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Dossier de la rédaction de H2o   |
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23/10/2010 | |
Nicolas Sarkozy s'est rendu le 21 octobre en Eure-et-Loir où la situation de l’eau est catastrophique avec aujourd’hui 40 000 personnes qui sont desservies en permanence avec une eau "potable" non conforme à la réglementation, sur les critères nitrates et pesticides. La situation d’urgence sanitaire est telle qu’il faut procéder à la fermeture des captages affectés par ces pollutions, au raccordement des réseaux et, éventuellement, aux traitements. Le Président de la République a annoncé que "les agences de l’eau ont accepté de participer au financement de ces travaux". Or, les investissements pour traitements curatifs, ne font pas partie des interventions des agences de l’eau ! "L’annonce du Président de la République est inquiétante car les agences de l’eau ont précisément pour mission d’agir en amont, par des mesures préventives. C’est ailleurs qu’il faut aller chercher les ressources financières pour traiter l’urgence", indique Cyrille Deshayes, responsable Eau douce au WWF-France. Selon WWF-France, le président départemental du syndicat agricole FDSEA 28, a réclamé une "pause environnementale". Parallèlement le maire de Châtillon-en-Dunois, agriculteur, a demandé une aide de l’État pour financer les opérations curatives dans le département dont le coût est estimé à 100 millions d’euros sur dix ans pour réaliser les interconnexions, et à 200 millions sur vingt ans pour le renouvellement des canalisations. Les élus ruraux, dont 25 % sont des agriculteurs dans ce département, estiment en effet qu’ils ne sont pas en mesure de payer la note. "La profession agricole fait preuve d’irresponsabilité : elle ne veut pas modifier ses pratiques agricoles intensives catastrophiques pour la ressource en eau et demande en même temps aux Français de payer la facture ! Le Président de la République semble leur emboîter le pas : après avoir annoncé un moratoire sur les obligations environnementales fin août, il demande aux agences de l’eau de mener des actions curatives alors que leur mission est de financer la reconquête de la qualité des eaux brutes", dénonce Cyrille Deshayes. La situation de l’Eure-et-Loir est emblématique, puisque ce département héberge la plus grande partie de la Beauce, qualifiée de "grenier à blé" de la France voire de l’Europe. Aujourd’hui la quasi-totalité des nappes phréatiques du département est gravement affectée par une pollution chronique de pesticides et de nitrates majoritairement agricoles. Cette situation n’est pas le fait du hasard : ce département reçoit plus de 150 millions d’euros par an d’aides de la Politique agricole commune pour soutenir le secteur céréalier, utilisateur massif de nitrates et de pesticides. "Sans subvention, leur mode de production serait intenable en raison du coût des intrants (pesticides, nitrates notamment) dont ils ont massivement besoin. On peut dire que c’est à l’aide de l’argent du contribuable que les eaux de ce département sont contaminées puis… décontaminées. L’Etat ne joue pas son rôle de garant des deniers publics !" explique Isabelle Laudon, responsable des Politiques européennes au WWF-France. "L’annonce d’un moratoire sur les obligations environnementales en matière agricole par le Président de la République est dans ce contexte particulièrement inquiétante : à l’heure où la Commission européenne s’oriente vers plus d’environnement dans la future PAC, une telle déclaration ne prépare pas l’avenir des agriculteurs français et ne traduit pas une volonté du gouvernement de mettre fin à l’incohérence entre les politiques publiques de l’eau et celle de l’agriculture", conclut Serge Orru, directeur général du WWF-France.
Gestion de l’eau en France et politique agricole : un long scandale d’État |