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Dossier de la rédaction de H2o   |
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12/09/2024 | |
Le verdict est tombé le 10 septembre au tribunal judiciaire d’Épinal : après des années à alerter sur les prélèvements d’eau astronomiques et sans autorisation de Nestlé Waters Supply Est, les associations n’ont pu qu’assister à l’homologation de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) par le président du tribunal. Les sanctions sont faibles face à l’ampleur des délits de Nestlé et le préjudice écologique qui n’est toujours pas défini précisément ni réparé. Tout a commencé en 2016 lors d’une réunion du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) où Jean-François Fleck, de Vosges Nature Environnement, a découvert que plusieurs forages de l’entreprise n’étaient pas autorisés. À la suite de plusieurs échanges avec les services préfectoraux des Vosges, cinq associations déposaient plainte en 2020 : l’Association de sauvegarde des vallées et de prévention des pollutions (ASVPP), France Nature Environnement (FNE), Lorraine Nature Environnement (LNE), UFC Que Choisir et Vosges Nature Environnement (VNE). Après un classement sans suite prononcé par le procureur d’Épinal en 2020, les associations ont formé un recours auprès du procureur général de Nancy qui a choisi de transiger avec Nestlé par cette procédure de CJIP et de lui imposer certaines obligations. Si ces dernières sont exécutées, le procès pénal est évité. Cette procédure considère souvent insuffisamment les préjudices et les victimes, estiment les associations : certes une indemnisation était demandée, mais c’était bien la réparation de l’impact écologique qui devait être effective. Les associations ont vainement cherché à faire réaliser une étude sur l’impact des prélèvements. Les autorités publiques ne les y ont pas aidées… En final, Nestlé est condamnée au paiement d’une amende d’intérêt public peu dissuasive d’une valeur de 2 millions d’euros soit seulement 1 % de son chiffre d'affaires annuel. Pourtant le code de l’environnement prévoit pour cette procédure que "le montant de cette amende est fixé de manière proportionnée, le cas échéant au regard des avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements." Une expertise est prévue pour connaître l’impact hydrogéologique des prélèvements illégaux, mais avec un budget limité de 100 000 euros. Les associations restent sceptiques quant à cette mesure. Réclamée depuis 2016, les autorités font miroiter depuis 4 ans une étude "en cours de réalisation" par l’Observatoire de l’eau dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE). L’expertise prévue par la convention est également confiée à cet observatoire, et ce alors même que les associations n’ont aucune connaissance du cahier des charges prévu. Si cette CJIP est d’une importance cruciale pour Nestlé Waters, lui évitant un nouveau procès médiatique, les associations ne s’avouent pas vaincues. Elles seront vigilantes quant à l’effectivité des mesures de cette CJIP. Nestlé Waters dispose d’un délai de 2 ans à compter de la notification de cette convention pour mettre en place l’ensemble de ces mesures, sans quoi l’action publique ne pourra s’éteindre. Enfin, la lutte ne s’arrête pas là pour les associations qui rappellent qu’il ne s’agit pas de défendre l’environnement de façon abstraite, mais bien de protéger l’intérêt des usagers face à une privatisation protégée de la ressource en eau. |