis Thépot) et le Haut comité français pour la défense civile (Christian Sommade et le général Serge Garrigues).

Rapports
Étude de l’OCDE sur la gestion des risques d’inondation : La Seine en Île-de-France, Rolf Alter, 2014
pdf OCDE Rapport final, 214 pages
pdf OCDE Résumé exécutif, 25 pages


Notes
Urbanisation et zones inondables : les risques encourus, Ludovic Faytre, IAU Île-de-France, Note rapide n° 557, juillet 2011
Économie francilienne : quelle robustesse face à une inondation majeure ?, Ludovic Faytre, IAU Île-de-France, Note rapide n° 534, février 2011
Zones inondables : des enjeux toujours plus importants en Île-de-France, Ludovic Faytre, IAU Île-de-France, Note rapide n° 516, septembre 2010

Ouvrages
Le jour où l’eau reviendra, 100 ans après la grande crue de 1910, Pascal Popelin, Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, 2009

Films et documentaires
1910, Paris sous les eaux, documentaire d’Éric Beauducel et Olivier Poujaud, Elka Production
Paris 2011, La Grande Inondation, film de Bruno Victor-Pujebet sur un scénario original de Bruno Portier, production Bonne Pioche.

Modélisations 3D
Simulation 3D d'une inondation centennale à Paris – IAU Île-de-France
Simulation d'une inondation à la confluence de la Seine et la Marne – IAU Île-de-France

Internet
Grands Lacs de Seine
DRIEE Île-de-France
IAU Île-de-France
Centre européen de prévention du risque d’inondation
Secrétariat général de la zone de défense et de sécurité – Préfecture de police de Paris

 

À venir
H2O invite les acteurs et opérateurs majeurs à lui transmettre leur plan de réponse en cas d'inondation majeure. La RATP, ERDF et la SEMMARIS (société gestionnaire du marché international de Rungis) ont d'ores et déjà répondu à notre invitation. Leurs commentaires et plans d'action seront rapidement mis en ligne.

Également à lire :
L'interview du préfet Jean-Paul Kihl, secrétaire général de la ZDS de Paris
Paris sous les eaux, les inondations de 1910 à Paris et dans sa région