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PUBLICATION, Tunisie
L'épandage des eaux de crues

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
22/08/2017

Irrigation avec les eaux de ruissellement dans les régions arides de la Tunisie : l'épandage des eaux de crues, par Hayet Chékir.

En choisissant de présenter l'irrigation par épandage des eaux de crues, Hayet Chékir fait un plaidoyer pour le maintien de la tradition paysanne ancestrale consistant à tirer le meilleur profit du peu d'eau dont disposent les populations rurales. Ces foyers hydrauliques existaient dans toute la Tunisie centrale et particulièrement dans l'immense plaine d'Enfidha, le Kairouanais, la plaine de Sidi Bouzid, etc. Sur des milliers d'hectares, les périmètres d'épandage s'étendaient de part et d'autre de tous les oueds de la Tunisie centrale. Au début du siècle dernier, la totalité des surfaces dominées par ces périmètres était de plus de 150 000 hectares ; il n'en reste plus à présent que 30 000 hectares. L’ouvrage inventorie les différents aménagements et techniques possibles permettant leur dimensionnement ; il étudie également l’impact de l’épandage des eaux de crues sur le rendement des cultures et sur la recharge des nappes. La distribution de l'eau est basée sur le respect du droit d'amont. Ce qui veut dire que les parcelles situées plus en amont sont irriguées avant celles situées en aval. La propriété étant alors collective, la superficie irriguée étaient divisée en parcelles, les ksayems, qui bénéficient de la même priorité quant à la distribution de l'eau (dans le respect du droit d'amont). Cette règle permet aux parcelles situées plus en amont d'être irriguées à chaque crue. Tandis que l'irrigation des parcelles les plus situées à l'aval dépend du volume des crues. Ceci étant, il y a toujours une zone où la culture est menée à terme chaque année. La règle de priorité à l'amont n'est pas si injuste, dans la mesure où chaque famille obtient sa part d'eau dans les diverses parcelles. Quand les terres sont collectives, ce qui était aussi souvent le cas, la récolte profite à l'ensemble du groupe. Mais la privatisation progressive a engendré la division du terrain ; du coup, le droit d'amont a systématiquement disparu, entraînant la diminution du nombre de parcelles irriguées, parmi les meilleures situées à l’amont. Ce qui a ainsi amoindri le rendement des cultures. Il n'y a plus dès lors de zone privilégiée, profitant de l'irrigation à chaque crue. Par ailleurs, l’auteure révèle que, dans les zones où la pluviométrie est supérieure à 250 mm/an, la construction des barrages a permis la création de périmètres irrigués de façon permanente. Ces périmètres ont remplacé ceux irrigués par épandage des eaux de crues. Par contre, dans les zones où la pluviométrie est inférieure à 200 mm/an, les conditions climatiques ne permettent pas le stockage de l'eau dans les barrages. Il est ainsi rare qu'une même parcelle reçoive deux irrigations par an. La modification des règles de répartition a ainsi engendré une diminution du volume d'eau utilisée pour l'irrigation. En effet, les longues distances, séparant les canaux du barrage (entre 3 et 10 kilomètres) ont favorisé l'augmentation des infiltrations vers la nappe et, de ce fait, de réduire le volume destiné à l'irrigation.

Dans son entretien avec le quotidien La Presse, l'auteure Hayet Chékir, insiste sur la capacité de l'irrigation par épandage des eaux de crues d'optimiser la gestion des ressources limitées en eau. La technique s'est développée et a évolué dans ces régions arides. Elle s'est adaptée au milieu et l'a enrichi. Ainsi, le sol s'est épaissi par les sédiments apportés par les crues qui le régénèrent, le fertilisent et le rendent de plus en plus épais. Ce qui lui permet de retenir l'eau. Une seule et unique irrigation de l'orge, par exemple, peut assurer le pâturage durant toute la campagne. Il s'agit par excellence d'un système à la fois durable et socialement équitable qui, contrairement aux nappes, ne s'épuise pas, et qui, contrairement aux barrages, ne perd pas sa capacité de stockage. 

Larbi Derouiche, La Presse (Tunis) – AllAfrica