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Rhône #1 |
Dossier de la rédaction de H2o   |
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25/06/2024 | |
Alors que le réchauffement climatique rend de plus en plus stratégique la réserve d’eau du Léman, la France tente aujourd’hui de renégocier un accord datant du XIXe siècle, qui octroie à la Suisse la gestion de la régulation du niveau du lac. Il faut remonter à 1884 pour comprendre les origines de la gestion actuelle des eaux du lac Léman. À cette date, les trois cantons suisses de Genève, du Valais et de Vaud signent un accord pour réguler l’écoulement du lac Léman et ses variations de niveau. À cette époque, l’enjeu est avant tout de dompter les eaux, pour éviter les crues et les inondations. La France, qui possède pourtant 40 % de la superficie du lac, ne figure pas parmi les parties prenantes de l’accord. Elle est également absente, cent ans plus tard, lors de la signature en 1984 d’un nouvel accord entre les trois cantons, prévoyant notamment la construction du barrage du Seujet, qui laisse donc la Suisse seul maître à bord pour le pilotage du lac. "La France s’est longtemps accommodée de cette situation, car la Suisse payait les infrastructures et s’occupait de la gestion, observe Christian Bréthaut, professeur spécialisé sur les questions hydro-politiques à l’Université de Genève. Et en 1984, la Suisse, qui n’avait pas forcément envie de donner les clés de la gestion du lac, n’a pas non plus beaucoup poussé pour intégrer la France dans les négociations." Si aucun accord franco-suisse n’existe aujourd’hui pour gérer le fleuve, les deux pays s’entendent de longue date sur la question de la production d’hydroélectricité, gérée par les Services industriels de Genève (SIG) et la Compagnie nationale du Rhône (CNR), les deux concessionnaires du fleuve. Un accord spécifique conclu entre les deux pays attribue également à la France, et en particulier à EDF, un droit de tirage de 85 millions de mètres cubes d’eau dans le Léman, sur les 89 milliards de mètres cubes du lac, pour compenser un détournement des eaux françaises qui rejoignent le canton du Valais, après être passées par le barrage d’Émosson. Mais, au printemps 2011, une première alerte est venue remettre en question ce fonctionnement ancestral. À la sortie d’un hiver peu enneigé, et alors que la côte du Léman est inférieure à son seuil habituel, le canton de Genève décide sans consultation préalable de réduire le débit sortant côté français, obligeant la centrale nucléaire du Bugey, de réduire sa production. La question de la gestion transfrontalière était mise pour la première fois sur la table au niveau diplomatique. Elle sera ensuite évoquée par François Hollande en 2015, puis par Emmanuel Macron, en novembre dernier. Prenant sa source dans les entrailles du glacier du Rhône, sur les hauteurs du canton du Valais, le fleuve, comme le Léman, souffre à de multiples égards des dérèglements du climat. Il fait déjà face à une baisse de son débit d’étiage depuis les années 1960, de 7 % à la sortie du Léman et de 13 % à Beaucaire, en Camargue, selon une étude de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée Corse, parue en 2023. D’après les estimations, le débit d’étiage dans la partie sud du fleuve pourrait encore baisser de 20 % à l’horizon 2050. Réclamée par la France depuis 2015, l’ouverture de négociations entre les deux pays a été acceptée par la Suisse en août 2023, L’accord, annoncé initialement pour la fin 2023, est toujours en cours de discussion. Sandy Plas, Le Figaro – 24 juin [accès réservé] |