Une sélection à la tête du client ? s'inquiète FNE
La
France vient d’être mise en demeure par la Commission européenne au
sujet du renouvellement des concessions hydroélectriques. En cause, le
retard pris dans la mise en concurrence des candidats à la reprise de
ces concessions, pourtant demandée depuis 2008. France Nature
Environnement – FNE, s’inquiète non pas tant de cette mise en demeure,
mais plutôt des modalités de mise en concurrence à venir, dans un
contexte où la possibilité d’atteindre le bon état des cours d’eau
français exigé par la directive européenne sur l’eau (DCE) reste
hypothétique.
Ce bon état est pourtant largement conditionné par la
morphologie des cours d’eau (hydromorphologie), façonnée par le
transport et le dépôt de sédiments. Or, compte tenu de leur état actuel,
et en particulier de leur dégradation morphologique et de la
perturbation de leurs débits, il apparaît nécessaire de préserver les
rares cours d’eau encore en état et d’essayer de restaurer ceux,
nombreux, déjà impactés. Pour FNE, le renouvellement des concessions
hydroélectriques devrait être une opportunité à saisir pour restaurer
les cours d’eau, dans une démarche de modernisation des équipements
électromécaniques, de turbinage des débits réservés, de l’adaptation à
l’augmentation de la production d’électricité variable mais aussi de
limitation des impacts sur le milieu naturel. En effet, augmenter les
débits réservés, limiter la fréquence, le volume et la vitesse
d’éclusée, restaurer la continuité sédimentaire et écologique pour
permettre la remontée des poissons notamment les grands migrateurs comme
le saumon ou l’anguille, sont autant de défis à relever pour redonner
vie aux cours d’eau.
Pour cela, il est nécessaire que
l’environnement naturel soit considéré comme prioritaire parmi les
critères définis pour le choix des offres de renouvellement. Une gestion
de l’eau intelligente demanderait que la concurrence entre les
candidats soit véritablement ouverte et transparente sur ce critère. Les
études d’impact environnemental doivent bien être réalisées avant
l’appel d’offre afin que tous les candidats disposent des mêmes
contraintes. Cependant, la procédure actuellement envisagée par la
ministre de l’Écologie ne laisse rien présager de bon pour
l’environnement : sélection des candidats laissée à l’appréciation
discrétionnaire de l’État et/ou des élus sans consultation du public sur
ce choix, multiplication des critères et des intérêts notamment locaux,
limitation de la concurrence avec les prolongements de concession.
Dénoncées par FNE, ces modalités de sélection ne permettront pas à la
France d’atteindre le bon état des eaux.
Pour Jacques Pulou, membre
du directoire du réseau Eau et milieux aquatiques de FNE et référent sur
les questions liées à l’hydroélectricité, "le renouvellement des
concessions hydroélectriques ou la création de concessions
hydroélectriques nouvelles posent le problème de la confidentialité des
projets répondant à un appel d’offre, confidentialité qui ne permet pas
au public de se prononcer entre les divers projets portés par chaque
compétiteur à l’appel d’offre. Dans le cas des concessions
hydroélectriques, cette opacité est accrue par le fait que l’arbitrage
entre énergie et environnement se passe au sein du même ministère. On
risque donc de laisser passer cette occasion unique d’améliorer
l’hydromorphologie des cours d’eau français, pourtant identifiée comme
l’un des deux principaux paramètres restant à traiter après 2015 pour
atteindre le bon état écologique sur le bassin Rhône-Méditerranée
notamment."
Bernard Rousseau, responsable des politiques Eau à FNE rappelle : "Alors
que les nouveaux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des
eaux (SDAGE) pour la période 2016-2021 sont en passe d’être adoptés dans
chaque bassin, que l’ambition ministérielle trouve sa traduction dans
une loi sur la biodiversité, voir la ministre capituler dans les
rivières aujourd’hui reviendrait à accréditer cette revendication : "Recherche
désespérément ministère de l’Environnement !". Le contexte de
changement climatique ne permet pas une telle ignorance de la nature."
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