Autres catégories
Rêve de glace |
Dossier de la rédaction de H2o   |
|||
22/01/2011 | |||
La simulation scientifique 3D du projet, réalisée avec l'appui de Dassault Systèmes, sera présentée par ThalassaL’idée d’exploiter les icebergs pour produire de l’eau douce n’est pas nouvelle. Elle remonte aux projets de l’unité de recherche Snow, Ice and Permafrost Research Establishment, Corps of Engineers de l’armée américaine dans les années 1950. Mais c’est dans les années 1970 qu’elle prendra tout son essor, notamment sous l’influence de Paul-Emile Victor – le célèbre explorateur polaire français – de son ami et ingénieur Arts & Métiers Georges Mougin, et de leur rencontre avec le prince saoudien Mohamed al-Fayçal. C’est après avoir lu dans la presse un article relatant la tentative d’un capitaine de remorquer un petit iceberg avec son bateau que le prince imagine l’impensable. Des icebergs pour le désert, l’idée est née. Désireux de trouver des solutions aux carences en eau douce de sa région, al Fayçal visualise déjà la scène : un iceberg, remorqué par la voie maritime jusqu’aux larges de ses côtes, pour servir de réservoir d’eau naturel. En 1976, il finance la création de la société Iceberg Transport International Ltd, dont Georges Mougin assurera la direction technique. Ensemble, en 1977, ils organisent le premier congrès international sur l’utilisation des icebergs, qui réunit à la Iowa State University, aux États-Unis, quelque 200 participants dont des ingénieurs, des scientifiques et des militaires. Peu ont encore besoin de faire la preuve de leur expertise dans leur domaine et pourtant, les idées évoquées pour exploiter les icebergs semblent toutes plus folles les unes que les autres. Remorquer un iceberg ? Quel bateau présente alors une puissance de traction suffisante ? D’autres imaginent greffer sur les icebergs des systèmes de propulsion pour les transformer en véritables navires de glace, autopropulsés et dirigeables. Des moteurs standards ? Certainement pas. Des systèmes de roues à aubes ? Pourquoi pas, mais quelque "inventeurs fous" vont jusqu’à imaginer des systèmes osmotiques, utilisant la différence de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce qui fond de l’iceberg pour créer de l’énergie, tandis que d’autres leur préfèrent des systèmes thermiques reposant sur la différence de température entre l’eau fondue et l’eau de mer. Mais qu’en est-il des risques de fonte pendant le trajet ? Comment les réduire ? En emballant l’iceberg ? Difficile d’imaginer un sac isotherme de la taille d’un iceberg, mais qui sait ce que la technologie peut réserver. D’autres reviennent à la base même du projet et soulignent notre méconnaissance des icebergs, de leur nature, des risques de fracture qu’ils présentent. Et s’il fallait commencer par là : quel iceberg sélectionner ? De quelle taille ? De quelle forme ? À quel endroit le récupérer ? À quelle date ? Comment envisager les conditions climatiques pendant le transport ? Comme pour l’agriculture, il existe des saisons pour la récolte des icebergs, nous annoncent les glaciologues. Si la conférence génère un débordement d’enthousiasme, elle devient aussi le lieu de tous les doutes. Chacun y apporte ses idées, qui reposent essentiellement sur un mélange de théorie et d’intuition. Les problématiques techniques en jeu sont complexes et à la croisée des disciplines, et les expérimentations nécessitent des budgets importants et des technologies qui n’existent pas encore. Quel que soit le sujet, le consensus entre experts est difficile à trouver. Dans les années qui s’ensuivirent, l’exaltation s’est alors doucement estompée et les brillants esprits se sont réorientés vers d’autres projets. Plus réalistes, moins polémiques, moins coûteux. En 2009 Dassault Systèmes a proposé à Georges Mougin et François Mauviel, porteurs du projet d’exploitation d’icebergs de réexaminer le projet à l’aide des technologies de simulation et des mondes virtuels 3D. Peut-être les outils qui leurs manquaient…
Rêve de glace… ou à vous glacer le sang. |