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Dossier de la rédaction de H2o   |
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05/03/2025 | |
"Notre fumier est or" écrivait Victor Hugo dans Les Misérables, regrettant que l'on "balaye à l'abîme" les urines. Un siècle et demi plus tard, le tout-à-l'égout et les stations d'épuration ont banalisé le rejet de nos déjections. Pourtant, l'or jaune pourrait bien devenir l'engrais de demain… Fabien Esculier, chercheur au laboratoire LEESU (Laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains – ENPC), coordonnateur du programme de recherche et action OCAPI (Optimisation des cycles Carbone, Azote et Phosphore en ville) a été l'invité de l'émission La Terre au carré de France Inter. Sur une année, l'urine d'une seule personne peut fertiliser l’équivalent de 500 m2 de cultures. Le réemploi des urines humaines est également un sujet de souveraineté très fort du point de vue agricole et alimentaire mais également au regard de notre indépendance face aux énergies fossiles. L’autonomie de la France en azote est d’à peine de 10 % et, depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine en 2022, les prix de l’azote ont été multipliés par trois ou quatre, fragilisant les fermes installées en conventionnel. Mais il y a aussi urgence pour le phosphore dont la pénurie est annoncée d’ici à 2030. Enfin, les économies d’eau et d’énergie seraient indéniables car le coût du traitement des eaux usées est considérable. Lancé en 2015, OCAPI, est l’un des premiers programmes académiques dédiés à la valorisation des matières fécales et des urines pour en faire de l’engrais. Ce programme expérimente la fertilisation au lisain sur des parcelles de blé, à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) et travaille en lien avec une boulangerie qui produit du pain et des biscuits Biscodors avec leurs récoltes. Parallèlement, la collecte des urines se développe progressivement : "La séparation à la source dans la gestion des excrétions humaines a connu un important développement ces dernières années. Elle se déploie à de multiples échelles et dans des contextes très variés, depuis les microfilières citoyennes jusqu’à l’échelle de quartiers entiers, comme dans l’opération Saint-Vincent-de-Paul en construction à Paris, où la collecte de l’urine de l’intégralité du quartier, et sa transformation en engrais, est prévue." Toutefois, note le chercheur, le déploiement à plus grande échelle rencontre encore de nombreux freins : d’abord, une méconnaissance du problème et des alternatives ; ensuite, des coûts d’apprentissage, et organisationnels et un déplacement des légitimités. |