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Base de données inédite pour le traçage des pesticides dans l’environnement

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
17/05/2024

Inédite, la base de données internationale ISOTOPEST doit permettre de traçage des compositions isotopiques de pesticides dans les milieux naturels. Disponible en ligne et en accès libre depuis mars, la base de données référence déjà plus de 650 compositions isotopiques. Elle est destinée à être enrichie au fur et à mesure par d’autres formulations de pesticides au niveau mondial. Issue du projet ANR DECISIVE impliquant trois laboratoires français – l’Institut Terre et Environnement de Strasbourg (ITES-EOST), le Laboratoire de Chimie de l’Environnement (LCE) de Marseille et l’UMR Agroécologie de Dijon – ISOTOPEST est le fruit d’une étude menée par Jérémy Masbou, enseignant-chercheur de l’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg (ENGEES) à l’lTES. L’étude valorise la mesure isotopique, la plus fiable pour analyser le niveau de pollution aux pesticides dans le temps. Le caractère inédit et l’avancée qu’elle représente dans la lutte contre la pollution aux pesticides à l'échelle mondiale, lui a valu d’être publiée dans la revue scientifique de référence de la chimie environnementale Chemosphere.

Détecter les métabolites contaminants les circuits d’eau potable – Actuellement, les fournisseurs d’eau font face à un sérieux problème de contamination aux métabolites dans les captages d’eau potable. Ces métabolites sont des sous-produits de pesticides appliqués lorsqu’ils se dégradent avec le temps. Il est important de surveiller tant le pesticide appliqué initialement, que ces sous-produits issus de dégradation, parfois tout aussi néfastes et persistants. Lorsque la molécule se dégrade, des liaisons atomiques vont se rompre et cela va impliquer une modification propre de la composition isotopique présente dans les substances actives de pesticides dégradés. Une confrontation des compositions isotopiques des pesticides initialement appliqués et de ceux retrouvés dans l’environnement permet donc d’identifier et de quantifier les mécanismes de dégradation dans l’environnement. Une information cruciale pour évaluer la persistance de ces substances. "Si on prend l’exemple du Glyphosate. Il se dégrade vite, change de forme vers une autre molécule (Ampa). Pendant longtemps, on ne savait pas détecter ces molécules filles. La mesure isotopique permet d’orienter la recherche. On va pouvoir savoir si c’est un pesticide appliqué il y a longtemps, et de quelle manière il s’est dégradé pour aller directement rechercher les sous-produits potentiellement nocifs", explique Jérémy Masbou.

L’étude du laboratoire ITES a porté sur l’identification des formules isotopiques initiales de 120 pesticides. "Il n’a pas été aisé de faire cette récolte d’échantillons de pesticide, confie le chercheur, nous avons finalement pu accéder au principal distributeur alsacien pour collecter la grande majorité des 120 pesticides commercialisés provenant de 23 fabricants différents, afin d’extraire la formulation et analyser la composition isotopique." Le chercheur a ainsi travaillé en étroite collaboration avec le Comptoir Agricole d'Alsace, la ferme expérimentale du domaine d'Époisse (INRAE Bourgogne Franche-Comté) et le lycée agricole de Rouffach (EPLEFPA Les Sillons de Haute Alsace Rouffach). Un travail statistique a montré que peu importe la marque de pesticide appliquée, la composition isotopique initiale et des sous-produits variait très peu. Ce qui facilite grandement les analyses.

Vers une analyse systématique des zones de captage d’eau potable ? Incluant un stockage des formulations à long terme, la banque ISOTOPEST permet aussi de garder une mémoire des formulations appliquées et de soutenir les avancées analytiques futures. "On aimerait que, grâce à cette base, les mesures isotopiques soient systématisées au niveau des captages d’eau par exemple. Mais pour l’instant, c’est encore trop pointu, il faut une instrumentation spécifique de spectrométrie de masse avancée. Nous avons cependant un projet de startup pour proposer des prestations d’analyse isotopique aux gestionnaires de l’eau", annonce Jérémy Masbou.

En attendant, le chercheur et son équipe travaillent avec l’Agence de l’eau Rhin-Meuse pour l’analyse isotopique de la Souffel, rivière alsacienne, avec un ciblage sur le métolachlore, un pesticide très abondant en Alsace.

Communiqué