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Tunisie |
Dossier de la rédaction de H2o   |
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16/08/2018 | |
L'accès à l'eau est devenu une source lucrative pour certains particuliers dans le secteur. La fragmentation institutionnelle qui caractérise le secteur de l'eau et la difficulté de mettre en œuvre le code de l'eau sont les principaux handicaps qui favorisent la corruption. La confusion totale des rôles et le poids du pouvoir font que même un délégué municipal peut intervenir pour faire rétablir l'alimentation en eau de tel ou tel agriculteur et d'un organisme public ou privé quelconque. Des interventions ministérielles sont aussi observées pour le rétablissement de l'alimentation en eau de certains établissements publics et privés n'ayant pas payé leurs factures d'eau. C'est ce qui explique en partie que les créances de la SONEDE se chiffrent à plus de 380 millions de dinars dont 80 millions de dinars au niveau des institutions publiques. Madame Raoudha Gafrej, experte en gestion des ressources en eau, affirme que "les retards, dont certains prémédités, dans l'exécution des projets ainsi que le rejet par la commission supérieure des marchés de certains dossiers pour des raisons douteuses, fait perdre à l'État au moins une année ou deux même pour la relance de toute la procédure d'appel d'offres, ce qui a pour conséquence l'augmentation du coût du projet d'au moins 30 % à 50 %. Cela accroît le risque du recours aux pots-de-vin." Me Chawki Tebib, bâtonnier de l'Ordre des avocats, précise qu'en 2016 la corruption et la mauvaise gestion rien que dans les marchés publics ont coûté à la nation 2 milliards de dinars. Les Tunisiens payent, selon lui, en moyenne 500 millions de dinars par an sous forme de petite corruption, y compris dans le secteur de l'eau. Des projets sont planifiés à la hâte sans études préliminaires et comparatives afin de choisir les solutions les plus appropriées sur le plan économique, social et environnemental et sans même des études d'impact sur l'environnement. Les normes dans les périmètres irrigués ne sont pas respectées, des agriculteurs ont seulement une borne d'irrigation alors que d'autres détiennent plus de deux sans compteur. Dans la majorité des périmètres irrigués, le comptage de l'eau est forfaitaire : c'est-à-dire que l'agriculteur paye un volume d'eau calculé sur la base de la superficie de la culture multipliée par la consommation moyenne de cette culture (exemple : 3 hectares de blé à raison de 3 000 m3/ha = 9 000 m3 par an). Or, on ne saura jamais combien chaque agriculteur a réellement consommé et qui a en réalité consommé cette eau. Les agriculteurs refusent tout simplement d'installer des compteurs et/ou les détruisent une fois installés. "On se demande pourquoi on n'observe pas ce genre de comportement au niveau de la SONEDE qui gère presque trois millions d'abonnés", s'interroge Raoudha Gafrej, poursuivant : "Comment peut-on expliquer qu'en dépit d'une troisième année de sécheresse, les concessions d'exploitation des eaux souterraines pour la production des eaux minérales ont augmenté considérablement ?" Des audits à différents niveaux sont nécessaires si on veut éradiquer ces pratiques qui nuisent à la préservation et à une bonne gestion de nos ressources en eau. S.A.H., La Presse (Tunis) – AllAfrica |