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GRANDS LACS DE SEINE
Des lacs pour protéger la capitale
Les barrages-réservoirs ont tellement bien fonctionné depuis plus d’un demi-siècle (en l’absence aussi d’évènement exceptionnel) qu’ils ont donné aux Franciliens un sentiment d’invulnérabilité.
Pour protéger la région parisienne et les communes riveraines des inondations de la Seine et de la Marne et assurer un débit suffisant du fleuve en périodes de sécheresse quatre lacs-réservoirs ont été établis sur la Seine et sur ses affluents (l’Aube, l’Yonne et la Marne) dans des zones aux sous-sols imperméables. Cette mission, entreprise par le département de la Seine, dès les années 1930, a été poursuivie depuis 1969 par l’Institution interdépartementale des barrages-réservoirs du bassin de la Seine, un établissement public à caractère administratif qui regroupe le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis, les Hauts-de Seine et Paris. Appelée "Les Grands lacs de Seine", l’institution a été reconnue établissement public territorial de bassin en 2011.
C’est ainsi qu’a été édifié en 1949 dans le Morvan le barrage-réservoir de Pannecière et, en Champagne Humide, le lac-réservoir Seine en 1966, aussi appelé lac d’Orient, puis le lac-réservoir Marne (lac du Der-Chantecoq) en 1974, suivi enfin, en 1990, du lac-réservoir Aube (lacs du Temple et Amance). Ces quatre ouvrages ont une superficie égale à celle de Paris et une capacité totale de stockage qui correspond à la consommation annuelle en eau potable de la région parisienne, soit plus de 800 millions de mètres cubes.
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Barrage de Pannecière (sur l’Yonne) – Mis en service en 1949, le
lac-réservoir de Pannecière est le plus anciens des ouvrages gérés par
l'EPTB Seine Grands Lacs. Le barrage de type "à voûtes multiples et
contreforts", est adapté à la forme évasée de la vallée est établi sur
le courant de l’Yonne.
Canal d’amenée du lac-réservoir Marne – Mis en service en 1974, le lac
artificiel du Der-Chantecoq est le plus important des ouvrages gérés par
l'EPTB Seine Grands Lacs. En hiver et au printemps, les eaux sont
prélevées en Marne et en Blaise pour constituer une réserve pour
l'étiage. En période de crue, des prélèvements supplémentaires sont
effectués pour limiter les risques d'inondations à l'aval.
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Lac-réservoir Seine – Mis en service en 1966, le lac d’Orient repose sur
une cuvette imperméable constituée d'une formation limoneuse
superficielle et fermée par 5 digues en matériaux argileux compactés,
d'une hauteur variant de 4 à 25 mètres.
Lac-réservoir Aube – Mis en service en 1990, le lac-réservoir est
constitué de deux bassins établis en rive gauche de l’Aube : le lac
Amance et le lac du Temple, reliés par un canal de jonction de 1,5 km de
longueur. (photo EPTB Seine Grands Lacs) |
Établi sur le cours même de l’Yonne, le lac de Pannecière est un classique ouvrage de vallée fermé par un barrage en béton. Les trois autres grands lacs sont eux des réservoirs en dérivation, ce qui signifie que l’eau prélevée en amont des cours d’eau s’écoule jusqu’au réservoir par un canal d’amenée long de plusieurs kilomètres, puis qu’elle est stockée dans un lac fermé par des digues en terre compactée intégrées au paysage. Enfin, un canal de restitution permet de réalimenter la rivière plus loin en aval. Ainsi, en hiver et au printemps, pendant la période de hautes eaux et de risques d’inondation, les vannes du canal d’amenée sont ouvertes. Elles permettent le remplissage des lacs-réservoirs et le stockage des eaux, particulièrement en cas de crue des rivières en amont des ouvrages. À leur aval, les inondations ne sont pas supprimées mais les conséquences sur les dommages aux bâtiments, aux activités économiques et aux services publics s’en trouvent largement réduites lors de crues de moyenne importance. La vie quotidienne de millions de personnes en est moins perturbée. En été et en automne, quand les lacs sont pleins, quand les rivières sont au plus bas et que menace la sécheresse, les vannes du lac sont ouvertes. Les eaux s’écoulent alors par le canal de restitution ; elles sont tranquillisées par des déversoirs et viennent se jeter dans la rivière. La qualité de l’eau de la rivière est améliorée au bénéfice de la faune, principalement des poissons ; l’alimentation en eau potable en est facilitée au moment où les besoins des millions de riverains du fleuve se font le plus vivement sentir. C’est ainsi qu’en région parisienne, ces apports représentent deux à trois fois le débit naturel de la Marne et de la Seine.
L’ensemble de ces opérations s’effectue dans le cadre d’un règlement d’eau élaboré par les pouvoirs publics. À l’intérieur du cadre ainsi fixé par l’État et en fonction de la situation des rivières et des besoins du bassin, l’exploitation des barrages est le fruit d’une concertation entre les différents acteurs de l’eau : élus, administrations, agents économiques et associations.
L’EPTB SEINE GRANDS LACS est l’héritier des inondations historiques de 1910 et 1924, et de l’étiage de 1921, après lesquelles le département de la Seine s’engagea dans la construction de ces barrages. Malgré un mandat territorial étendu sur l’ensemble du bassin amont, l’objet de son action, en matière d’inondation, est destiné essentiellement à la protection de la métropole francilienne contre les aléas du fleuve, ainsi qu’à celle des zones urbaines situées en aval des lacs-réservoirs en Champagne-Ardenne et en Bourgogne. Son conseil d’administration et son financement sont ainsi assurés par les départements de la petite couronne, Paris en assurant la moitié. Disposant d’un budget de fonctionnement de près de 12 millions d’euros, l’EPTB assure la maintenance et la gestion de ces ouvrages avec un effectif de 120 agents. Son budget d’investissement est plus variable. En 2012, l’EPTB a été autorisé à collecter une redevance pour service rendu auprès des principaux usagers d’eau relative à son action de maintien des débits d’étiage. Il en attend 7,5 millions d’euros annuellement. L’EPTB s’investit parallèlement sur la thématique de réduction de la vulnérabilité aux inondations et de résilience, à travers un rôle d’animation et d’incitation des actions des collectivités locales. Dans ce cadre, l’établissement a pris la décision de proposer à l'État la labellisation d'un programme d'actions de prévention des inondations (PAPI) de la Seine et de la Marne afin de réduire la vulnérabilité du territoire francilien face aux inondations. L'objectif d´un tel engagement contractuel entre l'État et les collectivités territoriales est la mise en cohérence des actions des maîtres d'ouvrage locaux à l'échelle du bassin de risque, que l’État peut cofinancer à hauteur d’environ 40 %.
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L’EPTB Seine Grands Lacs est à l’origine d’un nouveau projet : le projet d’aménagement de La Bassée, devenu le serpent de mer de la politique francilienne d’aménagement contre les crues. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de réaménager d’anciennes zones naturelles d’expansion de crue sur le territoire de la Bassée en Seine-et-Marne, entre Bray-sur-Seine et Montereau-Fault-Yonne. Celles-ci ont été supprimées par l’activité humaine, notamment par la canalisation à grand gabarit de la Seine dans ce secteur stratégique, situé en amont de la confluence de la Seine et de l’Yonne. L’objectif de l’aménagement est d’empêcher la simultanéité d’une crue de l’Yonne avec une crue de la Seine en se donnant les moyens de retenir cette dernière quelques jours en amont de la confluence, le temps de laisser passer la première ; quelque part, il s’agirait de réguler les flots comme on régule le trafic ferroviaire (dans un cas comme dans l’autre, la voie de passage est unique). Les études ont établi que l’ouvrage de la Bassée assurerait à l’agglomération parisienne une protection correspondant au seuil à partir duquel surviennent les perturbations majeures. Ainsi, par exemple, Ivry-sur-Seine et Alfortville seraient mises hors d’eau pour une crue similaire à 1910. La ligne C du RER ne serait plus vulnérable qu’en cas de crue centennale. La commune de Monterau-Fault-Yonne serait totalement épargnée par des crues analogues à celles de 1955 et 1982. Si l’aménagement de la Bassée avait existé au XXème siècle, il aurait été actionné dix-huit fois pour une durée de huit à quinze jours, selon le cas. Reste la question essentielle du financement puisque le coût total des travaux (pouvant être réalisés par étapes) a été estimé à près de 600 millions d’euros.
C’est là évidemment le problème. Le projet a fait l’objet d’un débat public exemplaire avec les acteurs locaux (collectivités territoriales, carriers, chasseurs et pêcheurs, agriculteurs, associations naturalistes, archéologues) à l’issue duquel l’EPTB Seine Grands Lacs a décidé de poursuivre ce projet d’aménagement avec l’étude et la mise en œuvre d’un site pilote, d’un volume de stockage de l’ordre de 10 millions de mètres cubes pour un montant total n’excédant pas 100 millions d’euros.
Mais tout cela n’est encore qu’un projet – un projet qui traîne. C’est dommage car à côté de la réduction de l’aléa inondation, l’autre objectif du projet est de restaurer la zone humide de La Bassée, la plus importante d’Île-de-France, avec une longueur d'environ 90 kilomètres pour une largeur pouvant atteindre 4 kilomètres et davantage à la confluence entre la Seine et l’Yonne.
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Le projet d’aménagement de La Bassée consistera à pomper une
partie des eaux de la Seine, puis à les stocker dans des casiers
latéraux au moment du pic de la crue de l’Yonne. Il serait ainsi
possible de retenir jusqu’à 55 millions de mètres cubes d’eau. |