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Canada – Québec |
Dossier de la rédaction de H2o   |
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06/10/2021 | |
Après des années de controverses et l’impossibilité de démontrer un véritable potentiel d’exploitation pétrolière et gazière au Québec, le gouvernement Legault songe sérieusement à faire une croix sur cette filière en mettant un terme aux projets sur tout le territoire de la province. Une décision qui pourrait coûter plusieurs dizaines de millions de dollars à l’État, puisque l’industrie évoque déjà la possibilité de réclamer des compensations qui incluraient les revenus perdus. "On regarde tous les scénarios, tout est sur la table, dont l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation", a indiqué le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN), Jonatan Julien, dans le cadre d’un point de presse à l’Assemblée nationale. Ce dernier a toutefois refusé de s’engager formellement à aller de l’avant. "Actuellement, tout ce qu’on fait, c’est analyser les différents scénarios pour voir si on doit modifier la loi. C’est sur la table et nous avons certaines intentions d’aller vers là." Avant de statuer sur la suite des choses, le gouvernement Legault attendra le jugement dans une cause qui l’oppose à Gaspé Énergies. Cette entreprise conteste en justice le refus du gouvernement de lui accorder un permis de forage pour le projet Galt, un projet ironiquement détenu à 17 % par Investissement Québec (18,4 millions de dollars). Elle exige en fait de pouvoir forer un puits pétrolier en Gaspésie, et ce, même si celui-ci se trouve à moins de 1 000 mètres d’un milieu hydrique. Or, la Loi sur les hydrocarbures l’interdit, à moins que le gouvernement le juge sécuritaire. Jonatan Julien estime que la décision de la Cour dans cette affaire sera déterminante. Le ministre n’a pas voulu non plus s’avancer sur les coûts pour l’État québécois, en cas d’arrêt définitif de tous les projets. La décision pourrait impliquer de multiples dépenses : compensations à verser aux entreprises, fermeture définitive des puits considérés comme étant "fermés temporairement", restauration des nombreux sites d’exploration (dont certains sur des terres agricoles), surveillance des puits forés qui connaîtraient des fuites, etc. Pour le président de l’Association de l’énergie du Québec, Éric Tétrault, il est évident que les entreprises qu’il représente seront en droit de réclamer des compensations si le gouvernement leur fermait la porte. Il estime d’ailleurs que celles-ci ne se limiteraient pas aux investissements effectués, mais pourraient aussi inclure le manque à gagner. L’industrie est cependant pratiquement à l’arrêt depuis plusieurs années, malgré l’adoption d’une loi sur les hydrocarbures conçue pour encadrer les projets. Cette législation, qui a été adoptée en 2019, interdit notamment le recours à la fracturation dans les basses-terres du Saint-Laurent, ce qui a eu pour effet de mettre un terme à toute la filière du gaz de schiste, laquelle avait suscité une vive controverse. Si les groupes environnementaux ont rapidement salué l’intention du gouvernement du Québec, pour le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, Québec ferait fausse route en allant de l’avant. Il estime que, dans les circonstances, "il serait plus acceptable d’autoriser la production, avec évidemment des règles environnementales très strictes et sans subventions gouvernementales, pour ne pas se retrouver à dédommager [les entreprises] et à payer pour régler des conflits juridiques. Les gouvernements ont improvisé par le passé et veulent prendre des décisions symboliques d’interdire l’exploitation, mais c’est cher payé pour du pétrole que l’on importera par ailleurs." De son côté, Normand Mousseau, ancien président de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, redoute que le Québec doive dépenser plusieurs millions de dollars pour mettre fin à la saga pétrolière et gazière. Mais il rappelle que l’Agence internationale de l’énergie est formelle : il faut stopper dès maintenant tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers si on veut se donner une chance de limiter le réchauffement climatique. Tous les détails dans l'article d'Alexandre Shields – Le Devoir |