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Maroc
Le Maroc appelé à revoir sa politique d'eau

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
06/01/2021

Où en est la politique de construction des barrages menée depuis les années 1960 ? Aujourd'hui, le Maroc dispose de 146 barrages avec une capacité de stockage de 19 milliards de mètres cubes. Ce chiffre est appelé à atteindre 20 milliards de mètres cubes avec la construction de deux nouveaux barrages l'année prochaine, a indiqué récemment Abdelkader Amara, ministre de l'Équipement, du Transport, de la Logistique et de l'Eau, en réponse à une question sur les projets futurs d'infrastructures routières lors de la séance hebdomadaire des questions orales à la Chambre des représentants.

L'édification de cinq grands barrages a été lancée cette année, a-t-il affirmé, et cinq nouveaux projets seront engagés en 2021. "Le Programme national de l'eau qui prévoit la construction de 30 grands barrages à l'horizon 2050 avec un budget de 380 milliards de dirhams", a-t-il noté tout en indiquant que le rythme de construction des barrages est passé de deux à cinq ouvrages par an. Pourtant, une question se pose avec acuité : les investissements pour l'édification des barrages ont-ils encore une raison d'être vu le stress hydrique qui touche certaines régions du Maroc, d'une part, et les effets du changement climatique, d'autre part ? "Les investissements dans les barrages sont toujours très bénéfiques, rentables et très stratégiques car il s'agit d'une source vitale non seulement à la survie de la population mais aussi à sa sédentarisation en relation avec l'activité et la valeur ajoutée qu'elle génère dans le domaine agricole considéré comme l'activité principale de la majorité des populations rurales marocaines", indique le Pr Taieb Boumeaza, géographe et professeur à l'Université Hassan II de Casablanca. Cependant, il estime que la construction des barrages doit être opérée en orientant les projets vers les zones à fort apport pluviométrique telles que celles rifaines et atlasiques là où il y a des conditions topographiques et géologiques favorables et l'on doit accorder plus d'intérêt aux barrages moyens de proximité afin de limiter les frais de transfert d'eau et de promouvoir l'indépendance régionale ou locale en matière d'eau. Ces réalisations doivent aussi prendre en compte les études techniques (géophysique, géologique, climatologique et géomorphologique), les conditions naturelles et bien sûr l'étude d'impact de longue durée et de faisabilité de chaque projet. "C'est ce qui manque, ou plutôt c'est ce qui a été négligé, au niveau des grands barrages stratégiques à l'échelle nationale et qui sont actuellement envasés à concurrence de 60 à 80 %, d'où la solution actuellement envisagée d'en élever les digues afin d'avoir plus de capacité de stockage, ce qui s'impose sévèrement vu la demande grandissante de cette ressource vitale durant les périodes de stress hydrique que connaissent de nombreuses régions du Royaume", révèle l’interlocuteur qui va plus loin. Il estime qu'il est temps de réfléchir à la possibilité de recourir à des pipelines aquatiques, lesquels constitueront, selon lui, un réseau vital pour les régions démunies. "Des pipelines sont utilisés partout dans le monde pour l'acheminement du pétrole et du gaz, alors on fera l'exception en transportant l'eau vers nos régions du sud et au Sahara ("la Californie" du Royaume dans l'avenir) où les potentialités agricoles et les sols n'attendent que d'être irrigués pour valoriser ces grands espaces qui disposent d'un rayonnement solaire adéquat et de températures clémentes. De tels projets insuffleront à ces régions un dynamisme économique en matière agricole dont le fruit sera orienté vers l'Afrique où la demande est toujours importante. Ceci contribuera également à une expansion urbaine des petits centres des régions méridionales du Royaume", analyse-t-il. À ce propos, le Pr Taieb Boumeaza rappelle que les institutions qui gèrent le domaine de l'eau au niveau national n'ont ni les moyens ni le pouvoir de procéder à un dispatching (distribution + réseau) ou à une gestion interrégionale car elles n'ont pas de moyens logistiques patents. "Chaque région (bassin hydraulique) est propriétaire de son stock aquatique car il y a un manque de connexion entre les bassins ou entre les régions. On a des connexions électriques mais pas aquatiques." Le Maroc serait pourtant en capacité d'alimenter ses voisins algériens via un pipeline aquatique reliant le barrage Mohammed V sur la Moulouya à la région d'Oran pour l'alimenter en eau potable.

Hassan Bentaleb, Libération (Casablanca) – AllAfrica