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France, Rhône-Méditerranée Corse |
Dossier de la rédaction de H2o   |
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10/06/2020 | |
La sécheresse estivale pointe cette année encore. Comme en 2019, les indicateurs sont au rouge sur une partie de la France, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes et en Bourgogne-Franche-Comté : débit des rivières, recharge des nappes, humidité des sols… sont par endroits particulièrement bas. Cette situation où l’eau manque l’été devient récurrente et risque de s’amplifier avec le changement climatique. Pour prévenir les crises de l’eau et les conflits d’usage, le principe qui prévaut aujourd’hui est d’anticiper la raréfaction de la ressource et de s’y adapter. La stratégie et les mesures à prendre sont connues et déjà engagées : en priorité, organiser le partage de l’eau entre les usagers à l’échelle des territoires, économiser l’eau au maximum, mobiliser les solutions fondées sur la nature, et si besoin, développer les ressources alternatives et de substitution. L’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée Corse mobilise son expertise et ses financements pour aider les acteurs de l’eau à agir au bon endroit, au bon moment. Les tensions sur la ressource en eau sont déjà là et cette situation devrait s’aggraver : d’ici 2070-2100, les experts du climat estiment que les ressources en eau se feront plus rares, avec une baisse de l’ordre de 10 % à 50 % de débit d’étiage pour les grands fleuves français et jusqu’à moins 30 % pour le niveau des nappes. Notre capacité à anticiper est donc majeure et urgente pour éviter que les sécheresses récurrentes mettent les usagers en conflit sur les territoires. Sur le bassin Rhône-Méditerranée, l’enjeu est de desserrer collectivement les tensions et identifier les marges de manœuvre pour un partage équilibré de la ressource, dans le respect du bon fonctionnement des milieux aquatiques. Si l’exercice est compliqué, l’expérience du bassin montre qu’il est possible et bénéfique : sur les 72 secteurs déficitaires en eau identifiés fin 2015, 56 ont désormais un Plan de gestion de la ressource en eau (PGRE) adopté. Construits en concertation entre l’ensemble des usagers d’un même territoire, ces plans visent à garantir un partage équilibré entre les besoins des différents usages (eau potable, irrigation, industrie…) tout en laissant un volume d’eau suffisant dans les rivières et les nappes pour leur bon fonctionnement et leur bon équilibre. Des règles de partage de l’eau sont définies (répartition par usage et type d’usagers) et un programme d’actions mis en place. À la suite des Assises de l’eau, le gouvernement a souhaité amplifier et généraliser cette méthode en demandant partout où c’est nécessaire la réalisation de projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Quand la tension sur la ressource en eau s’accroît, il faut commencer par résoudre les problèmes de gaspillage et développer des usages moins consommateurs en eau. Les économies d’eau représentent 80 % des actions prévues par les PGRE. En 6 ans, 260 Mm3 ont ainsi été économisés, en partie grâce à des travaux de lutte contre les fuites dans les réseaux d’eau potable. Mais c’est le secteur agricole qui contribue le plus à ces économies d’eau, en particulier par des actions de lutte contre les fuites sur les canaux d’irrigation. Le contrat du canal de la Robine dans l’Aude établi avec les associations d’irrigants du secteur et le syndicat mixte du bassin-versant de l’Aude et soutenu par le Département de l’Aude, la Région Occitanie, l’Agence de l’eau et l’Europe en est un bon exemple. Grâce à la modernisation du réseau d’irrigation, une économie d’eau de 3 millions de mètres cubes par an est réalisée, dont 1,3 à l’étiage. Pour ce faire, 27 kilomètres de réseaux et une station de pompage de 1 500 m3/h ont été construits afin d’alimenter sous pression 900 hectares de vignobles et de grandes cultures maraîchères. L’agence de l’eau a financé ce projet à hauteur de 1,3 millions d’euros Le deuxième levier d’actions pour limiter les tensions sur la ressource est de recourir aux solutions fondées sur la nature. La préservation des zones humides est majeure pour le bon fonctionnement et la résilience des milieux connectés. En période de fortes pluies, les zones humides retiennent l’eau en excès dans le sol. Et en période de sécheresse, elles peuvent restituer cette eau et aider ainsi à recharger le niveau des nappes et soutenir les débits d’étiage des rivières. Retenir l’eau dans les sols est une autre voie d’adaptation. C’est possible par exemple en désimperméabilisant les sols pour rendre les villes perméables. Lorsqu’il pleut, l’eau peut ainsi s’infiltrer là où elle tombe ce qui contribue à recharger la nappe. Les solutions sont simples (noues, jardins de pluie, chaussées drainantes). Ces investissements sont aussi l’occasion de redessiner l’espace public, en améliorant les cadres de vie et en ramenant la nature dans les villes. Une voie d’avenir consiste également à réutiliser les eaux non conventionnelles comme les eaux usées traitées et les eaux de pluie pour en faire des ressources alternatives, dans le respect évidemment des normes sanitaires. Si les économies d’eau ne sont pas suffisantes pour résorber le déséquilibre au niveau d’une rivière ou d’une nappe, des projets d’équipement mobilisant des ressources de substitution peuvent également être envisagés (ouvrages permettant de déplacer les prélèvements dans le temps, par la création de retenues, ou dans l’espace, par transfert). C’est le troisième levier d’actions pour faire face au manque d’eau. Au cours des 6 dernières années, une quarantaine d’ouvrages de ce type a été financée par l’agence de l’eau en lien avec les PGRE pour un volume global substitué de 33 Mm3 et 214 millions d’euros de travaux. Une vingtaine de ces ouvrages sont au bénéfice d’usages agricoles, aidés généralement à plus de 80 % de subventions cumulées. Par exemple, le PGRE des affluents du lac du Bourget prévoit de créer trois retenues collinaires pour offrir des solutions aux agriculteurs en période d’étiage tout en réduisant les prélèvements dans la nappe. La construction d’un réseau de transfert de l'eau puisé dans le lac du Bourget pour l'amener sur les hauteurs d'Aix-les-Bains est aussi en cours. Ce sont plus de 700 000 mètres cubes d’eau qui ne seront ainsi plus prélevés sur trois sources en tension en période d’étiage. |